À l’occasion de son congrès national le 3 février, l’association Amorce a mis en lumière l’inquiétude des collectivités locales face aux menaces d’explosion du coût de gestion des déchets auxquelles elles font face.
La crise sanitaire a eu un impact fort sur la gestion des déchets des collectivités locales. Celles-ci ont en effet vu simultanément leurs recettes de valorisation s’effondrer et leurs coûts d’élimination augmenter, les obligeant à compenser le manque à gagner par une hausse de la fiscalité locale. « Sur l’agglomération toulonnaise, qui compte plus de 500 000 habitants, la perte est ainsi de 2 M€ sur la valorisation des collectes sélectives et de 1,5 M€ du fait des coûts de traitement d’élimination des déchets qui n’ont pas pu être valorisés », explique Gilles Vincent, président du Sittomat et président d’Amorce, le réseau national des territoires engagés dans la transition écologique, fort de près de 1000 adhérents dont près de 700 collectivités. « Deux tiers des collectivités sont dans une situation analogue et prévoient des hausses de fiscalité souvent comprises entre 5 et 10 % », indique Nicolas Garnier, délégué général de l’association.
L’impact de la crise sanitaire
La crise sanitaire a provoqué une chute des cours des hydrocarbures et donc des matières plastiques. Les industries du verre se sont également retrouvées avec des stocks importants d’où une chute des prix du verre. Côté cartons, la fermeture de la papèterie Chapelle Darblay à Grand Couronne, seule usine en France à fabriquer du papier 100 % recyclé a réduit les débouchés des cartons collectés et donc leur valeur. « Dans ce contexte, les éco-organismes n’ont pas joué leur rôle, estime Amorce. Ils se sont montrés impuissants à faire face à la disparition des débouchés et à compenser les pertes des collectivités locales, alors que cela relève en principe de leur responsabilité ». Les déchets non valorisés ont donc dû être éliminés par incinération ou par mise en décharge, dans un contexte d’augmentation des coûts de ces traitements. À cela s’ajoutent les coûts d’adaptation des métiers du déchet pour mettre en place les protocoles sanitaires permettant d’assurer le service en sécurité. « Les collectivités assument seules ces pertes de recettes et ces augmentations de coûts », regrette Amorce.
Nouvelles hausses de coûts en perspective
Mais les collectivités ne sont sans doute pas au bout de leurs déboires. En effet, les lois Agec (loi anti-gaspillage et économie circulaire de 2020) et LTECV (Loi pour la transition écologique et la croissance verte de 2015) prévoient de nouvelles mesures concernant la gestion des déchets, qui visent en principe à en améliorer la valorisation, mais ces mesures ne sont pas encore stabilisées ni pleinement effectives. Pour l’heure les déchets résiduels (refus de tri ou de compostage, ordures ménagères résiduelles sont encore nombreux et leur élimination en décharge ou par incinération coûte de plus en plus cher, du fait de la hausse de la TGAP, la taxe appliquée à ces deux modes de gestion des déchets.
Un des textes en préparation est un décret concernant la production et la valorisation des matières fertilisantes (lisiers d’élevage, composts issus des déchets des collectivités locales et des habitants, boues de station d’épuration, digestats de méthanisation). « Les matières organiques sont indispensables à l’agriculture, à un moment où les sols agricoles ne cessent de s’appauvrir et de perdre en fertilité. Les sols ont absolument besoin de matières organiques, d’humus, pour conserver l’eau et les nutriments dans le sol, rappelle Nicolas Garnier. Il est aussi indispensable d’avoir un cadre scientifique régissant les valeurs limites acceptables en contaminants ou polluants dans les matières utilisées en valorisation agronomique, que ce soit en amendements ou en fertilisants. Le problème actuellement est que les règles proposées semblent faites pour trier les matières en fonction de la façon dont elles ont été produites et non en fonction de ce qu’elles contiennent. Certaines filières sont ainsi menacées, notamment les installations de traitement mécano-biologique (TMB) et la valorisation des boues de station d’épuration. »
Quelle destination pour les boues et les biodéchets ?
Outre que ces filières remises en cause existent et représentent une activité économique et de nombreux emplois, le problème est qu’il faudra bien trouver une destination pour les boues et biodéchets qui ne pourront plus être valorisés en agriculture. La seule solution sera de les incinérer, ce qui impliquera de nouveaux investissements pour créer les installations adéquates et risque d’augmenter sérieusement les coûts de gestion des boues (et donc le prix de l’eau) et des biodéchets.
Amorce appelle à un débat rationnel et scientifique. Les parties prenantes attendent l’avis de l’Anses, qui a eu trois mois pour réaliser un état de l’art de ce qu’il est possible de mettre sur un sol agricole. « Nous craignons que ce ne soit pas suffisant. Le délai fixé à juillet 2021 pour l’entrée en vigueur de cette réglementation est trop court pour faire un travail sérieux », estime l’association, qui entrevoit deux solutions : « La loi climat et résilience, qui doit faire suite aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat pourrait reporter l’échéance de l’entrée en vigueur des textes sur les matières fertilisantes. Sinon, essayons d’ici juillet d’élaborer un nouveau cadre qui ait du sens, mais laissons-nous 3 ou 5 ans pour établir un cadre fondé sur un socle scientifique solide. »
Dans cette perspective, l’association a co-signé avec 19 structures représentant les collectivités et les professionnels des filières déchets, eau et énergie, une motion commune transmise au Premier Ministre, pour alerter le gouvernement sur l’impact du projet de décret sur les filières de traitement des biodéchets ménagers et assimilés, boues d’assainissement et cendres des chaufferies biomasse des collectivités.
A lire également sur Enviscope :
Déchets organiques : vers une valorisation sacrifiée ?
La loi Economie Circulaire sauvera-t-elle les filières de compostage et de méthanisation ?
La filière de valorisation des résidus organiques en appelle au soutien des élus locaux