Enfant dans une oasis de l’Algérie encore française, Pierre Rabhi a vu le basculement, d’une société pauvre mais autosuffisante à l’aliénation par le travail aux houillères créées pour approvisionner la métropole. A vingt ans OS en région parisienne – on est à la fin des années 50 – il découvre l’engrenage crétinisant de la société de consommation, en même temps que la destruction des ressources naturelles, des écosystèmes et des économies traditionnelles, autarciques, pour les besoins d’une économie mondialisée, déjà. C’est dès 1961 que tout jeune père il ramène sa famille à la terre, quatre hectares de garrigue en Cévenne ardéchoise avec un mas encore debout. Il se fait là un des pionniers de l’agriculture biologique, en gérant la ferme comme une petite entreprise, mais une entreprise autolimitée : « la sobriété heureuse », en un site superbe qu’il n’a pas quitté depuis.
Vers la sobriété heureuse n’est pas le premier ouvrage où Pierre Rabhi appelle à une prise de conscience de chacun. Mais il rassemble là ses idées. La modernité, qui aurait pu constituer une chance pour l’humanité, a subordonné le destin collectif et la noblesse de la Terre à la vulgarité de la finance. Cette modernité nous rend dépendants des moyens techniques censés nous libérer, qui s’avèrent de formidables outils à standardiser l’humanité. Rien là que de connu, certes, comme l’idée de décroissance raisonnée et sereine dont l’auteur a fait l’argument central de sa précampagne à l’élection présidentielle de 2002. Mais l’intérêt de sa réponse est d’allier analyse et pratique.
Grâce à l’analyse, il enseigne que son principe de sobriété serait heureux tant pour les pays défavorisés, par la reconstitution d’économies autonomes, que pour les pays riches, lesquels échapperaient à la spirale engloutissante du toujours plus. Utopie, point tant que ça : la pratique de Pierre Rabhi, depuis trente ans, consiste à transmettre l’expérience agronomique qu’il a accumulée, notamment dans les régions sahéliennes dévastées par la sécheresse, afin de redonner leur indépendance alimentaire aux populations. Reconnu expert international pour la sécurité alimentaire, il a participé à l’élaboration de la Convention des Nations Unies contre la désertification. Dans le même temps, il a suscité plus ou moins directement une série d’expériences appliquant ses principes. Citons le Hameau des Buis en Ardèche, laboratoire et oasis où une vingtaine de familles sont mobilisées dans un projet intergénérationnel autour d’une école Montessori, pour réaliser un hameau économe en énergies, bâti en biomatériaux, mutualiste dans ses équipements, et riche d’initiatives cherchant à favoriser les liens individuels et collectifs (www.la-ferme-des-enfants.com).
Gabriel EHRET
Editions Actes Sud, avril 2010, 15 euros
Guillaume Faburel : il faut tourner la page des métropoles
Guillaume Faburel, professeur à l'Université Lyon 2, spécialiste des politiques territoriales, signe un manifeste contre la métropolisation, produit, selon lui, d'un capitalisme débridé et mondialisé, générant consommation énergétique, mobilité excessive, ségrégation et inégalités. Dans son livre " En finir avec...