Le développement mondial du photovoltaïque pour atteindre la puissance nécessaire pour limiter à 1,5 °C la hausse de la température moyenne de l’atmosphère par rapport à l’ère préindustrielle, impose un accroissement colossal, mais réalisable, des ressources, notamment du verre plat.
La lutte efficace contre le changement climatique suppose l’installation dans le monde d’une puissance de 20 à 80 térawatts de photovoltaïque d’ici à 2050 et de 80 à 170 térawatts de puissance d’ici à 2100, soit au moins 100 fois plus que les 707 Gigawatt de puissance installés à la fin de 2020.
Des chercheurs de l’ISE Fraunhofer sur les Systèmes solaire , à Fribourg en Brisgau, et de l’institut de recherche sur l’impact du Changement climatique de Postdam (Allemagne) ont réalisé une étude afin de voir si une telle croissance est réalisable sur le plan des ressources, et si c’est le cas, à quelles conditions. L’article intitulé « Leçons techniques sur les ressources efficaces pour un photovoltaïque à l’échelle des térawatts », a été publié dans la revue Energy and Environemental Science de septembre 2021.
Le niveau actuel de haute technologie devra être encore accru pour éviter les limites au niveau des ressources. Le photovoltaïque a été identifié comme la plus importante énergie renouvelable pour lutter contre le changement climatique mais la demande massive associée au niveau des ressources nécessaires est rarement discutée. Les chercheurs ont estimé la demande de ressources nécessaires pour une industrie photovoltaïque à l’échelle du térawatt, indispensable pour contenir le réchauffement climatique.
Des technologies moins gourmandes
Indépendamment de la technologie mise en œuvre, les chercheurs mettent l’accent sur les principales ressources nécessaires, c’est-à-dire l’énergie, le verre, l’investissement en capital, l’argent métal. L’analyse montre que sans amélioration des technologies, les limites des ressources freineront le déploiement du photovoltaïque à l’échelle des térawatts. « Par chance, la technologue du photovoltaïque est en constante évolution, et de nouvelles générations de systèmes sont plus efficientes et consomment moins de ressources », rassure Dr. Jan Christoph Goldschmidt, à la tête de la division Nouvelles cellules solaire du Fraunhofer, et premier auteur de l’étude. « Nous devons maintenir le développement technologique comme celui des cellules pérovskite qui sont en train d’être développées dans des laboratoires et promettent des hautes efficacités à des prix bas et en recourant à peu de ressources ».
« Limiter le réchauffement à 1,5 °C aux coûts les plus bas nécessite une multiplication par 7 à 14 de la capacité solaire d’ici à 2030 et une poursuite de ce rythme au-delà », explique Robert Pietzcker, de l’Institut de Postdam. La constitution d’une infrastructure photovoltaïque globale consommera plusieurs pourcents des budgets carbone autorisés par la limite de 1,5 °C et le PV ne fournira que la moitié de l’électricité nécessaire pour la construction du parc mondial.
« En effet, le budget carbone restant est très faible, mais critique pour produire du PV aussi rapidement et aussi efficacement que possible », insiste Lukas Wagner du Fraunhofer ISE. À long terme, seulement de 4 à 11 % de l’électricité produite par le photovoltaïque sera nécessaire pour produire des systèmes PV, remplacer les systèmes obsolètes et étendre le parc des systèmes.
Demande de verre en hausse
Le développement massif de la production de modules PV accroîtra la demande de verre plat, mais l’amélioration continue des modules réduira les surfaces nécessaires par W de puissance, donc directement le volume de verre nécessaire. La production d’une surface annuelle de 12 000 à 22 000 km2 aux environ de 2100, est de l’ordre de grandeur de la production actuelle de verre plat. Sur le plan de la ressource, ce point n’est probablement pas critique du fait de réserves de sables abondantes, le verre étant de plus recyclable. Mais alors la demande actuelle de verre plat étant presque totalement absorbée par d’autres marchés, la capacité de production de verre pour le solaire PV doit être rapidement accrue.
Indium critique
Pour l’argent-métal, une tendance historique marquée montre que la demande tend à se réduire en raison des prix élevé du métal et de l’amélioration des technologies d’impression. Si ce développement se poursuit, la consommation totale d’argent-métal annuelle resterait en dessous de 18 000 tonnes par an, et dans le meilleur de cas, pourrait rester égale au niveau actuel. En revanche, l’indium, utilisé pour les oxydes des conducteur dans les cellules pluri-jonctions est un élément qui pourrait devenir critique.
« Notre étude montre l’urgence de plusieurs actions », insiste Jan Christoph Goldschmidt. « Le développement de technologies PV à basses émissions pourrait devenir une priorité. Une expansion rapide des capacités de production de verre plat dans les dix prochaines années est nécessaire et il sera aussi nécessaire de développer la capacité de recyclage capable de prendre en charge d’énormes volumes de matériaux. Nous devons aussi industrialiser les technologies à hétérojonction pour atteindre les hautes efficacités nécessaires, et parvenir à remplace l’indium dans les couches transparentes ». Les investissements immédiats et futurs doivent être par conséquent non seulement orientés vers le développement des capacités de production, mais aussi dans l’élévation du fort niveau d’innovation, tout en tenant compte de la durabilité.