Quel est le point sur la progression de l’ambroisie en France et en Europe ?
En France, l’ambroisie progresse par exemple en Côte d’Or, mais aussi du côté d’Angoulême où elle a été détectée avec les capteurs de pollen. L’ambroisie est devenue un problème européen, en particulier dans les pays de l’Europe de l’Est où certains accusent l’ancien système agricole collectiviste d’avoir favorisé son expansion. La Pologne et la Lithuanie ont a demandé à L’Union Européenne le classement de l’ambroisie sur la liste des plantes de quarantaine. Des programmes de lutte ont été mis en place en Croatie, en Bulgarie, Hongrie, où des rencontres scientifiques sont organisées cette année.
Pourquoi l’ambroisie progresse-t-elle autant ?
Le problème serait plus simple si l’ambroisie avait besoin d’un milieu particulier, en dehors d’un sol dégagé qui permet son démarrage et si elle était transportée par un vecteur particulier. Elle occupe des milieux variés, des bords de route, des zones industrielles, des champs, des jardins.
On ne connaît d’ailleurs pas exactement pas le mode de propagation des graines lors des transports de terre, ce qui rend difficile l’information, la sensibilisation des personnes qui pourraient être responsables de ces transports.
L’ambroisie profite d’un ensemble de facteurs liés aux activités humaines et aux modifications de ces activités. Elle profite ainsi de la réduction de la pression herbicide. Pour des raisons environnementales tout à fait justifiées, l’utilisation des herbicides est actuellement réduite. Malheureusement l’utilisation des herbicides, quand cela est possible, constitue pour les gestionnaires de terrain (agriculteurs, DDE, …) une pratique de base pour la gestion de la plante, car peu coûteuse et très efficace sous certaines conditions d’utilisation. En effet l’arrachage manuel est très onéreux et la fauche peut se révéler inefficace. Dans la culture du soja un herbicide avait été maintenu pour gérer l’ambroisie mais cette utilisation n’a finalement pas été reconduite.
Quels sont les vecteurs de dispersion de l’espèce?
Les vecteurs sont nombreux. Dans les milieux cultivés, une moissonneuse batteuse partagée entre plusieurs exploitations ou une machine à ramasser des betteraves peuvent transporter des graines collées dans la terre à plusieurs kilomètres. Les transports de terre, de graviers, de matériaux de construction participent à la dispersion de l’espèce. Dans le Sud de la France, l’eau des rivières ou des canaux d’irrigation contribue aussi à son envahissement.
Mais même si dans certains parc naturels à l’étranger, on prévoit le nettoyage des véhicules pour éviter la dispersion de semences d’espèces envahissantes, ce même nettoyage est complexe à mettre en place dans le secteur de la construction ou dans le secteur agricole du fait des coûts engendrés et du temps de travail supplémentaire. Il n’existe pas actuellement de réglementation visant à limiter les transports de matériaux d’une zone infestées vers une zone qui ne l’est pas. La Société des Autoroutes Paris Rhin Rhône par exemple est attentive à ces problèmes de transport de terre pour éviter une trop grande dissémination de l’espèce mais il n’y a pas de solution simple.
Comment prévenir cette progression ?
La prévention est difficile car la réaction ne vient qu’une fois la plante installée. S’il n’y a pas de pollen, il n’y a pas de problème de santé publique, pas de plainte, donc pas d’alerte et pas d’action.
Des textes prévoient pourtant des obligations ?
Tous les textes existent , par exemple des arrêtés préfectoraux pour mettre en garde contre l’ambroisie, rappeler les responsabilités et les obligations. Ces textes devraient permettre d’alerter les différents gestionnaires, agriculteurs, propriétaires privés, communes, mais personne ne les fait réellement appliquer…
Le problème c’est la prise de conscience, la bonne volonté de chacun mais la dimension économique fait que tous les acteurs veulent réduire les coûts et cela profite à l’ambroisie.
Le réchauffement climatique peut-il favoriser l’ambroisie ?
On peut penser que l’évolution du climat sera lui favorable. Au Canada, l’Ambroisie est appelée la plante de l’été indien car cette période clémente de l’automne lui permet d’avoir un climat favorable pour produire davantage de semences. Le retard de l’arrivée des premiers gels ou une dizaine de jours de gel de moins, c’est dix jours de plus pour permettre à l’ambroisie de boucler son cycle végétatif et la disparition de jours de gel sur des secteurs entiers est une aubaine.
Comment organiser la lutte ?
La lutte s’organise quand le problème est là, quand les populations sont denses et quand l’espèce est très dispersée. Les collectivités font face comme elles peuvent, elles sont très isolées et parfois elles s’épuisent. En Saône et Loire, l’investissement est ancien, mais plusieurs obstacles ont eu raison de l’action. En Côte d’Or, les communes de Beaune et de Quetigny ont pris les choses en main en investissant les personnels communaux dans l’éradication des points où l’ambroisie est densément présente. Dans la Nièvre, le lutte occasionne une dépense supplémentaire, qui s’ajoute aux dépenses de lutte contre d’autres espèces envahissantes telles que la Jussie ou la Renouée du Japon.
L’objectif d’éradication devenu irréaliste dans beaucoup de zones Il est plus raisonnable d’envisager une limitation de l’expansion de l’espèce pour atténuer ses effets négatifs.Il faut donc dans les communes, organiser la lutte au bon niveau et au bon moment. Cette lutte ne doit pas être conçue et présentée comme une action supplémentaire, mais comme une action prioritaire à penser sur le long terme.
Prend-on enfin la mesure du problème, en particulier sur le plan sanitaire ?
Il y a bien d’autres urgences sur le plan sanitaire et le problème n’a pas toujours été appréhendé avec la bonne ampleur.
Une seule enquête d’évaluation de l’impact sanitaire de l’ambroisie a été réalisée il y a plusieurs années du côté de Vienne, dans l’Isère. Actuellement en Côte d’Or, la DRASS et la DDASS organisent des réunions d’information auprès des communes et des gestionnaires. Le Ministère de la Santé va faire réaliser une nouvelle évaluation des coûts, des médicaments remboursés et non remboursés. Il semblerait que la coordination soit actuellement prise en main par le Ministère de la Santé qui organise un colloque « ambroisie » au mois de novembre à Aix les Bains. Il faudra voir si l’Etat pourra favoriser et organiser une meilleure efficacité de la gestion de l’ambroisie sur le terrain.
Recueilli par Michel Deprost michel.deprost@enviscope.com
Le site internet du congrès international “ambroisie” de Budapest: http://www.nki.hu/ragweed
Le site du congrès “plante envahissante” mais à forte connotation ambroisie , organisé en Croatie: http://www.tera.hr/ewrs-osijek-2008/
Le site du congrès européen sur l’ambroisie d’Aix les Bains: http://ambroisie.nerim.net/ambrosia2008.swf