Ce n’est de l’actualité inquiétante concernant le plus important des insectes pollinisateur que Jürgen Tautz, professeur au “Centre de Biologie » de l’Université Julius Maximilian (Bavière) nous entretient dans l’exceptionnel ouvrage proposé en français par les éditions De Boeck. Le chercheur nous fait pénétrer en quelque sorte dans l’envers du décor pour nos faire comprendre en quelque sorte de l’intérieur les mécanismes biologiques et génétiques à l’œuvre dans l’abeille apis mellifera.
Jürgen Tautz part de la définition de la vie, qui est la capacité pour de molécules à se répliquer plus ou moins à l’identique. Le phénomène a commencé il y a environ 4,5 milliards d’années, et il n’a cessé de fonctionner, en permettant les copies d’organismes de plus en plus compliqués. Un peu comme une photocopie qui aurait commencé avec des reproductions simples, et aurait continué à fonctionner en permettant des copies de plus en plus compliquées.
Plusieurs mécanismes de reproduction existent, comme le clonage. La reproduction sexuée est une méthode parmi d’autres. Au cœur du mécanisme de reproduction, il y la transmission de la substance héréditaire, qui est réalisé, pour les êtres sexués, par le biais des cellules sexuelles.
Mais cette reproduction sexuée elle-même peut être à l’œuvre dans des organismes complexes, comme les mammifères qui portent toutes les fonctions, de la reproduction à l’allaitement des petits, en passant par l’alimentation, la mise l’abri, l’apprentissage. Chez les abeilles, ces fonctions seraient en fait réparties au niveau de la colonie qui remplirait à elle seule dans son fonctionnement global, les fonctions remplies par un organisme de mammifère. L’évolution a (aussi) choisi la voie de l’organisation d’insectes en colonies pour transmettre le plus efficacement possible la substance héréditaire. Entretien d’un milieu à température constante de 35 degrés, recherche optimisée d’énergie, protection contre les organismes « ennemis », transmission optimum du patrimoine héréditaire, adaptation aux environnements divers : une colonie de 50 000 abeilles serait non pas une organisation, mais un quasi organisme.
Un organisme très organisé
Jürgen Tautz, explique dans le détail les mécanismes très fins issus de l’évolution qui permettent l’abeille individuelle de remplir avec efficacité (que nous interprétons comme du zèle) les fonctions indispensables au développement de la colonie. Des expériences époustouflantes sont expliquées, comme celle qui permet de prouver que les abeilles enregistrent non pas leur distance de vol, mais la complexité des informations du paysage, qu’elles retransmettent à leurs congénères.
Jürgen Tautz explique comment les abeilles rafraîchissent la ruche, comment elle la réchauffe, quelle puissance thermique elles mobilisent, quelle énergie elles consomment. L’énergie thermique produite pour tempérer le nid à couvain correspond à une température permanente de 20 watts ! Les photos réalisées par Helga Heilmann sont aussi réellement extraordinaires. Les abeilles sont des systèmes adaptatifs complexes. L’arrivée de parasite, des virus, viendrait déstabiliser le fonctionnement, réglé comme ne horloge, des systèmes de fonctionnement des colonies.
Pour Jürgen Tautz, le subtil mécanisme mis au point par l’évolution pour aboutir à l’abeille, est très fragile. Ses déséquilibres, traduisent et amplifient des déséquilibres survenus dans l’environnement global, en particulier végétal et animal. L’Homme doit le comprendre, s’en inquiéter et tout faire pour préserver cet équilibre.
L’Etonnante abeille, Jürgen Tautz, et pour les photographies, Helga R. Heilmann, édition De Boeck, 278 pages.
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