Comment le groupe de travail a-t-il préparé l’avis du CESE sur la transition énergétique ?
L’avis sur la transition énergétique est le produit d’une autosaisine du CESE qui travaille sur ce sujet comme sur l’efficacité énergétique depuis une année.
Il y a deux rapporteurs pour l’avis sur la transition énergétique, Jean Jouzel et moi-même, et deux rapporteurs pour l’avis sur l’efficacité énergétique, un représentant du monde syndical et un représentant du monde associatif (1)
Notre avis n’est pas un avis d’experts, et il ne veut pas aboutir aux consensus mous qu’on reproche parfois au CESE d’adopter. Nous avons réalisé un travail de fond, en auditionnant des experts, dans un grand souci d’écoute de toutes les sensibilités qui composent le CESE, représentant de la société civile organisée.
Nous avons préféré examiner la transition en fonction de grandes étapes, par exemple 2020, 2030, voire 2050, de manière à proposer une feuille de route vers une économie décarbonée, compétititive, en donnant leur place à la sobriété, énergétique, qui consiste à moins consommer et à l’efficacité énergétique, qui consiste à rendre les mêmes services avec une consommation moindre.
Quel cadre imaginer pour la transition énergétique ?
La transition énergétique actuelle, sur laquelle le Gouvernement demande de travailler, doit d’abord être abordée globalement, pas seulement sous l’angle énergétique et technique, mais en intégrant les dimensions économique et sociale des changements que nous devons envisager pour notre pays.
Dans un contexte de raréfaction de certaines ressources, le débat ne peut se résumer à remettre en cause la croissance. Il faut aborder le dossier avec une vision positive, en particulier sur le plan de l’économie et de l’emploi, un point que les syndicats de salariés mettent spécialement en avant.
Comment imaginer l’évolution du mix énergétique français ?
Pour l’évolution de notre mix énergétique, il est important de ne pas focaliser le débat sur l’électricité et le nucléaire. L’électricité ne représente qu’une partie de notre production et de nos besoins en énergie.
Nous pensons en particulier nécessaire une réflexion sur les transports et la mobilité.
Nous souhaitons aussi que les différents scénarios proposés soient examinés. Ils sont multiples. Le scénario d’AREVA n’est pas le même que ceux de Négawatt, de l’Union française de l’Electricité ou que celui de l’Agence internationale de l’Energie. Ces scénarios doivent être étudiés dans un souci de pluralisme, sans à priori, avec transparence, en étudiant en particulier les lacunes qu’ils peuvent receler. Il convient en particulier d’analyser les impacts des scénarios, en matière économique et sociale. En matière d’emploi, il faut regarder les risques de destruction d’emplois et le nombre d’emplois envisagés, le type d’emplois et la qualité des emplois qui découlent de chaque scénario. S’il s’agit d’emplois d’ingénieurs ou de surveillants d’éolienne, ce n’est pas pareil.
Comment aborder la question de la réduction de la part de la production nucléaire ?
On peut tout à fait discuter d’une réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité, qui passerait de 75% à 50% d’ici à 2025 mais il ne faudra pas oublier de dire qu’une transition volontariste comme celle qu’a engagée l’Allemagne a un coût. On peut tout à faire vouloir payer plus cher, mais il faut que ce soit connu et accepté.
Cela pose particulièrement un problème pour les entreprises dont l’activité est intensive en énergie et en électricité, mais aussi cela pose problème pour les ménages, confrontés à une précarité énergique croissante, qui touche 3,8 millions de personnes.
Cela poserait la question des systèmes spécifiques, des compensations ou des aides qui devraient être mises en place pour ces entreprises et pour ces consommateurs. Nous souhaitons le maintien de services de l’électricité à coût compétitif.
Au-delà des technologies, le débat ne doit-il pas porter sur l’organisation de notre système énergétique ?
Nous pensons aussi qu’il faut regarder la modernisation de l’organisation de notre futur système énergétique Il faut en particulier prendre en compte le rôle de l’Etat, celui des collectivités et des acteurs décentralisés. On constate un foisonnement d’initiatives locales, au niveau des Régions, des communautés de communes.
Tout cela est positif, mais il faut veiller à conserver une cohérence pour ne pas se retrouver face à une mosaïque d’acteurs et de politiques. Les entreprises notamment ont besoin d’un cadre cohérent, pour les investissements qui seront nécessaires. L’Etat doit conserver un rôle pour la cohérence et les Régions doivent être le niveau de pilote des initiatives. Une nouvelle politique énergétique doit également renforcer les actions en matière de recherche et développement.
Comment rendre ce scénario crédible, la France peut-elle réaliser sa transition seule ?
On voit qu’il faut veiller à la cohérence dans un monde globalisé. C’est pourquoi, nous recommandons d’accentuer la mise en place d’une politique européenne de l’énergie qui n’existe pas encore. C’est une des propositions de l’avis voté la semaine dernière.
1) Anne de Béthencourt, et Jacky Chorin, au nom de la section des activités économiques, ont présenté un avis sur l’efficacité énergétique.