Le carbone de l’atmosphère non séquestré localement par les écosystèmes terrestres est exporté, vers les sédiments océaniques qui sont sans doute des dépôts plus stables que la biomasse terrestre. Mais une collaboration internationale, menée par l’Université de Bruxelles à laquelle participe le CEA, estime que le stockage des zones côtières peut être déstabilisé par l’élévation du niveau marin. Ces résultats ont été publiés par Nature le 16 mars.
Les écosystèmes terrestres et les océans ont une puissante influence sur le climat en régulant la concentration atmosphérique en CO2. Un réseau complexe de transferts hydrologiques appelé continuum aquatique terre-océan transporte du carbone du continent vers la haute mer. Cet ensemble regroupe les rivières, les eaux souterraines, les lacs, les réservoirs, les estuaires, les
marais littoraux, les mangroves, les herbiers marins et les eaux côtières situées audessus des plateaux continentaux.
Sur ce sujet, la majorité des travaux du Giec et du Global Carbon Project estimait que le cheminement du carbone initialement absorbé par des écosystèmes terrestres puis transféré à l’océan s’arrête à l’embouchure des rivières. Il retenait que tout ce carbone est d’origine naturelle. L’impact des activités humaines sur le continuum aquatique terre-océan ( barrages, destruction de la végétation côtière) n’était par ailleurs pas pris en compte.
Or, les bilans carbone du continuum aquatique terre-océan réalisés pour la période préindustrielle et contemporaine par les chercheurs montrent que le flux de carbone préindustriel1 terre-océan est 50 % plus important que les valeurs
admises jusque-là. Ce flux résulte de deux boucles du cycle du carbone plus petites, l’une reliant les écosystèmes terrestres aux eaux intérieures; et la seconde, la végétation côtière (« écosystèmes du carbone bleu ») et les eaux des plateaux continentaux à la haute mer. Le carbone absorbé de l’atmosphère par les écosystèmes terrestres n’est pas entièrement séquestré localement mais il est exporté vers ce continuum. Ce constat a des implications importantes pour les inventaires de carbone nationaux qui sont réalisés dans le cadre des accords globaux sur l’empreinte carbone de chaque pays et dont l’impact diffère selon les régions.
Ces résultats soulignent aussi le fait que les activités humaines ont réduit jusqu’à 50 % l’absorption de CO2 atmosphérique par la végétation côtière, et que le carbone d’origine anthropique transporté par les rivières est soit relâché dans l’atmosphère,
soit stocké dans les sédiments aquatiques et dans l’océan. « C’est une nouvelle plutôt positive, remarque Philippe Ciais, chercheur CEA au LSCE (CEA-CNRS-UVSQ), car les sédiments et l’océan offrent des dépôts sans doute plus stables que la biomasse terrestre et le carbone du sol, vulnérables aux sécheresses, aux incendies et aux changements d’utilisation des terres ».
En revanche et s’ils ne sont pas protégés contre l’élévation du niveau de la mer, la pollution et le développement du littoral,
l’absorption du CO2 atmosphérique par les écosystèmes carbone bleu continuera de diminuer et contribuera à un réchauffement supplémentaire du climat.
Références : The Land-to-Ocean Loops of the Global Carbon Cycle, Nature Climate Change, 16 mars 2022 : https://www.nature.com/articles/s41586-021- 04339-9