L’insecticide Cruiser a été autorisé par le Ministre de l’Agriculture a début de 2008. Cette autorisation suit un avis donné par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments ( AFSSA) qui assortit son avis favorable de conditions d’utilisation strictes. Mal utilisé, le Cruiser est en effet dangereux aussi pour les « insectes non cibles ».
Le lancement de l’autorisation du Cruiser a été accompagné d’un protocole de surveillance pour détecter d’éventuels effets sur les abeilles. Bernard Verel, président du groupement de Défense Sanitaire Apicole de l’Ain, est apiculteur amateur et possède douze ruches à Péronnas, près ce Bourg-en-Bresse.
Trop de secret
Il estime que le protocole n’a pas été mis en place d’une manière satisfaisante. La localisation des ruches a été gardée secrète par l’administration, qui a craint, comme nous l’avait expliqué le directeur du Service Régional de Protection des Végétaux, des actions d’opposants au Cruiser. Bernard Vérel estime que ni le groupement ni les syndicats apicoles n’auraient mené ou cautionné des actions contre le suivi du Cruiser. Le président du Groupement de Défense n’est pas d’accord avec la confidentialité qui lui a été demandée. « Je suis citoyen, j’ai le droit de m’exprimer »
Un climat tendu
Cette confidentialité illustre le climat tendu entre l’administration et certains apiculteurs convaincus de la responsabilité première des insecticides dans les « problèmes » des abeilles. Le président du GDSA de l’Ain critique que la surveillance ait commencé après les semis. C’est en effet au moment des semis de semences enrobées, que des problèmes ont été constatés, sur plusieurs molécules, en France, mais aussi en Allemagne.
La direction des Services Vétérinaires de l’Ain a mis en place avec le service Régional de Protection des Végétaux, 28 ruches, dans quatre secteurs, à Ambronay, Loyettes, Lagnieu et Balan. Pour respecter la rigueur du protocole, deux ruchers ont été placés dans des zones où le Cruiser est utilisé, et deux ruchers dans des zones sans Cruiser. Mais on ne sait où sont les parcelles emblavées avec des semences enrobées de Cruiser. Les ruchers sont suivi par trois agents sanitaires missionnés par la Direction des Services Vétérinaires, qui n’ont pour le moment, rien observé d’anormal. La surveillance va se poursuivre, non seulement jusqu’à la fin de la floraison, mais jusqu’au printemps 2009.
Pour un suivi plus long
Bernard Vérel, estime qu’il conviendrait de surveiller les conséquences sur les ruches, au delà. Il explique. « Les abeilles vont emmagasiner du pollen au moment de la floraison du maïs. Ce pollen sera utilisé pour l’alimentation du couvain pendant l’hiver et avant le printemps. Si le pollen pose un problème, on ne pourra pas le voir ». Le président du Groupement de Défense trouve aussi anormal que l’étude soit financée par le « contribuable », alors qu’elle sera utile au groupe SYNGENTA qui produit la substance active.
Le dossier de la surveillance du Cruiser, les relations parfois difficiles entre organisations apicoles et administration, montre en tous les cas l’insuffisance des moyens de cette dernière. L’apiculture est un peu appréhendée par l’Etat, seulement en fonction de l’impact économique des professionnels du miel, comme n’importe quel élevage… Or, non seulement la filière compte beaucoup « d’amateurs », mais ces amateurs, où du moins leurs abeilles rendent d’énormes services à l’agriculture, par la pollinisation des cultures. Fragilisées, les abeilles ne pourront pas rendre les mêmes services gratuits…Et Bernard Vérel le regrette.