Soixante ans après sa mise en service, le barrage‐centrale d’Injoux-Génissiat, sur le Haut Rhône, sur les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie, reste un outil essentiel de production hydroélectrique de la Compagnie Nationale du Rhône. En 2007, la centrale , qui turbine l’eau d’une retenue de 53 millions m³ longue de 25 km, a produit 1 792, 423 GigaWh. Cette production est l’équivalent de la consommation annuelle électrique (hors chauffage) de la ville de Marseille (820 000 habitants) explique le dossier de presse de la CNR. La production de Génissiat représente près de 11% de la production totale de la Compagnie Nationale du Rhône, filiale du nouveau groupe GDF Suez. Génissiat permet avec les autres barrages de la CNR à cette dernière de produire une électricité certifiée à 100% renouvelable.
La Compagnie Nationale du Rhône a fêté les soixante ans du barrage le 23 juillet, en présence de Jean-Louis Borloo, Ministre d’Etat, Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire, qui a présenté à cette occasion le plan hydroélectricité décidé par le gouvernement dans le droit fil du Grenelle de l’Environnement.
Premier ouvrage de la CNR
Génissiat a été le premier ouvrage réalisé par la Compagnie Nationale du Rhône, établissement public créé à l’initiative de deux hommes politiques de la région: Léon Perrier (1873‐1948), député puis sénateur radical‐socialiste de l’Isère et Edouard Herriot (1872‐1957), sénateur et député du Rhône puis ministre et président de la chambre des députés.
La CNR créée en 1933, reçoit en 1934 la concession du fleuve avec trois missions: production d’électricité, l’amélioration de la navigation, l’irrigation et autres usages agricoles. Léon Perrier concentre ses efforts en faveur de l’aménagement de la chute de Génissiat. Le site de Génissiat offre un potentiel énergétique qui a été repéré depuis très longtemps. Le fleuve est très étroit, son cours rapide et puissant, les rives de calcaire très étanche permettront d’accrocher solidement l’ouvrage et la configuration de la rive droite autorisera l’établissement du chantier.
A partir de 1937 les études d’ingénierie débutent et les travaux préparatoires sont menés par l’entreprise Léon Chagnaud. Le concours d’architecture (1938) est remporté, avec exécution de l’ouvrage, par Albert Laprade, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux associé à Léon Emile Bazin. Les architectes Pierre Bourdeix, Jean Vernon et Bruno Philippe se joindront à l’équipe pour la construction.
Couper le fleuve
Pour mener à bien le chantier et couper le fleuve, deux dérivations souterraines provisoires de 600 mètres sont construites qui permettront de sortir le fleuve de son lit sur 600 mètres au printemps 1939, malgré un débit supérieur à 400 m³/s. La réussite de l’opération contribue à la naissance du mythe de Génissiat qui rayonne largement au delà de la région.
La construction du barrage est confiée à L’Entreprise de construction du barrage de Génissiat (ECBG) consortium créé le 21 mars 1940 qui regroupe la Société des Grands travaux de Marseille, la Société générale d’entreprise, la société Hersent, la Régie générale des chemins de fer et travaux publics, les établissements Daydé ainsi que Desplats et Lefèvre, les entreprises Schneider, Fougerolle et Chagnaud. Le 1er avril 1940, le marché est passé pour 309,5 millions de francs 1940, financés par l’emprunt sur fonds d’organismes publics, l’appel au marché financier et des crédits bancaires.
L’élan est rompu par la guerre. Le chantier est inondé sur décision des pouvoirs publics pendant la campagne de France qui en juin 1940 voit les troupes allemandes arriver rapidement dans la région. Après l’armistice (22 juin 1940), Léon Perrier et Edouard Herriot sont mis en retrait de la Compagnie. Le chantier devient une forte base pour le maquis de l’Ain et de la Haute‐Savoie. Certains maquisards iront jusqu’à payer de leur vie leur engagement pour la Liberté. Plusieurs rafles sont perpétrées sur le chantier, dont une particulièrement meurtrière, le 12 février 1944. L’activité même ralentie permet de maintenir sur place le personnel risquant la déportation en Allemagne.
Redémarrage en 1945
Le chantier redémarre l’été 1945 et le rythme s’accélère avec au cours de l’été 1946, pendant lequel 300 000 m³ de béton sont coulés : un record national. La construction du barrage nécessite la présence de 3000 personnes. Des milliers d’ouvriers étrangers sont logés dans des baraquements en dur construits au coeur de Génissiat qui de village devient une véritable petite ville temporaire.
Le barrage du type « barrage‐poids », mesure 104 mètres de haut, 100 mètres de large et crée une chute de 65 mètres. La centrale de production hydroélectrique, de 143 m de long et 50 m de haut, construite au pied du barrage, comprend six groupes. Deux groupes auxiliaires, dotés de leur propre alimentation en eau, sont prévus afin d’alimenter la centrale en électricité. Chaque groupe principal est composé d’une turbine Francis à axe vertical, d’une puissance voisine de 100 000 chevaux. La partie tournante pèse environ 700 tonnes. La turbine est précédée d’une vanne papillon. Les alternateurs principaux sont d’une puissance nominale de 65 000 KWh. Chacun de ces alternateurs, pesant autour de 750 tonnes, est relié à un transformateur installé à l’extérieur du mur d’aval de la salle des alternateurs.
Le barrage achevé fin 1947, sa mise en eau est effectuée les 19 et 20 janvier 1948 en moins de 36 heures. L’usine est reliée à Lyon et à Paris via le poste électrique du Creusot ( Saône et Loire) par deux artères à haute tension. L’une et l’autre serviront en particulier à alimenter l’électrification de la ligne de chemin de fer Paris‐Lyon. Les six groupes vont être mis en route progressivement. Le premier est couplé au réseau national le 19 mars 1948 sans incident. Les autres suivront de mai 1948 à 1957. L’inauguration revêt le 1er août 1948 les couleurs d’un événement national. Le Président de la République Vincent Auriol salue la performance, qualifiant Génissiat de « Niagara français », exemple de la « reconstruction de la France».
La production hydroélectrique moyenne de la CNR de 15,7 milliards de kWh permet d’éviter chaque année l’émission de 5,73 à 14,96 millions de tonnes équivalent CO 2 suivant le mode de production alternatif retenu (gaz ou charbon). La CNR rappelle que la production des parcs éoliens de Fos‐sur‐Mer, de Beaucaire et de Maisnières permet d’éviter l’émission de 29 000 à 76 000 tonnes équivalent CO 2.
Pour en savoir plus sur la Compagnie Nationale du Rhône: http://www.cnr.tm.fr/