L’exagération de la taille corporelle est très courante chez les animaux comme chez les humains. Les émetteurs de nombreuses espèces produisent des cris exagérément graves pour paraître plus grands qu’ils ne le sont en réalité. Ces artifices sont-ils toujours efficaces ? Les recherches de Kasia Pisanski et David Reby, scientifiques au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Université Jean Monnet Saint-Étienne/Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS/Inserm), publiées dans Nature Communications, apportent enfin des réponses.
Les deux scientifiques ont constaté que les auditeurs humains arrivent fréquemment à détecter quand les émetteurs essaient de paraître plus ou moins grands en modifiant leurs fréquences vocales. Lorsque les auditeurs identifient un « tricheur », ils recalibrent leurs jugements de taille. C’est en particulier vrai lorsqu’un humain estime la taille d’un autre humain. La détection de la tricherie réduit les erreurs et atténue les effets de la tromperie, en particulier dans des contextes comme la compétition entre humains.
Il est utile d’exagérer
Les résultats montrent cependant qu’il est toujours utile d’exagérer. Non seulement la tricherie n’est détectée qu’une fois sur deux, mais même détectée, elle peut rester effective. Les scientifiques ont utilisé des enregistrements de voix d’hommes et de femmes auxquels ils avaient demandé de faire en sorte de paraître physiquement plus grands, plus petits, ou de parler normalement lorsqu’ils prononçaient une série de voyelles. Ils ont diffusé ces enregistrements « tricheurs » ou « honnêtes » à 200 auditeurs qui devaient estimer la taille réelle des personnes qui parlaient. Les auditeurs devaient décider si ces personnes parlaient normalement ou au contraire exagéraient ou minimisaient leur taille réelle. Ils ont observé que, bien que les auditeurs soient globalement bernés par les signaux exagérés (surestimant les tailles des exagérateurs), ils conservaient la possibilité de comparer leurs tailles.
Des auditeurs perspicaces
Par ailleurs, les auditeurs les plus perspicaces, capables de détecter qu’une personne essayait de paraître plus grande ou plus petite, émettaient un jugement de taille plus précis que les auditeurs qui étaient « dupes ». En révélant cette compétition entre signaleurs et récepteurs depuis la nuit des temps, cette recherche répond à des questions essentielles pour notre compréhension des origines et de l’évolution de la communication vocale, auxquelles il serait extrêmement difficile de répondre au moyen d’expériences impliquant des animaux. Kasia Pisanski et David Reby espèrent que leur travail encouragera la conception d’études visant à tester si ces résultats se généralisent aux espèces animales, et à la communication en général.