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Claude Lorius: la Terre est durablement en déséquilibre

Pour Claude Lorius, glaciologue, parti pour la première fois en Antarctique en 1955, la Terre n’est pas durablement en déséquilibre. Et même un arrêt des émissions de gaz à effet de serre n’empêchera pas le climat de se réchauffer. Claude Lorius, témoignait récemment lors d’une journée organisée par le réseau des Info Energie Rhône-Alpes organisée à Rovaltain, dans les locaux de l’INEED, de l’apport des recherches en glaciologie auxquelles il a participé depuis plus de 50 ans.


Il y a cinquante ans, lors de l’année Géophysique Internationale, le chercheur « encore gamin », s’embarquait pour passer son hiver en antarctique dans une base française enfouie sous la neige de ce continent encore largement inconnu vaste de 27 millions de kilomètres carrés. En un demi-siècle l’étude de la neige de la glace en Antarctique a permis de faire parler ce qui est devenu un véritable thermomètre à remonter le temps : les carottes extraites des glaces.



Une seule atmosphère


La glace de l’Antarctique a permis de montrer que la Terre n’a qu’une atmosphère a rappelé l’ancien chercheur qui reprend de temps en temps le chemin du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement (LGGE), laboratoire associé CNRS-Université Joseph Fourier, de Grenoble. Comme l’explique celui qui a reçu la Médaille d’Or du CNRS, les scientifiques se sont rendus compte que les glaces de l’Antarctique, révélaient la présence du plomb du carburant brûlé à des milliers de kilomètres. Les scientifiques ont aussi prouvé que la glace enfermait de l’air porteur d’éléments radioactifs émis lors d’essais nucléaires.


De la même manière, les carottes de glace montrent indiscutablement quelle a été la température à la surface du continent depuis des centaines de milliers d’années. Les chercheurs ont foré de plus en plus profond pour remonter des échantillons de glace renfermant de l’air porteur des éléments chimiques en suspension dans l’atmosphère. La coopération internationale a permis ces avancées, malgré des conditions techniques difficiles, malgré des dangers, malgré des conditions de vie éprouvantes. Malgré la guerre froide qui n’a pas empêché un avion américain d’emporter des scientifiques français vers une base soviétique.


De la découverte à la question qui dérange


Les premiers forages remontant aux années 1974-1978 ont permis d’explorer le climat ancien jusqu’à 20 000 ans avant le présent. En 1987, Claude Lorius participe à la publication d’un article dans la revue Nature, qui évoque l’évolution climatique depuis 160 000 ans. « Le Sénat américain nous a interrogé, Michel Rocard aussi ». Mais il a fallu encore de longues années pour que les découvertes scientifiques deviennent « une question qui dérange »


Claude Lorius a rappelé que les fluctuations de températures, entre les périodes les plus froides et les périodes les plus chaudes, n’atteignent qu’une variation de 5 degrés environ. Ce qui n’empêche pas les extrêmes. Et ce qui suffit par exemple à faire monter de 120 mètres le niveau des mers.


Et le réchauffement peut s’auto-entretenir. La fonte des glaces, la fonte des neiges, font apparaître des terres nues, dont le pouvoir réfléchissant, l’albédo, décroit. La surface de la Terre absorbe encore davantage d’énergie ce qui fait fondre davantage la neige et la glace… Le phénomène de réchauffement est donc bien lancé. D’autant plus lancé que la concentration en carbone de l’atmosphère a elle-même une certaine inertie. Le dioxyde de carbone émis depuis l’anthropocène (l’ére pendant laquelle la planète est marquée par l’activité humaine) est dissous dans les océans dont le fonctionnement thermique est lui-même modifié.


« Allègre ne connait rien au climat »


,Faut-il remettre en doute les explications sur le réchauffement du climat ? Prêter du crédit aux propos provocateur du Claude Allègre. Ne posez pas deux fois la question à Claude Lorius, si vous ne voulez pas que le glaciologue perde son sang froid. « Allègre a apporté beaucoup dans son domaine, mais il ne connait rien au climat ».


Le chercheur semble surtout irrité qu’on puisse croire que l’homme s’adaptera facilement. Le réchauffement a déjà des conséquences, mais les répercussions les plus sévères sont à venir. La récente expédition du voilier Tara, prouve pour Claude Lorius que la machine climatique est bien déréglée. Et qu’en même temps que l’instabilité climatique, le changement va apporter une instabilité géopolitique en découvrant de nouvelles ressources, jusqu’à présent recouverte par la glace, dans un monde assoiffé d’énergie et de matières premières.



Michel.deprost@free.fr


Glaces de l’Antarctique, une mémoire, des passions, Claude Lorius, Editions Odile Jacob, 1991, 300 pages


Pour en savoir davantage sur l’expédition du Tara : http://www.taraexpeditions.org/fr/presentation/presentation.php?id_page=289&PHPSESSID=8ba0066572f8131a7581ed740ef9755a

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