La Cour européenne des Droits de l’Homme a rendu ce jour dans l’affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres contre la Suisse à la majorité de seize voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 8
L’affaire concerne une requête introduite par quatre femmes âgées et l’association suisse, Verein
KlimaSeniorinnen Schweiz, qui réunit des personnes âgées. Les membres de cette association sont des femmes âgées préoccupées par les conséquences du réchauffement climatique pour leur santé et leurs
conditions de vie. Les requérantes considèrent que les autorités suisses, en dépit des obligations que leur impose la Convention, ne prennent pas des mesures suffisantes pour atténuer les effets du changement climatique.
La Cour rappelle que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme consacre un droit à une protection effective, par les autorités de l’État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie.
Les quatre personnes physiques sont des femmes âgées de plus de 80 ans, qui se plaignent de problèmes de santé exacerbés lors des vagues de chaleur, affectant considérablement leur vie, leurs conditions de vie et leur bien-être. La plus âgée des quatre, née en 1931, est décédée au cours de la procédure devant la Cour.
Cependant pour la Cour les quatre requérantes individuelles ne remplissent pas les critères relatifs à la qualité de victime aux fins de l’article 34 de la Convention. Elle a donc déclaré leurs griefs irrecevables. En effet, le requérant « doit être exposé de manière intense aux effets néfastes du changement climatique, et il faut qu’il y ait un besoin impérieux d’assurer la protection individuelle du requérant. » La Cour souligne que le seuil à partir duquel la qualité de victime peut être établie dans les dossiers de changement climatique est particulièrement
élevé.
La Cour considère en revanche que l’association requérante est habilitée à agir en justice face aux menaces liées au changement climatique au sein de l’État défendeur, » pour le compte de personnes pouvant faire valoir de manière défendable que leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie se trouvent exposés à des menaces ou conséquences néfastes spécifiques liées au phénomène en question. »
La Confédération en manqué aux obligations » positives »
La Cour conclut en effet que la Confédération helvétique a manqué aux obligations positives imposées par la Convention relativement au changement climatique. Le processus de mise en place du cadre réglementaire interne pertinent a comporté de graves lacunes, notamment un manquement des autorités suisses à quantifier, au moyen d’un budget carbone ou d’une autre manière, les limites nationales applicables aux émissions de gaz à effet de serre (GES).
De plus souligne l’arrêt » la Suisse n’a pas atteint ses objectifs passés de réduction des émissions de GES. » La Cour constate à partir des éléments dont elle dispose » que les autorités suisses n’ont pas agi en temps utile et de manière appropriée afin de concevoir, élaborer et mettre en œuvre la législation et les mesures pertinentes en l’espèce. »
En outre, la Cour rappelle que l’article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme trouve à s’appliquer au grief de l’association requérante qui concerne la mise en œuvre effective des mesures d’atténuation prévues par le droit interne en vigueur. Pour elle, les juridictions de la Confédération » n’ont pas expliqué de façon convaincante pourquoi elles ont estimé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le bien-fondé des griefs de l’association requérante. » Les juridictions suisses n’ont en effet pas tenu compte des données scientifiques incontestables concernant le changement climatique. Elle » n’ont pas pris au sérieux les griefs formulés. »