Aucun doute, pour Marcel Kuntz, directeur de recherche au CNRS, expert dans le domaine des Organismes génétiquement modifiés, la question des OGM est seulement une question politique.
Marcel Kuntz rappelle que sur le plan scientifique la question des Plantes génétiquement modifiées (PGM) est bien posée. En toute rigueur, les scientifiques ne posent pas la question des OGM d’une manière globale et simpliste. Aucun scientifique ne dit « Les OGM ». Les chercheurs raisonnent plante modifiée par plante modifiée, gène d’intérêt par gène d’intérêt, usage par usage. Ils raisonnent en fonction des applications particulières d’une technique, dont ils connaissent les limites. Comme toute technique, la transgénèse a ses avantages et ses inconvénients.
Environnement: des impacts connus
Sur le plan environnemental, les études se comptent par milliers, pour cerner les avantages et risques de telle ou telle modification génétique. À tel point qu’en amont, certaines mutations sont développées et autorisées pour une mise sur le marché, alors que d’autres ne le sont pas.
Sur le plan sanitaire, les études ou les retours d’expérience apportent un recul suffisant, sur les effets délétères, sur les risques. Aucun effet négatif n’a été constaté ni sur les populations animales, ni sur les populations humaines. Et là encore, Marcel Kuntz rappelle que les scientifiques eux-mêmes étudient de près, s’interrogent, échangent.
Un fossé
Mais entre le doute scientifique, méthodique, rigoureux, organisé, et libre, et la méfiance foncière des anti-OGM systématiques, Marcel Kuntz voit un fossé.
Les opposants aux organismes génétiquement modifiés dans le végétal, ont une approche non pas expérimentale, scientifique, mais idéologique. Marcel Kuntz ne remet pas en cause la nécessité de prendre en compte l’environnement et la nature. Mais il souligne la nécessité d’avoir une approche rigoureuse.
Désinformation et alterscience
Or les adversaires des OGM pratiquent l’art de la désinformation, de la manipulation dramatisation, spectaculaire, à toutes étapes de leurs discours.
Ils développent ce que Marcel Kuntz appelle l’alterscience, une démarche qui se soustrait aux règles scientifiques de la confrontation. Les opposants sélectionnent les faits, produisent pas les données, lancent des accusations sans fondement. Les découvertes fracassantes de la poignée de scientifiques opposés aux OGM ont toutes été jugées insuffisamment crédibles par la communauté scientifique. Ce qui n’a pas empêché une médiatisation intense, destinée à orienter l’opinion publique.
Les scientifiques mis en avant par les opposants, dont les travaux n’ont pas été pris en compte ont été présentés comme des victimes de pression, censurées. D’un autre côté, les adversaires des OGM n’hésitent pas à parler des conflits d’intérêt ou de l’absence d’indépendance des experts (1) des instances nationales, internationale, des académies, dont les conclusions ne vont pas dans leur sens.
De nombreux médias complices
Marcel Kuntz souligne le rôle d’une bonne majorité des médias, qui par sympathie, ignorance ou manque de professionnalisme, se laissent manipuler. Le généticien rappelle le montage en 2012, de l’opération lancée par le CRIIGEN, en direction de médias, qui a amené le Nouvel Observateur à titrer sur « les OGM sont des poisons », dans le cadre d’un accord avec l’association présidée art Corine Lepage.
La manipulation du ” Monde selon Monsanto”
Marcel Kuntz dénonce aussi la manipulation du film de Marie Monique Robin, « Le Monde selon Monsanto », un « documenteur », qui de donne des informations qu’à sens unique. Le chercheur n’hésite pas à mettre en cause le rôle de la chaine publique « Arte » : ” Doit-on considérer qu’elle est la chaîne que tous prétendent apprécier, mais que presque personne ne regarde, et qui a curieusement besoin de rehausser son audience sous peine d’être finalement lâchée par les politiques ? Arte l’alibi culturel d’un service public aligne sur la course à l’audimat du secteur privé, cherche son public dans ce que notre époque peut produit télé visuellement de pire : le triomphe de l’indigence culturelle alliée à la roublardise commerciale ( en l’occurrence celle des marchands de peur) ».
Les politiques incapables de défendre la recherche publique
Enfin, Marcel Kuntz met en cause le rôle de politiques incapables d’organiser un vrai débat public, à la remorque de segments d’opinions en vue d’échéances électorales toujours renouvelées.
Pour anticiper les attentes d’une partie de l’opinion et de certains courants, de nombreux politiques européens, refusent de soutenir des institutions scientifiques, des agences publiques de sécurité, et s’en remettent aux adeptes de l’alterscience ».
C’est ainsi que Sarkozy a caressé dans le sens du poil sur le dossier OGM, des organisations écologistes pour réduire la pression sur le nucléaire.
Marcel Kuntz met en cause le soutien par la région Rhône-Alpes à hauteur de 75 000 euros en quatre ans, à une association qui diffuse des informations non scientifiques à quelque 40 000 agriculteurs de la région. (1)
Des institutions scientifiques dépendant de l’Etat refusent de défendre les méthodes scientifiques elles-mêmes. Le silence des politiques et des institutions de recherche va même jusqu’à ne pas réagir suffisamment contre les actes de violence comme les destructions d’essais, de cultures développés même par la recherche publique.
Les conséquences sont gravissimes selon Marcel Kuntz. La recherche française sur les OGM est morte et les agriculteurs n’ont pas la liberté d’utiliser cette technique. Le chercheur donne un conseil aux jeunes chercheurs : partez à ‘étranger…
OGM, la question politique, Marcel Kuntz, 144 pages, 17 euros, Presse Universitaires de Grenoble
1) Michel Deprost avait animé en septembre 2012 une rencontre organisée par l’association Res Inf’OGM et la Région Rhône-Alpes autour de plantes modifiées.