Sous quelles valeurs votre candidature et celles des candidats d’Europe Ecologie en Rhône-Alpes se situent-elles ?
Philippe Meirieu: Je viens d’un milieu catholique imprégné de la tradition du catholicisme social, qui a toujours été marginale en France où on oscille entre le plus d’Etat et le moins d’Etat. La gauche nationalise, puis parfois privatise, et la droite, privatise, mais sait aussi parfois nationaliser. Pour moi la question de la citoyenneté est au cœur des les préoccupations, y compris dans les questions d’éducation. Ce qui m’intéresse c’est le mode d’organisation du vivre ensemble. J’ai été formé à une époque où la théologie de la libération, ou les idées de solidarité avec ce qu’on appelait la Tiers Mondeont sensibilisé des générations entières. M’intéressent non pas les démarches bureaucratiques, mais les traditions de coopérations.
J’ai alimenté le parti socialiste en idée, j’ai travaillé le programme de Lionel Jospin dans les questions d’éducation, mais j’ai rencontré les Verts qui me semblaient plus proches de la sensibilité qui était la mienne dans. Le Parti socialiste m’a paru incapable de mobiliser ses propres ressources, d’en tirer totalement parti, paralysé par la lourdeur d’un appareil qui fait que les idées ne remontent pas au bureau national. J’ai vu monter la dynamique d’Europe Ecologie qui m’a semblé correspondre à ce que j’ai toujours défendu. Ce qui m’a intéressé avec les Verts c’estau delà de leur difficulté de fonctionnement, leur capacité d’ouverture, de confier la responsabilité de têtes de listes à des personnes qui ne sont pas du parti. Les deux tiers des têtes de listes Europe Ecologie en Rhône-Alpes n’appartiennent pas aux Verts. C’est la première fois que je voyais un parti de remettre en cause, et ne pas réclamer la majorité des postes, loin du fonctionnement empesé de gens qui raisonnent en terme de hiérarchie, d’appareil.
C’est une manière de ramener les citoyens, mais aussi les jeunes vers la politique alors que 67% des Français ne font plus confiance à la politique alors que 53% des électeurs ont prévu de s’abstenir. Nous voulons réconcilier les jeunes et la politique. Nous voulons être nouveaux, nous devons être aussi crédibles. Mais nous ne voulons pas que cette crédibilité s’appuie sur l’autorité, sur la seule technique. Les politiques doivent prendre leurs responsabilités et ne pas laisser prendre le pas par la technique et les techniciens. La liste Europe Ecologie ne sera pas une liste constituée majoritairement d’adhérents du parti des Verts. Nous voulons une autre pratique de la politique, qui sorte des logiques d’appareils.
Les principes de votre action ?
Philippe Meirieu: Nous voulons développer la conditionnalité, c’est-à-dire accorder les aides publiques non pas à ceux qui bénéficient déjà de toutes les conditions pour réussir, mais à ceux qui en ont vraiment besoin. Il ne faut pas arroser où c’est mouillé comme c’est déjà très souvent le cas.
On constate par exemple qu’avec 11 les pôles de compétitivité que compte la région, beaucoup d’argent public a été dépensé, par l’Etat et par des collectivités. Mais alors qu’étaient prévus 2294 emplois, ce sont seulement27 emplois qui ont été créés. Or, on n’a pas beaucoup d’argent, il faut l’utiliser au mieux. Et il y a un potentiel énorme de création d’emplois par exemple dans le secteur de l’artisanat, ou dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Lors qu’une entreprise est en difficultés,ou lorsqu’elle n’est pas reprise en cas de succession, nous souhaitons que la Région apporte un euro pour tout euro apporté par les salariés qui s’engagent dans la reprise.
La région possède des compétences importantes en matière de formation initiale et de formation continue, des domaines dans lesquels vous avez des idées…
Philippe Meirieu: La formation, initiale et continue, constitue le premier budget de la Région. La Région gère les lycées, et la Région a un poids important en matière de formation continue, mais ce n’est pas assez connu, car le monde de la formation est un monde complexe.
Nous voulons actionner les leviers dans ces domaines, pour donner des chances à davantage de Rhônalpins d’apprendre et d’évoluer. Apprendre ce n’est pas seulement aller à l’école, c’est aussi valoriser son expérience, à travers des dispositifs comme la Validation des Acquis de l’Expérience, pour donner des opportunités à des personnes qui n’ont pas eu la chance d’être diplômées entre 20 et 25 ans.
Pour les lycées que la Région construit et gère nous voulons aller plus loin dans l’écocitoyenneté en accroissant la participation des élèves. Nous voulons aussi des lycées plus ouverts, comme nous avons le droit de demander à l’Education Nationale de le faire. Les lycées ne sont pas utilisés un jour sur deux dans l’année, alors qu’ils pourraient accueillir de très nombreuses activités, comme par exemple des activités intergénérationnelles. Nous renforcerions ainsi l’action d’éducation pour les jeunes.
Comment concevez-vous le rôle de la Région?
Philippe MEIRIEU Malgré ses moyens financiers la Région peut encore prendre des initiatives conjointementà d’autres collectivités territoriales. C’est le cas en matière de foncier, car nous devons à tout prix conserver des espaces pour une agriculture de proximité. Si la Région n’a pas de droit de préemption elle peut appuyer des initiatives comme celle de Terre de Liens, destinée à acheter du foncier pour le louer à des agriculteurs. Nous devons aussi apprendre à mobiliser l’épargne citoyenne, l’épargne régionale, pour des projets régionaux et je suis certain que les Rhonalpins seraient intéressés par ces initiatives d’épargne populaire qui s’inspireraient des démarches des caisses d’épargne qui étaient des caisses d’épargne et de Solidarité.
Nous voulons d’ailleurs aussi soutenir l’agriculture biologique ou les agricultures qui veulent se rapprocher de cette technique, en examinant la prise en charge des coûts de la certification. En matière de transport, nous voulons développer beaucoup plus les transports en commun, l’inter modalité, les modes doux et par exemple lancer une agence régionale de covoiturage.
Quels types de projets la Région soutiendrait-elle?
Philippe Meirieu. On peut imaginer ainsi mobiliser des fonds pour accélérer l’isolation de milliers d’appartements. Il serait possible de soutenir des entreprises capables de réaliser ces travaux, qui seraient eux-mêmes financés par un retour sur investissement en 3 et 7 ans. Il faut aussi soutenir tout un secteur de l’artisanat capable de réparer des objets que le consommateur a pris l’habitude de jeter.
En matière touristique, on peut imaginer ainsi de reconvertir les stations de sport d’hiver à un vrai tourisme des quatre saisons alors qu’on est encore aujourd’hui resté orienté sur le « tout ski ».Nous voulons aussi faire appel à l’initiative citoyenne.
Nous voulons être des élus modestes, ou mieux des élus sobres. Nous ne savons pas tout, je ne sais pas tout, nous avons besoin d’écouter. Nous voulons permettre aux citoyens de mieux connaitre les tenants et les aboutissants des projets et ne pas confiner la connaissance dans des cabinets d’experts. Je souhaite que nous puissions organiser des consultations citoyennes sur des projets comme Parc Center, ou sur les nanotechnologies.
Recueilli par Michel Deprost