Dans son dernier rapport sur les énergies renouvelavles ( téléchargeable ci-dessous), la Cour des Comptes estime que l’Etat a péché à plusieurs niveaux dans sa politique en faveur des énergies renouvelables. Les critiques de l’Etat concernent plusieurs points.
L’État s’est d’abord insuffisamment organisé pour disposer des données de base indispensables. Il ne dispose, souligne la Cour, que d’informations ” lacunaires et dispersées ” sur les coûts de production. La Direction générale de l’Energie et du Climat, DGEC, a réalisé la dernière étude sur les coûts de production en 2008 et s’en remet à la CRE (Commission de Régulation de l’Energie). L’ADEME est le seul organisme public ayant établi des fourchettes des coûts de production des énergies renouvelables.
Ce déficit place l’État dans une situation d’asymétrie d’informations vis-à-vis des industriels. Cette situation peut être source de dérive des dépenses et de situation de rente pour certains investisseurs note le rapport avec un sens aigu del’euphémisme.
Une politique au coup par coup pour le photovoltaïque
Pour le photovoltaïque, ces faiblesses ont entraîné le manque de cohérence d’une politique conduite ” dans l’urgence et au coup par coup.” L’État n’a ainsi pas pu définir des tarifs à la mesure des coûts de production Pour la Cour, il appartient aux services ministériels de se doter de l’organisation nécessaire à l’élaboration de bases de données pour dimensionner au mieux les dispositifs de soutien.
Pas de suivi des emplois
Le suivi statistique des effets de la politique des énergies renouvelables souffre d’un déficit de coordination. Le seul recensement des emplois directs s’avère problématique. Les acteurs publics, notamment l’INSEE, le CGDD, l’ADEME, participent à l’élaboration des statistiques sans partager une définition unique des emplois à décompter.
Ces sources souvent croisées entre elles ou avec celles non validées des organisations professionnelles, ce qui multiplie les incertitudes et les risques de propagation des erreurs. L’appréciation des impacts économiques réels par la seule prise en compte des emplois directs et indirects est insuffisante et nécessite également celle des emplois induits.
Impact socio-économique mal connu
La faiblesse d’expertise concerne aussi l’évaluation de l’impact socio-économique de la politique de soutien. Des projets très coûteux pour la collectivité ou les consommateurs sont lancés sans que les bénéfices attendus ne se produisent. Par exemple, la décision de développer une filière éolienne en mer a été justifiée par les perspectives d’exportations et de créations d’emplois. Or, à l’exception de l’étude d’un cabinet de conseil, elle ne s’est appuyée sur aucune évaluation économique approfondie sur l’emploi induit, le développement industriel à long terme, sur les marchés français mais aussi britanniques, pourtant présentés comme complémentaires. Le coût pour le consommateur des projets du premier appel d’offres, est pourtant estimé par la CRE à 1,1 Md€ par an, pendant vingt ans à partir de 2020.
Le mauvais choix du photovoltaïque intégré
Le choix stratégique de développer le photovoltaïque intégré au bâti a été pris sans mesurer la capacité de la filière à répondre à la demande. Le PV intégré qui a un coût croissant pour la collectivité filière n’a pas réussi à s’imposer à l’international. Initialement conçu pour des habitations neuves, le concept a été étendu aux bâtiments existants ce qui entraine des modifications onéreuses de toitures et des problèmes d’étanchéité, d’où une confiance amoindrie chez les consommateurs.
Des appels d’offres non respectés
Le rapport des magistrats de la rue Cambon évoquent aussi le non respect de la procédure d’appels d’offres qui respecte en principe la stricte égalité de traitement des candidats. Ces principes n’ont pas toujours été appliqués. En 2004, à l’occasion d’un premier appel d’offres éolien en mer, le choix envisagé par le ministre ne respectait pas le classement des offres établi par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Cette dernière préconisait de déclarer l’appel d’offres sans suite mais le ministre a retenu un projet qui n’a jamais été réalisé.
L’appel d’offres de juillet 2011 relatif à l’éolien en mer, le site de Saint-Brieuc a été attribué à la société Ailes marines SAS recourant aux turbines d’AREVA alors que la société EMF était mieux classée par la CRE. La DGEC proposait une remise en jeu du lot de Saint-Brieuc avec celui du Tréport mais elle n’a pas été suivie par le ministre. L’option retenue visait à donner la possibilité à AREVA de maintenir un programme industriel autour du Havre, avec l’espoir de se repositionner sur un deuxième appel d’offres étendu au Tréport. Elle a privilégié un candidat en dépit d’un prix plus élevé que celui proposé par EMF.
Dans la filière biomasse, un appel d’offres de 2010 avait fixé un objectif de 200 MW mais le ministre est allé au-delà. Tous les dossiers jugés recevables par la CRE ont été sélectionnés par arbitrage ministériel, soit 420 MW au total, y compris des offres qui avaient obtenu la plus mauvaise note qui n’auraient pas été retenues si le seuil de 200 MW n’avait pas été dépassé. Sur les quinze projets, six ont obtenu une « note prix » quasiment nulle et trois ne produiront quasiment que de l’électricité.
Dérives observées dans le photovoltaïque
Le système de l’obligation d’achat relève d’une logique de « guichet ouvert » dans lequel toute personne remplissant les conditions (sur une base déclarative) peut signer un contrat d’achat avec EDF ou une entreprise locale de distribution.
L’enjeu du contrôle est donc essentiel compte tenu du poids du solaire photovoltaïque d’autant plus que plusieurs cas de fraudes sont d’ores et déjà constatés. Peuvent être constatées de fausses déclarations pour bénéficier abusivement de la prime de l’intégré au bâti, des découpages en tranches d’une installation pour bénéficier d’un tarif plus élevé que si l’on considérait l’installation dans son ensemble et un gonflement de la production annuelle déclarée.
Un quatrième cas, qui ne constitue pas une fraude à proprement parler mais plutôt un abus, consiste à réaliser une installation tout à fait conforme, mais sur le toit d’un bâtiment agricole de circonstance, plus ou moins surdimensionné par rapport aux besoins de stockage de l’exploitation.
Pas de contrôle
Le dispositif réglementaire ne prévoit aucun dispositif de contrôle des installations a priori, mais seulement une possibilité de contrôle qui est donnée à l’acheteur, EDF essentiellement, si la production annuelle déclarée par le producteur dépasse 90 % d’un plafond théorique. De fait, cette possibilité n’est quasiment pas utilisée. Les agents d’EDF n’y ont pas vocation à réaliser ces contrôles sur des propriétés privées et sur des toitures.
Sur place, au-delà de l’instruction classique du permis de construire, les services déconcentrés de l’État n’ont pas les moyens de réaliser des vérifications. Enfin, les critères permettant de caractériser une installation (intégré au bâti, intégré simplifié ou simple surimposition sur un toit existant) nécessitent des compétences techniques qui ne sont guère réunies en l’espèce.
Difficultés à contrôler la provenance de la biomasse
Enfin dans le domaine de la biomasse, en particulier du bois, en raison des tensions créées sur les ressources locales les porteurs de projets doivent prévoir des plans d’approvisionnement viables sur lesquels les préfets de région donnent leur avis. En fait, les services déconcentrés ne peuvent pratiquement pas contrôler la provenance de la ressource en raison de l’organisation de la filière mais aussi des volumes concernés. Il peut s’ensuivre des difficultés locales d’approvisionnement constatées en phase d’exploitation.