La transition énergétique et écologique est à peine engagée. Peut-être, au mieux. Mais la vérité, c’est qu’elle n’est peut-être qu’un vœu pieux de spécialistes du climat, d’écologistes convaincus, de citoyens sincères, de jeunes inquiets. La vérité est plus sombre : les émissions de carbone piétinent.
En effet, le vieux monde de la consommation continue à tourner à plein régime, à l’image de l’orchestre du Titanic avançant dans la nuit vers l’iceberg fatal. Le développement des Sport Utility Véhicules (SUV), parti il y a une vingtaine d’années des Etats-Unis, société parmi les plus polluantes du monde, s’est étendu à toute la planète.
L’Agence internationale de l’Energie (AIE) a dressé le constat : les 200 millions de SUV en circulation ont un bilan environnemental catastrophique. Leurs émissions de CO2 sont passées en dix ans de 500 à 700 millions de tonnes d’équivalent carbone, et rien ne semble freiner leur croissance.
Elles progressent en raison de la stratégie des constructeurs qui n’ont pas assez clairement choisi leur voie, pour des raisons industrielles sans doute, mais aussi par manque d’audace et de coopération sur un marché concurrentiel, et par opportunisme commercial.
Les constructeurs ont tous développé des véhicules électriques peu émetteurs de CO2 tout en poussant la vente de véhicules plus lourds et plus polluants.
Ils ont largement utilisé la publicité pour promouvoir des images de la voiture, non pas véhicule propre et sûr, mais symbole de statut social : réussite individuelle, puissance, domination mâle, séduction, liberté. Pour les publicitaires, la voiture est l’objet qui permet de se distinguer dans la ville anonyme, ou qui permet de découvrir (en les polluant) des paysages évidemment vierges sans jamais aucun autre véhicule.
Dans ce domaine, comme dans d’autres, le marché doit être régulé. Cela passe par la régulation de la publicité qui devrait être limitée, voir interdite, qui devrait en tous les cas mentionner obligatoirement des informations sur l’impact carbone des véhicules. D’autres régulations pourraient être imaginées, par la mise en place d’un taux de TVA assimilant les SUV à des produits de luxe. Cette mesure serait tout à fait justifiée par l’usage statutaire et non utilitaire des véhicules.
Le débat sur les SUV, comme le débat sur l’impact climat du numérique doit être ouvert…
Michel Deprost michel.deprost@enviscope.com