Le très long rapport de la Chambre des Comptes Auvergne-Rhône-Alpes sur l’association Prioriterre pose de nouveau de nombreuses interrogations. L’examen des magistrats des Comptes intervient pour une période assez longue de quatre années après la commission des irrégularités. C’est dire qu’avant l’examen de la Chambre, de nombreuses barrières auraient dû prévenir des dysfonctionnements nombreux.
Des collectivités ont versé des subventions importantes, sans exercer de contrôle. Un élu a prêté de l’argent à l’association alors qu’il votait des délibérations concernant cette dernière. Des entreprises étaient adhérentes d’une association qui prodiguait des conseils sans que la Cour ait la preuve de la confidentialité des informations recueillies. Des sommes correspondant à des adhésions ou à des subventions n’ont pas été imputées sur les bons postes, ce qui a faussé les critères d’attribution de nouvelles subventions
Le rapport de la Chambre se termine par des recommandations qui arrivent tardivement et qui n’ont d’autre intérêt, espérons-le, qu’un retour à la norme. On sait que ces recommandations n’ont rien d’obligatoire. Elles ont la valeur floue d’un feu orange sur la route et pas celle d’un feu rouge. Elles n’entrainent aucune sanction, comme de remboursement de sommes indues, ce qui est la règle dans de nombreux secteurs pour des particuliers ou des entreprises. On sait qu’à défaut d’actes potentiellement délictueux, les observations des juridictions des Comptes ne sont souvent pas suivies d’effet.
Car les termes irrégularités ou non conformité à la loi n’ont aucune conséquence. On doit au contraire imaginer que les irrégularités soient précisément décrites et recensées dans les conclusions du rapport, comme dans un jugement digne de ce nom.
Le fait que des irrégularités soient relevées, dans une structure d’une certaine importance capable de recourir à des conseils compétents, sur des montants d’un certain volume, devrait permettre de pénaliser les structures incriminées, qu’elles aient accordé des fonds ou qu’elles en aient bénéficié.
Les collectivités qui ont versé sans vérification des fonds publics devraient être sanctionnées en recevant moins de fonds de l’État. L’État par la Dotation globale de fonctionnement, ne saurait aider indistinctement les collectivités bien gérées et celles qui ne le sont objectivement pas. La qualité de la gestion doit être prise en compte par l’Etat dans l’utilisation qu’il fait lui-même de l’argent public qui lui est confié.
Les structures qui ont reçu de l’argent public d’une manière irrégulière devraient être invitées à rembourser une partie des fonds reçus et privées de la possibilité de solliciter de nouveaux financements. C’est ce qu’on appelle la peur du gendarme qui pour le moment sur le route mais pas dans la circulation de l’argent!
La perspective d’un rapport relevant des sanctions applicables, connues des parties prenantes de l’association, adhérents, administrateurs, dirigeants, salariés, aurait un effet dissuasif donc préventif. Chacune des parties prenantes aurait intérêt à veiller au respect des règles. On voit que la lutte contre le fraude dans le domaine social ou fiscal, commence à payer. Il est temps de mettre plus de rigueur ( qui n’a rien à voir avec l’austérité) dans la gestion durable des fonds publics.
Ne pas agir, c’est plus grave que tolérer un mésusage de l’argent du citoyen. C’est autoriser et donc encourager, une inégalité de fait entre structures (donnant ou recevant) bien gérées et celles qui ne le sont pas. C’est laisser s’instaurer une concurrence déloyale entre structures respectueuses des règles et structures peu respectueuses. C’est laisser bénéficier d’un avantage compétitif définitivement acquis, jamais repris, qui n’a rien à voir avec la justice des comptes.