Depuis 2005 la Constitution française comprend la Charte de l’environnement dont l’’article 5 définit les modalités d’usage du principe de précaution.
« Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
La formulation dans la Constitution française, a marqué une évolution par rapport à la première formulation, contenue dans la déclaration Déclaration de Rio qui était la suivante: « En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement. » En clair, le principe de précaution ne dit pas qu’il ne faut rien faire en matière d’innovation, il dit qu’il faut anticiper les problèmes sans retard.
La loi Barnier de 1995 a fait évoluer le principe. Elle a ajouté la notion de mesures proportionnées, et la notion de coût économiquement acceptable. Elle prévoit que, « l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ».
La Charte de l’Environnement de 2005, adoptée sous la présidence de, et à l’initiative de Jacques Chirac, prévoit que les « autorités publiques » seules peuvent appliquer le principe de précaution, c’est-à-dire décider de développer des programmes de recherche pour lever le doute et réduire les effets possibles ” graves et irrémédiables » sur l’environnement.
A la science de déterminer les risques et les mesures à prendre pour l’environnement
Depuis la première expression dans la Déclaration de Rio en 1992, le principe de précaution ne dit pas qu’il ne faut pas rechercher et innover. Il signifie qu’il faut évaluer les risques et adopter des mesures pour parer à la survenue de dommages graves et irréversibles à l’environnement. C’est à chaque fois à la science de déterminer ce que sont les dommages graves et irréversibles à l’environnement. Comme c’est à la science et à la technique de prévoir les mesures permettant de réduire ou de supprimer ces risques.
Or, depuis huit ans, le principe de précaution a été mis à de nombreuses sauces. Il a été interprété, non pas comme la nécessité d’étudier davantage de prendre des mesures, mais parfois comme l’obligation de ne rien toucher. IL a été bien sûr utilisé dans plusieurs décisions juridiques. C’est ainsi qu’il a été invoqué par le Conseil constitutionnel dans une procédure dans un dossier sur l’exploration de gaz de schistes. Le Conseil a estimé que la fracturation hydraulique pouvait causer des effets graves sur l’environnement.
Des excès
Devant certains de ces blocages, plusieurs milieux se sont dressés. Des entreprises, des organisations comme le MEDEF, ont pointé les excès d’une interprétation restrictive.
Des députés UMP ont décidé à leur tour de lancer le débat. Eric Woerth, député UMP, ancien ministre du Budget, a déposé une proposition de loi motivée par une « fétichisation qui pourrait s’avérer handicapante pour la croissance. » Plus généralement, estuime le député, le principe de précaution met en cause de nombreuses recherches. ” Derrière la dimension rassurante du principe constitutionnel, ce dernier « peut conduire à un blocage réel des activités des entreprises souvent par la délocalisation ou l’arrêt de nombreux programmes de recherche. »
Pas de remise en cause de la protection de l’environnement
Pour la FRAPNA, Eric WOERTH s’illustre dans une croisade anti-environnementale. La Fédération d’associations dénonce la position de plusieurs députés de Rhône-Alpes. (1)
Pour le député,« il n’est nullement question ici de stigmatiser l’écologie, de l’opposer à l’environnement et de voir ce dernier comme un frein à la croissance. » Il n’est pas question non plus, pour les députés UMP, “ de déresponsabiliser les pouvoirs publics chargés de la santé et encore moins de minimiser les crises sanitaires qui ont pu ou peuvent encore frapper les populations. La prévention des risques est nécessaire puisqu’elle traite de phénomènes avérés pouvant entraîner des dommages réels sur lesquels nous devons être informés, préparés et même protégés par les autorités publiques.“
Les élus UMP rappellent que le rapport de la Commission sur la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali, soulignait qu’en vertu de l’article 5 de la Constitution « l’administration est supposée être en mesure de suivre l’ensemble des recherches scientifiques, ce qui paraît peu réaliste. Ne pouvant le faire, l’administration recourra donc très souvent à l’interdiction, solution la plus certaine juridiquement, la plus confortable administrativement, et la plus pénalisante pour notre croissance. »
La curiosité s’estompe en France
Le rapport remis par Louis Gallois au Gouvernement le 5 novembre 2012 note que non seulement la curiosité dans notre pays s’estompe, mais, plus grave, « la notion même de progrès technique est trop souvent remise en cause à travers une interprétation extensive – sinon abusive – du principe de précaution et une description unilatérale des risques du progrès, et non plus de ses potentialités. »
Il ajoute que « le principe de précaution doit servir à la prévention ou à la réduction des risques, non à paralyser la recherche ; il doit, au contraire, la stimuler. Fuir le progrès technique parce qu’il présente des risques nous expose à un bien plus grand risque : celui du déclin, par rapport à des sociétés émergentes qui font avec dynamisme le choix du progrès technique et scientifique, tout en n’étant pas plus aveugles que nous sur les nécessaires précautions. »
Déconstitutionnaliser
« En déconstitutionnalisant le principe de précaution, ce ne sont pas l’existence ni l’utilité de ce dernier que nous remettons en cause mais son positionnement dans la hiérarchie des normes en droit français puisque l’article 5 de la Charte de l’environnement est désormais un dispositif juridique à part entière. Le droit européen empêche de le supprimer du droit français. Son inscription dans le code de l’environnement article L. 110-1, lui garantit sa valeur législative dans le droit français. Des procédures d’évaluation du risque s’imposent en permanence, par la recherche d’une meilleure connaissance à travers les études d’impact prévues par la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976 ainsi que par le régime des autorisations préalables pour certaines activités polluantes. Les divers débats nationaux comme internationaux permettent de rassembler experts en tout genre aptes à ne pas alimenter la peur de nos concitoyens »
1) Bernard ACCOYER (Haute-Savoie), Damien ABAD ( Ain) ; Jean-Pierre Barbier ( Isère) ;Dino Cinieri ( Loire) ; Philippe Cochet ( Rhône) ; Marc Francina ( Haute Savoie) ; Charles de La Verpillière ; Alain Moyne-Bressand ( Isère) ; Etienne BLANC ( Ain) ;Hervé GAYMARD (Savoie) ; Dominique Nachury ( Rhône) ; Yves Nicolin ( Loire) ; Claudine Schmid ( Haute Savoie) ;Patrice Verchère ( Rhône)