Clara Trévisiol , co-fondatrice de la jeune pousse Monabee, spécialisée dans le comptage et la maitrise de l’énergie, s’exprime sur le retard de la France en matière d’autoconsommation d’électricité photovoltaïque.
Tandis que les regards se tournent de plus en plus vers les énergies renouvelables et les nouveaux modes de production, les signes d’une dégradation planétaire sont tout sauf invisibles. Où en sommes-nous du « Make Our Planet Great Again » du Président Emmanuel Macron ?
Produire son électricité grâce à sa toiture solaire, et la consommer localement, autrement dit autoconsommer son énergie est aujourd’hui possible ! Non seulement, c’est autorisé officiellement depuis février 2017, mais les consommateurs ne demandent que cela : 96 % des Français font confiance à au moins une énergie renouvelable*.
Jusque-là quasiment confidentielle, l’autoconsommation solaire vient de passer, au mois de septembre 2018, le cap des 33 000 clients** raccordés au réseau, soit un doublement sur 1 an. Questions d’autonomie, d’indépendance, d’engagement environnemental et d’économies sur la facture, le consommateur devient un citoyen engagé, un « consomm’acteur ».
Malheureusement, cela reste une goutte d’eau à l’échelle des 37 millions de consommateurs en France. Les freins sont encore trop nombreux pour un développement individuel et collectif ambitieux de l’autoconsommation. Pire, la France se trouve actuellement dans un paradoxe où sa dépendance forte au nucléaire la frappe d’un « symptôme vert » : l’objectif de 32 % de production d’énergies renouvelables d’ici 2030 contre 20 % aujourd’hui semble difficilement atteignable si des décisions ne sont pas prises immédiatement.
Allemagne et Italie : champions de l’autoconsommation en Europe
Ce retard est d’autant plus flagrant quand on le compare aux 2 millions de foyers équipés en Allemagne et aux 750 000 en Italie. Quelles en sont les raisons ? Les Français ne le savent peut être pas tous, mais nous faisons partie des pays d’Europe pour qui le prix de l’électricité est parmi les moins élevés. Il est vrai que nos mêmes voisins payent leurs électrons deux fois plus cher que les nôtres (0,15 € en France, 0,208 € en Italie et 0,30 € en Allemagne***).
Pourtant, si l’on regarde de plus près, le tarif du kWh a déjà augmenté de 43 % ces 10 dernières années et aucun indicateur ne montre un freinage. A moins de garantir au particulier une stabilisation du prix d’achat de l’électricité, ce que permet justement de faire l’autoconsommation.
Des freins législatifs et un manque d’audace politique face à un réel potentiel
La loi sur l’autoconsommation du mois de février 2017 n’a que trop timidement poussé le photovoltaïque vers de nouveaux horizons. Timidement parce que cette règlementation reste incomplète ou incomprise (notamment concernant le calcul des taxes liées à l’autoconsommation : Turpe – Tarif d’Utilisation du Réseau Public d’Electricité) ; parce qu’elle n’a pas encore réussi à suffisamment simplifier et digitaliser les démarches (plus de 6 mois pour une demande de raccordement après la mise en services d’Enedis soit presque un an après la signature du devis).
Cette loi contient encore des incohérences, anciens vestiges de l’époque des installations en vente totale, notamment concernant les conditions de TVA qui favorisent les installations jusqu’à 3 kWc alors que l’autoconsommation devrait inciter à choisir la puissance de l’installation en fonction des besoins électriques réels de l’utilisateur.
D’autre part, les solutions digitales, qui permettent réellement d’optimiser l’utilisation de l’électricité solaire via le pilotage des équipements consommateurs, pourraient être encore plus encouragées/massivement diffusées si on ne limitait pas le Crédit d’Impôt Transition Energie au simple déclenchement du chauffage.
Nombreux enjeux
Les enjeux liés à l’autoconsommation sont pourtant nombreux : c’est une énergie propre en parfait accord avec la mouvance du local, un levier important pour démocratiser la production d’énergie verte, pour créer des emplois non délocalisables, pour encourager l’innovation autour d’un secteur de l’énergie en pleine évolution !
Le potentiel de raccordement en autoconsommation est tout aussi large que la surface de toitures disponibles, d’autant plus que les toitures des maisons individuelles ne sont pas les seules à être exploitables. Immeubles, tertiaire, grande et moyenne distribution… Et demain, si seulement elle était encouragée, c’est l’autoconsommation collective qui pourrait porter une vision ambitieuse d’une énergie renouvelable et partagée. Les voyants sont au vert, allons-y !
* Source : « Les Français et les énergies renouvelables » Sondage OpinionWay pour Qualit’EnR / janvier 2018
** Source : Enedis, « Le Mix par Enedis »
*** Source : Eurostat (deuxième trimestre 2017)
Créée en 2012 à Lyon par Clara Trévisiol et Vianney Fichet, Monabee est une jeune pousse lyonnaise spécialisée dans la réduction des consommations énergétiques et l’autoconsommation solaire. Avec un chiffre d’affaires de 3,4 millions d’euros réalisé en 2017 et 1 542 % de croissance depuis 3 ans, Monabee accompagne ses 4 000 clients, particuliers et professionnels, grâce au développement d’équipements connectés et de solutions logicielles pour couvrir leurs besoins dans la maitrise de leurs consommations énergétiques. La société compte plus de 30 collaborateurs répartis entre le siège social à Lyon et ses 5 agences territoriales (Béziers, Bordeaux, La Rochelle, Toulouse, Senas). Monabee est membre de l’association Luciole et élue au conseil d’administration du syndicat AuRA Digital Solaire.