Abeilles: vers un « non-lieu » pour les fabricants du Régent TS mis hors de cause par le procureur

L’annonce des réquisitions de non lieu demandées par le procureur de la République, notifiées par le juge d’instruction dans le dossier ouvert en 2004 après des plaintes d’apiculteurs de la région de Saint-Gaudens mettant en cause l’insecticide Régent TS est un élément tout à fait nouveau dans un dossier laborieux.

En février 2004 l’instruction est ouverte après des plaintes déposées contre BASF Agro et Bayer Crop Science ( sièges à Lyon) à la suite de plaintes de certains apiculteurs accusant le Régent TS d’être à l’origine de mortalités d’abeilles en 2002 et 2003. L’affaire de Saint-Gaudens participe alors largment à la médiatisation, et même à la politisation des problèmes des abeilles. Elle met en cause les insecticides utilisés par enrobage de semences. Le dossier contribue à justifier les prises de position de ministres de l’agriculture de l’époque qui décident la suspension des insecticides, à,la demande entre autres d’organisations apicoles.

Or, le procureur de la République vient de faire savoir aux avocats des parties ( Me Jean-Luc Soulier, de Lyon pour BASF Agro) qu’à “l’issue des très nombreuses expertises acquises au dossier, il n’était pas envisageable d’affirmer un lien incontestable entre l’utilisation du fipronil( principe actif du Régent) dans l’enrobage des semences et les surmortalités des abeilles constatées à l’occasion des campagnes 2002 et 2003”.

UNAF: “un dérapage inimaginable”

L’annonce de la position du ministère public est critiquée par l’Union Nationale des Apiculteurs de France. La revue de l’Union Nationale des Apiculteurs de France réagit dans son dernier numéro et qualifie les réquisitions du procureur de « dérapage inimaginable ». L’éditorial d’Henri Clément, président de l’UNAF dénonce le fait que le procureur prétende tirer « un trait sur cinq ans d’instruction pénale engagée par ses prédecesseurs et enterrer un dossier environnemental majeur ». Il dénonce prétention du représentant du ministère public de « balayer » toutes les décsions préczdentes des juges d’instruction et de la Cour d’appel. Le président de l’UNAF met en cause la Commission européenne en rappelant que grâce « à la mobilisation des apiculteurs », une nouvelle réunion doit avoir lieu en septembre.

Rapport de Martial Saddier attendu

Le président de l’UNAF évoque à propos de ce dossier, le rapport de Martial Saddier, député du Haute-Savoie, attendu pour la rentrée. Henri Clément explique « nous espérons que les conclusions seront constructives et réalistes pour la défense de l’abeille et des apiculteurs».

Pour BASF, les réquisitions du procureur de la République sont fondées « sur les nombreuses expertises scientifiques déposées dans le dossier d’instruction » et « confortent la non-responsabilité du Régent TS dans les mortalités d’abeilles ». L’entreprise rappelle que le 16 mars 2007, les experts européens ont inscrit, le Fipronil, le principe actif du Régent TS, sur la liste positive (annexe 1 de la directive 91/414) des substances actives autorisées à entrer dans la composition des produits phytosanitaires utilisés dans l’Union européenne. « La décision d’homologation au niveau européen s’appuie sur les conclusions données par une équipe d’experts représentatifs des 25 pays de l’Union européenne. Fondée sur un examen scientifique et au terme d’une procédure rigoureuse, elle apporte une nouvelle preuve de l’innocuité du produit pour l’environnement, pour le consommateur et pour l’agriculteur. Cet avis venait alors compléter celui déjà rendu par l’Agence française de sécurité des Aliments) en mars 2005 qui concluait à l’innocuité du Fipronil pour l’homme, notamment dans le cadre de ses usages agricoles ».

Conclusions de l’AFSSA

Les réquisitions s’appuient aussi sur des conclusions récentes d’études pluriannuelles permettant d’étudier tous les facteurs du dépérissement des abeilles, menées en France. BASF cite par exemple l’enquête Multifactorielle Prospective 2002-2005 –communication AFSSA mars 2008) comme dans d’autres pays européens.

Le dossier de la santé des abeilles a effectivement évolué en deux ou trois ans. Les solutions ne sont pas là et la situation est encore très dramatique pour bien des ruchers. Mais les scientifiques sont d’accord pour affirmer que les problèmes sanitaires des abeilles ont des causes multifactorielles: réduction de la biodiversité florale, maladies diverses, pratiques agricoles, et même pratiques apicoles. Au niveau des pratiques agricoles, il faut ranger les applications de produits phytosanitaires sans respect des normes, ou l’application de produits non homologués ou mal préparés. Des semences mal enrobées de produits homlogués peuvent ainsi dégager des poussières nocives.

NOSEMA Ceranae

Les chercheurs mettent de plus en en plus en cause des facteurs biologiques, l’acarien Varroa arrivé en Europe il y a une trentaine d’années, contre lequel la lutte est très incomplète. Ils mettent en aussi en cause comme le chercheur espagnol Mariano Higes, le rôle de Noséma Ceranae, un parasite unicellulaire capable de provoque des effondrements brutaux de colonies longtemps inexpliqués. Le parasite est effectivement retrouvé dans des colonies mortes dans de nombreuses régions, y compris en Rhône-Alpes, mais la lutte contre cet organisme n’est pas la priorité pour ceux qui concentrent leurs attaques contre les pesticides. Le dépistage et la prévention sont encore peu développées.

michel.deprost@enviscope.com

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