Catherine Witherspoon, consultante internationale sur les questions de changement climatique, a géré un millier de fonctionnaires au sein du California Air Resources Board (CARB), agence d’état chargée de la qualité de l’air. Elle a largement contribué à l’adoption des réglementations adoptées par la Californie sur le changement climatique. A l’occasion de son passage à Lyon, elle a donné une conférence aux étudiants de sciences politiques de l’Université Lyon 3 Jean Moulin dans le cadre du centre d’études de la Politique et des Institutions Américaines ( CEPIA),dirigé par Taoufik Bourgou, maitre de conférences à l’université.
Les Etats Unis n’ont pas signé le protocole de Kyoto, mais cette non-signature nedoit pas être interprétée comme le refus, par tous les Américains, de prendre en compte les menaces qui pèsent sur le climat et sur l’environnement. C’est ce qu’a rappelé Catherine Witherspoon.
Le président Clinton travaillait à la ratification du protocole de Kyoto, rappelle Catherine Witherspoon, et c’est seulement le Sénat, à majorité républicaine, qui s’est opposé. Mais les Etats-Unis ne sont pas immobiles.
« Ce qui a changé, c’est que les Américains sont plus sensibles, ils ont vu le film Une Vérité qui dérange. Les magazines, la télévision, des séries, avec beaucoup d’images effrayantes ont fait évoluer l’opinion». Des informations inquiétantes aussi : la pollution provoque 9,000 morts prématurées, 1 million de crises d’asthme, et la perte de trois millions de journées de travail.
Des conséquences sur la Californie
Deux fois et demi plus de vague de chaleur pourraient être provoquées avec une élévation de seulement 3 à 5,5 degrés Farenheit de la température, l’hypothèse d’évolution la moins importante. Cette même élévation, provoquerait une diminution de 30 à 60% du stock de neige de la Sierra et une réduction de 7 à 14% de la production de bois, avec un risque accru de 10 à 35% pour les feux de forêts.
Malgré ces perspectives inquiétantes, les mentalités demeurent partagées, explique Catherine Witherspoon. Les électeurs démocrates se sentent concernés pour les trois quarts, 59% des indépendants s’estiment concernés, mais seulement 35% des Républicains sont sensibles à la question climatique. Ils veulent réduire le rôle de l’Etat, éviter des dépenses. Les Etats-Unis sont aussi partagés entre une côté orientale plutôt conservatrice, et une côte occidentale, plus ouverte aux questions d’environnement, même si à l’ouest des mentalités conservatrices existent aussi.
En Californie, le gouverneur Arnold Schwarzenegger a pris des décisions énergiques, très en avance par rapport au reste de l’Union. Les responsables californiensont pris conscience des conséquences dramatiques globales du réchauffement sur l’Etat : perturbation de la ressource en eau, accroissement des feux de forêts, perturbations agricoles pour l’élevage, le lait, les fruits, la vigne, salinisation des rivières, accroissement du nombre de jour de smog sur les grandes villes.
La Californie n’a pas attendu pour améliorer la situation, mais seulement dans la mesure où la technologie permettait de réduire les émissions, sans modifier les usages. Les émissions des véhicules ont été réduites de 90% de 1963 à 1993. La Californie ne part pas de rien: la consommation d’électricité par tête n’augmente plus depuis 1972. Il faut cependant aller bien plus loin.
Une loi sur le réchauffement climatique
Le Global Warming Solutions Act adopté en 2006 fixe les objectifs suivants en matière d’émissions de gaz à effet de serre : en 2010, arriver au niveau de 2000 ; en 2020, réduire au niveau de 1990, et en 2050 parvenir à 80% du niveau de 1990. Toute une série de mesures permettre de capturer les gaz dans les stations service, dans les produits ménagers. Le programme englobe plusieurs actions : réduction des consommations et des émissions pour les transports, modification des usages du sol, reforestation,
Le programme prévoit une accélération de la production d’énergies renouvelables, avec un objectif de 20% d’électricité de ce type, puis 30%. La Californie va mettre l’accent sur la production d’électricité à partir de charbon propre, refusant l’énergie sale. L’Etat ne refuse pas le nucléaire, mais les opposants insistent pour que la priorité soit donnée à d’autres formes d’énergie.
Habitudes difficiles à changer
Tout cela est parti, mais ne suffit pas. La confiance dans la technique est sans doute plus forte qu’en Europe. Et à entendre Catherine Witherspoon, les changements d’habitudes sont difficiles à engager. L’étalement urbain continue à consommer des surfaces immenses, générant une multiplication des kilomètres parcourus, dans un pays où les transports en commun sont utilisés seulement par les pauvres. Pour modifier l’urbanisme, il faudrait convaincre municipalités et comtés qui résistent.
Mais les arguments économiques pourraient convaincre ceux qui hésitent. L’effort de lutte pour freiner le changement climatique, coûterait moins de 0,1% du PNB, mais permettrait d’économiser 4 dollar pour chaque dollar dépensé. Les nouvelles activités pourraient créer 84 000 emplois et contribuer à hauteur de 4 milliard de dollars de croissance.
