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A Lyon, retrouver la Saône

Faire redécouvrir les fleuves et rivières c’est une action louable des élus depuis une vingtaine d’années à Lyon, lancée au temps de Michel Noir, poursuivie par Raymond Barre et Gérard Collomb. Les Berges du Rhône sont une belle réalisation, très urbaine, axée sur l’espace public, les sensations urbaines, le fleuve demeurant un décor.

Les berges de la Saône seront aussi belles. Enfin. Longtemps, quand le quartier de l’Industrie dans le neuvième arrondissement de Lyon était un quartier industriel et populaire, puis quand les industries se sont arrêtées, les quais de Saône se sont dégradés, livrés aux herbes folles, à la croissance d’arbres qui ont descellé les pierres de ces ouvrages maçonnés remarquables que représentent ces quais séculaires.
Il a fallu que le quartier revive, avec des entreprises tertiaires, une population jeune travaillant dans des entreprises de services, pour que la Saône puisse redevenir digne d’intérêt.
Mais il faut que l’aménagement soit durable et raisonnable. Il ne faut pas que la rivière devienne un gouffre à budget. Il ne faut pas non plus qu’elle devienne un objet politique, un objet de communication, mais qu’elle demeure un lieu pour les amateurs.
Or, les dangers de la société du spectacle judicieusement décryptés par Guy Debord il y a quarante ans nous guettent. Déjà, les communicants ont frappé. Depuis quelques semaines, des inscriptions (onéreuses sans doute) ont été peintes, en rouge, sur les quais pour annoncer la prochaine résurrection des berges. Des phrases imbéciles, sans doute payées fort cher à des créatifs, à l’inspiration court, indiquent « dit papa c’est loin la mer » ou « rendez vous aux ginguettes ». Ces interpellations se veulent populaires, alors même qu’il n’y a pas de guinguettes au bord de la Saône. Une ginguette étant un café populaire ou l’on consommer et o l’on danse !
On voit bien qu’il y a un terrain vierge à exploiter pour les marchands de convivialité, avides de mettre la main sur des espaces connus des seuls pêcheurs, rameurs, plaisanciers, ou coureurs du dimanche matin.

L’enjeu, ici, c’est de remettre en place ce qu’on a laissé détruire, de rendre propre sans aseptiser, d’éviter la sur fréquentation, de laisser une place à la nature. Alors que les castors remontent la Saône, il faut que la rivière redevienne elle-même et ne soit pas seulement un décor.

Michel Deprost

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