Nicole Gnesotto, normalienne, agrégée de lettres modernes, passionnée par les questions de sécurité et les problèmes internationaux, a étéChef adjoint du centre d’analyse et de prévision du Ministère des Affaires Etrangères, directrice de l’Institut de Sécurité de Union de l’Union européenne , vice-présidente de Notre Europe, cercle de réflexion sur la politique extérieure de l’Union. Elle est titulaire d’une chaire sur l’Union européenne en cours de création au Conservatoire National des Arts et Métiers.
Nicole Gnesotto a dirigé la réalisation d’un ouvrage collectif « Le monde en 2025 », issu du travail réalisé entre 2002 et 2007 par des spécialistes de l’ Institut d’Etudes et de Sécurité de l’Union Européenne. Ces spécialistes avaient publié une synthèse de leurs travaux remise aux responsables de l’Union Européenne. Ils ont enrichi la synthèse publiée en octobre ( 1) Nicole Gnesotto a prononcé ce mardi 18 mars à Charbonnières, une conférence dans le cadre des rencontres de prospectives du Conseil Economique et Social de Rhône-Alpes. Le texte qui suit est une transcription de cette conférence, approuvée par Nicole Gnesotto.
Le monde ne va pas vers plus de stabilité…
« Nous vivons des évènements aussi bien politiques en Chine que financiers qui pourraient faire penser que tout va changer. Il est difficile de déceler ce qui est de l’ordre de la crise conjoncturelle et ce qui est de l’ordre du structurel. Nous avons pris un certain nombre d’indicateurs, la démographie, la science, la technologie, la société, l’ environnement, l’énergie et nous avons extrapolé sur les vingt ans à venir pour voir quel monde pouvait se dessiner à partir de ces extrapolations, un scénario qui se veut un scénario de continuité, à partir de 800 documents produits par l’ ONU, la Banque Mondiale, des organismes privés, des entreprises étatiques, des rapport prospectifs des organisations non gouvernementales.
Nous n’avons pas, volontairement, intégré de scénario de rupture bien que nous vivions un temps d’accélération et de ruptures, qui sont probables, comme de grandes pandémies qui obligeraient à fermer des ports, des aéroports, comme un attentat chimique ou nucléaire.
Et nous n’avons pas pris en compte les politiques que les acteurs, que les Etats pourraient mettre en place. Nous sommes par exemple partis de la prévision indiquant que l’Europe sera dépendante à hauteur de 60% de l’extérieur pour son énergie en 2025. C’est le chiffre retenu par les experts, mais nous n’avons pas pris en compte les réponses qui pourront être apportées, les nouvelles technologies, la redistribution des sources énergétiques.
Au-delà de ces limites, une conclusion de ce scénario de continuité implique des modifications profondes de l’environnement international qui ne vont pas dans le sens de la stabilité. »
.
L’économie mondiale continuera à croitre…
« L’économie est le seul socle que nous pouvons penser pour le système international. La mondialisation est l’élément structurant de l’ensemble des activités humaines. Elle continuera, avec une augmentation de 3% du PIB mondial mais avec des tensions, des contradictions et une multiplication des acteurs.
Le 21ème siècle sera de toute évidence un siècle asiatique. Le Produit intérieur brut de la Chine et de l’Inde seront multipliés par trois d’ici à 2025. Les pays de l’Asie produiront alors 38 % de la richesse mondiale contre 40% pour les pays de l’OCDE. La Chine sera, en 2025, le premier exportateur mondial. Et le rattrapage au niveau des salaires n’est pas certain. En effet, en Inde et en Chine, il existe encore des réservoirs immenses de main d’œuvre à bon marché. »
Une réduction historique de la pauvreté…
« La mondialisation c’est une réduction historique de la pauvret é : 400 millions de personnes en sont déjà sorties et ne vivent plus avec moins de 1 dollar par jour. L’Inde met ainsi sur le marché du travail 15 millions de personnes tous les ans. Mais à côté de cet enrichissement, de cette réduction de la pauvreté, la mondialisation n’est ni globale ni mondiale. Elle ne concerne pas tous les pays et dans les pays, pas toutes les catégories sociales.
La mondialisation n’englobe pas tous les pays, en effet 56 pays compteront pour moins de 1% du commerce mondial. Un tiers des habitants demeurera dans un état d’extrême pauvreté. L’enrichissement réel de la Chine masque l’appauvrissement continu du continent africain. Cette mondialisation très inégale entraîne une diminution du nombre de pauvres mais elle entraîne aussi un creusement du fossé entre ceux qui s’en sortent et les plus pauvres . C’est ce qui entraîne la perception négative d’un phénomène qui entraîne même une paupérisation de classes moyennes des pays développés et de couches sociales dans les pays africains et dans les pays du monde arabe. Cette aggravation se poursuivre et explique que nous allons vers de vraies tensions entre le Nord et le Sud.»
Les grandes vagues migratoires sont devant nous…
« En 2025, on considère que la population sera stabilisée à 8 milliards d’être humains, dont 4,7 milliards vivront en Asie. Plus de la moitié de l’humanité ne sera pas composée d’Occidentaux. Les USA et l’ Europe ne représenteront plus que 8% de la population, alors qu’au dix-neuvième siècle l’Europe comptait pour 22% de la population mondiale, le poids actuel de la Chine.
En 2025, l’Afrique comptera elle plus d’un milliard d’habitants, et l’ensemble Maghreb Moyen Orient 550 millions. Non seulement l’Occident se rétrécit, mais il vieillit. Ces écarts démographiques créeront les grandes vagues migratoires qui sont devant nous et non pas derrière nous.»
Energie : le problème est celui de l’accès aux ressources…
«L’Agence Internationale de l’Energie prévoit une croissance de 60 %de la demande d’énergie fossile, d’ici 2025, et les deux tiers de cette demande viendront des puissances asiatiques, pour le pétrole et le gaz et nous avons le développement d’une diplomatie chinoise qui est une diplomatie pétrolière et gazière, et la Chine est parfaitement installée en Algérie, en Iran.
Le problème en 2025, ce ne sera pas la raréfaction des ressources, ce sera celui de l’accès aux ressources puisque les trois quarts des ressources énergétiques se trouvent dans des zones de crises ouvertes, en Russie, au Moyen Orient, en Afrique . Le second problème sera un besoin en investissement considérable pour acheminer et moderniser les infrastructures de transport d’électricité. Certains pensent que la Chine devait réaliser 15% des investissements mondiaux pour satisfaire ses propres besoins. »
Les problèmes environnementaux toucheront d’abord les mégalopoles…
« A l’échéance qui est la notre, 2025 on ne peut pas considérer que la planète est entrée dans une zone de bouleversement majeure à cause du réchauffement climatique. L es grandes catastrophes liées au climat se situent au-delà, après 2050. Mais il y aura dans les vingt ans qui viennent un certain nombre de crises environnementales.
Le premier problème sera celui de la pollution urbaine, car d’ici à 2025 plus de la moitié de la population mondiale vivra dans des mégalopoles dans des conditions primaires, au niveau du ramassage des déchets, avec la présence de nuages toxiques.
Le deuxième problème sera celui de la raréfaction de la quantité d’eau potable disponible. Les guerres de l’eau sont probablement devant nous. D’ici 15 ans, 40% de la population africaine souffrira de stress hydrique. La quantité d’eau potable disponible diminuera de moitié dans les 25 ans en Chine, la Chine qui compte déjà 20 millions de réfugiés environnementaux et 180 millions de personnes dépendants d’eaux polluées pour leur vie quotidienne, ce qui peut faciliter la résurgence de maladies.
Ces évolutions environnementales aboutiront pour plusieurs régions du monde à des indicateurs négatifs. Le Grand Sud de l’Europe sera dans une situation d’instabilité multiple à cause des difficultés économiques, des difficultés d’approvisionnement en eau, des difficultés d’accès aux ressources. »
Nous entrons dans un monde multipolaire…
« Nous pouvons tirer plusieurs conclusions cette étude prospective. Nous sommes entrés dans un monde multipolaire, après une phase de système bipolaire, puis après 1990 une phase de système unipolaire. Dire que le monde est multipolaire ne veut pas dire que le monde est plus stable. La question est de savoir quel type de relations les pôles établiront entre eux. Il peut y avoir une multipolarité agressive, une multipolarité de compétition, pour l’accès aux ressources, ou une multipolarité régulée, avec des règles, des codes.
Or toutes les institutions en charge des régulations sont en crise d’efficacité et de légitimité, elles ne sont pas efficaces, en particulier sur le plan financier. Et les Américains ont une vision bipolaire, avec d’un côté la ligue des démocraties, de l’autre tous les autres . Ils ont une vision forte, mais l’Europe n’en n’a pas assez »
La carte de l’insécurité suivra celle des échecs de la mondialisation…
« La carte de l’insécurité va suivre la carte des échecs, Russie, Afrique et Monde musulman. Est-ce que ces pays vont réussir ? Nous concluons que les perspectives restent très ouvertes. Les pronostics sont plutôt négatifs pour le continent africain et pour la zone d’Afrique du Nord Moyen Orient. L’essentiel de l’instabilité sera au sud de l’Europe.
Nous devons aussi poser la question de la démocratie dans le monde. C’est une vraie question de science politique. Est-ce que le développement économique entraîne une évolution vers la démocratie plus ou moins parlementaire ? En Amérique latine, c’est plutôt oui. Mais en Chine, c’est plutôt l’inverse et le régime autoritaire chinois a même besoin de succès économiques pour se maintenir.
La question peut se poser pour nos vieilles démocraties ? Si on accumule le vieillissement, les tensions sur les marchés du travail, le financement difficile des systèmes de retraite, des mesures sécuritaires, si on ajoute la peur, le manque d’innovation , on ne peut être certain de la manière dont évolueront nos sociétés.»
Les Occidentaux doivent accepter de ne plus dominer le monde…
« La question majeure pour nous est celle de l’acceptation par les Occidentaux, du fait que nous sommes rentrés dans une nouvelle période, celle de la fin de la domination occidentale. Nous entrons dans un monde qui ne sera plus le monde que nous avions connu depuis Charles Martel. Nous sommes entrés dans l’âge de la relativité d’une civilisation occidentale qui se voulait universelle. D’autres civilisations prétendront aussi l’universalité. Partagerons-nous le pouvoir ou rentrerons-nous dans une phase de compétition pour le leadership ? Les Trente Glorieuses qu’avait connues l’Europe sont vraiment derrière nous. Toute la question pour l’Europe est de savoir si elle pourra proposer aux Américains un nouveau modèle de régulation international qui fera la part aux autres. Nous pensons la stabilité future dépend de la capacité des Occidentaux à partager le pouvoir et non pas à le conserver.
Nicole Gnesotto, normalienne, agrégée de lettres modernes, et passionnée par les questions de sécurité et les problèmes internationaux, a été Chef adjoint du centre d’analyse et de prévision du Ministère des Affaires Etrangères, directrice de l’Institut de Sécurité de Union de l’Union européenne , vice-présidente de Notre Europe, cercle de réflexion sur la politique européenne de l’Union. Elle est titulaire d’une chaire sur l’Union européenne en cours de création au CNAM ( Conservatoire National des Arts et Métiers.
Elle a dirigé la réalisation d’un ouvrage collectif « Le monde en 2025 », issu du travail réalisé entre 2002 et 2007 par des spécialistes de l’ Institut d’Etudes et de Sécurité de l’Union Européenne. Ces spécialistes avaient publié une synthèse de leurs travaux remise aux responsables de l’Union. Ils ont enrichi la synthèse publiée en octobre. Nicole Gnesotto a prononcé le mardi 18 mars, une conférence dans le cadre des rencontres de prospectives du Conseil Economique et Social de Rhône-Alpes. Le texte qui suit est une transcription de cette conférence.
Le monde ne va pas vers plus de stabilité…
« Nous vivons des évènements aussi bien politiques en Chine que financiers qui pourraient faire penser que tout va changer. Il est difficile de déceler ce qui est de l’ordre de la crise conjoncturelle et ce qui est de l’ordre du structurel. Nous avons pris un certain nombre d’indicateurs, la démographie, la science, la technologie, la société, l’ environnement, l’énergie et nous avons extrapolé sur les vingt ans à venir pour voir quel monde pouvait se dessiner à partir de ces extrapolation, un scénario qui se veut un scénario de continuité, à partir de 800 documents produits par l’ ONU, la Banque Mondiale, des organismes privés, des entreprises étatiques, des rapport prospectifs des organisations non gouvernementales.
Nous n’avons pas, volontairement, intégré de scénario de rupture bien que nous vivions un temps d’accélération et de rupture, qui sont probables, comme les grandes pandémies qui obligeraient à fermer des ports, des aéroports qui seraient fermés pendant quelques temps, comme un attentat chimique ou nucléaire.
Et nous n’avons pas pris en compte les politiques que les acteurs, que les Etats pouvaient mettre en place. Nous sommes par exemple partis de la prévision indiquant que l’Europe sera dépendante à hauteur de 60% de l’extérieur pour son énergie, en 2025. C’est le chiffre retenu par les experts, mais nous n’avons pas pris en compte les réponses qui pourront être apportés, les nouvelles technologies, la redistribution des sources énergétiques.
Au-delà de ces limites, une conclusion ce scénario de continuité implique des modifications profondes de l’environnement international qui ne vont pas dans le sens de la stabilité. »
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L’économie mondiale continuera à croitre…
« L’économie est le seul socle que nous pouvons penser pour le système international La mondialisation est l’élément structurant de l’ensemble des activités humaines. Elle va continuer avec une augmentation de 3% du PIB mondial mais avec des tensions, des contradictions et une multiplication des acteurs économiques.
Le 21ème siècle sera de toute évidence un siècle asiatique. Le Produit intérieur brut de la Chine et de l’Inde seront multipliés par trois d’ici 2025. Les pays de l’Asie produiront 38 % de la richesse mondiale contre 40% pour les pays de l’OCDE. La Chine sera en 2025 comme premier exportateur mondial. Et le rattrapage au niveau des salaires n’est pas certain, loin de là, car en inde et en Chine, il existe encore des réservoirs immenses de main d’œuvre à bon marché. »
Une réduction historique de la pauvreté…
« La mondialisation c’est une réduction historique de la pauvreté , 400 millions de personnes en sont déjà sortie et ne vivent plus avec moins de 1 dollar par jour. L’Inde met sur le marché du travail 15 millions de personnes tous les ans. Mais à côté de cet enrichissement, de cette réduction de la pauvreté, la mondialisation n’est ni globale ni mondiale. Elle ne concernent par tous les pays et dans les pays pas toutes les catégories sociales.
La mondialisation n’englobe pas tous les pays : 56 pays compteront pour moins de 1% du commerce mondial. Un tiers des habitants demeurera dans un état d’extrême pauvreté. L’enrichissement réel de la Chine masque l’appauvrissement continu du continent africain. Cette mondialisation très inégale entraine une diminution du nombre de pauvres mais elle entraine aussi un creusement s’en sortent et les plus pauvres . C’est ce qui entraine la perception négative du phénomène de mondialisation qui entraine même une paupérisation de classes moyennes des pays développés et de couches sociales dans les pays africains et dans les pays du monde arabe. Cette aggravation va se poursuivre et nous allons vers de vraies tensions nord sud.»
Les grandes vagues migratoires sont devant nous…
« En 2025, on considère que la population sera stabilisée à 8 milliards d’être humaines, dont 4,7 milliards vivront en Asie. Plus de la moitié de l’humanité ne sera pas composée d’Occidentaux. Les USA et l’ Europe ne représenteront plus que 8% de la population, alors qu’au dix-neuvième siècle l’Europe comptait pour 22% de la population mondiale, le poids actuel de la Chine. En 2025, l’Afrique comptera elle plus d’un milliard d’habitants, et l’ensemble Maghreb Moyen Orient 550 millions. Non seulement l’Occident se rétrécit, mais il vieillit. Ces écarts démographiques créeront les grandes vagues migratoires qui sont devant nous et non pas derrière nous.»
Energie : le problème est celui de l’accès aux ressources…
«L’Agence Internationale de l’Energie prévoit une croissance de 60 %de la demande d’énergie fossile, d’ici 2025, et les deux tiers de cette demande viendront des puissances asiatiques, pour le pétrole et le gaz et nous avons le développement d’une diplomatie chinoise qui est une diplomatie pétrolière et gazière, et la Chine est parfaitement installée en Algérie, en Iran.
Le problème en 2025, n’est pas la raréfaction des ressources, c’est celui de l’accès aux ressources puisque les trois quarts sont dans des zone de crises ouvertes Russie au Moyen Orient, en Afrique du Nord. Le second problème est le besoin en investissement considérable pour acheminer et moderniser les infrastructures de transport d’électricité. Certains pensent que la Chine devait réaliser 15% des investissements mondiaux pour satisfaire ses besoins. »
Les problèmes environnementaux toucheront d’abord les mégalopoles…
« A l’échéance qui est la notre, 2025 on ne peut pas considérer que la planète est entrée dans une zone de bouleversement majeure à cause du réchauffement climatique. L es grandes catastrophes liées au climat se situent au-delà, après 2050. Mais il y aura dans les vingt ans qui viennent un certain nombre de crises environnementales.
Le premier problème sera la pollution urbaine, d’ici à 2025, car plus de la moitié de la population mondiale vivra dans des mégalopoles dans des conditions primaires, au niveau du ramassage des déchets, nuages toxiques.
Le deuxième problème sera la raréfaction de la quantité d’eau potable disponible. Les guerres de l’eau sont probablement devant nous. D’ici 15 ans, 40% de la population africaine souffrira de stress hydrique. La quantité d’eau potable disponible diminuera de moitié dans les 25 ans en Chine, la Chine compte déjà 20 millions de réfugiés environnementaux et 180 millions de Chinois sont dépendants d’eaux polluées pour leur vie quotidienne, ce qui peut faciliter la résurgence de maladies.
Ces évolutions environnementales aboutiront pour plusieurs régions du monde à des indicateurs négatifs. Le Grand Sud de l’Europe sera dans une situation d’instabilité multiple à cause des difficultés économiques, des difficultés d’approvisionnement en eau, difficultés d’ accès aux ressources. »
Nous entrons dans un monde multipolaire…
« Nous pouvons tirer plusieurs conclusions. Nous sommes rentrés dans un monde multipolaire, après une phase de système bipolaire, et après 1990 une phase de système unipolaire. Dire que le monde est multipolaire ne veut pas dire que le monde est plus stable, la question est de savoir quel type de relations les pôles établiront entre eux. Il peut y avoir une multipolarité agressive, une multipolarité de compétition, pour l’accès aux ressources, ou une multipolarité régulée, avec des règles, des codes.
Or toutes les institutions en charge des régulations sont en crise d’efficacité et de légitimité, elles ne sont pas efficaces, en particulier sur le plan financier. Et les Américains ont une vision bipolaire, avec d’un côté la ligue des démocraties, de l’autre tous les autres . Ils ont une vision forte, mais l’Europe n’en n’a pas assez .»
La carte de l’insécurité suivra celle des échecs de la mondialisation…
« La carte de l’insécurité va suivre la carte des échecs, Russie, Afrique et Monde musulman. Est-ce que ces pays vont réussir ? Notre conclusion, c’est que les perspectives restent très ouvertes, en raison des bénéfices, les pronostics sont plutôt négatifs pour le continent africain et pour la zone d’Afrique du Nord Moyen Orient. L’essentiel de l’instabilité sera au sud de l’Europe.
Nous devons aussi poser la question de la démocratie dans le monde. C’est une vraie question de science politique. Est-ce que le développement économique entraîne une évolution vers la démocratie plus ou moins parlementaire ? En Amérique latine, c’est plutôt oui. Mais en Chine, c’est plutôt l’inverse et le régime autoritaire chinois a même besoin de succès économiques pour se maintenir.
La question peut se poser pour nos vieilles démocraties ? Si on accumule le vieillissement, les tensions sur les marchés du travail, le financement difficile des systèmes de retraite, des mesures sécuritaires, si on ajoute la peur, le manque d’innovation , on ne peut être certain de la manière dont évolueront nos sociétés.»
Les Occidentaux doivent accepter de ne plus dominer le monde…
« La question majeure pour nous est celle de l’acceptation par les Occidentaux, du fait que nous sommes rentrés dans une nouvelle période, celle de la fin de la domination occidentale. Nous entrons dans un monde qui ne sera plus le monde que nous avions connu depuis Charles martel. Nous sommes entrés dans l’âge de la relativité d’une civilisation occidentale qui se voulait universelle. D’autres civilisations prétendront aussi l’universalité. Partagerons-nous le pouvoir ou rentrerons-nous dans une phase de compétition pour le leadership ? Les Trente Glorieuses qu’avait connues l’Europe sont vraiment derrière nous. Toute la question pour l’Europe est de savoir si elle pourra proposer aux Américains un nouveau modèle de régulation international qui fera la part aux autres. Nous pensons la stabilité future dépend de la capacité des Occidentaux à partager le pouvoir et non pas à le conserver”.
recueilli par Michel Deprost
1) “Le monde en 2025”, Nicole Gnesotto et Giovanni Grevi, Robert Laffont, Paris, Octobre 2007