La commercialisation d’un nouvel insecticide, le Cruiser, mis au point par le groupe Syngenta, a provoqué depuis plusieurs mois, la mobilisation de plusieurs organisations apicoles et de défense de l’environnement. Le Cruiser est un insecticide utilisé en enrobage des semences, pour éviter les ravages provoqués par le Taupin. La larve du Taupin, Agriotes lineatus (L.) provoque de grands dégâts sur les racines des cultures.
Le Cruiser peut poser deux types de problèmes, au moment du semis et lors de la consommation de pollen par les insectes pollinisateurs.
La technique d’enrobage des semences consiste à enrober les graines avec l’insecticide. Si l’enrobage est mal réalisé, des poussières peuvent être dégagées. Ce sont des dysfonctionnements qui ont été à l’origine de problèmes constatés ces dernières années pour d’autres molécules. Les poussières peuvent se déposer sur des fleurs d’autres espèces qui se forment au moment au moment des semis ou dans la rosée.
Problèmes au moment des semis
En Italie la presse et des organisations apicoles ont rapporté au printemps des informations sur les effondrements de ruches dans le Nord ouest du pays, de l’autre côté des Alpes, en Piémont. Nous n’avons pas trouvé d’informations précises sur ce phénomène, y compris sur le site de l’UNAPI , organisation nationale italienne d’Apiculture. L’organisation ne donne pas de chiffres sur l’ampleur du phénomène, mais incite les apiculteurs à signaler les problèmes à des vétérinaires, aux carabinieri, et aux collectivités.
Le problème est surtout souligné dans la Province d’Alessandria, dans quelques communes surtout. Dans cette province des problèmes avaient été signalés l’été 2007 sur des cultures de Tournesol. Au mois de septembre, le syndicat signalait dans la même région une forte pression du parasite Varroa. Des résultats portant sur 41 échantillons d’abeilles retrouvées mortes, ont montré que 17 échantillons contenaient des néo-cotinoïdes, la famille d’insecticides particulièrement incriminée par les apiculteurs.
En Allemagne des problèmes ont eu lieu au moment du semis de maïs dans le land de Bade Wurtemberg. Les problèmes ne sont pas seulement dus à la présence d’insecticide Cruiser seul, mais à la présence sur les graines enrobées, d’un ensemble de principes actifs permettant de lutter contre plusieurs espèces nuisibles. La dissémination de produits insecticides mal enrobés, aurait entrainé l’absorption de molécules par un grand nombre de ruchers, en particulier dans l’arrondissement d’Ortenau, à la latitude de Strasbourg.
Le Bundesamt für Verbraucherschutz und Lebensmittelsicherheit (BVL), ministère fédéral allemand compétent ( Office Fédéral pour la Protection des Consommateurs et la sécurité Alimentaire) , a décidé de suspendre l’autorisation de plusieurs produits comme l’imidaclopride le thiamethoxam, la chlothianidine. La revue de l’UNAF, « Abeilles et Fleurs » publie plusieurs articles sur le sujet, dont des articles traduits de la presse allemande.
En Slovénie après des problèmes seraient survenus selon le site de l’organisation italienne d’apiculture, lors de semis de maïs. Le gouvernement de Ljubljana a décidé l’interdiction du Poncho, du Gaucho, de Bayer et du cruiser de Syngenta.
Vigilance accrue sur les qualités des semences
En France, la pression du monde apicole et de défenseurs de l’environnement a poussé le Ministère de l’Agriculture , Syngenta et les semenciers à redoubler de vigilance . L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) avait été saisie début septembre 2007 pour évaluer le PONCHO et le CRUISER.
Ces préparations autorisées en Allemagne et utilisés en traitement de semences de maïs, contiennent des substances actives autorisées au niveau communautaire. L’AFSSA a donné un avis défavorable pour le PONCHO, et un avis favorable pour le CRUISER. Ce dernier avis a été assorti de mesures de précaution sur son utilisation. Les conditions de précaution maximales, prévoit une autorisation limitée à 1 an suivie d’une nouvelle évaluation. Elle prévoit une limitation de la période avant le 15 mai afin de réduire la période de floraison. Elle prévoit enfin une utilisation seulement sur le mais ensilage ( destiné à l’alimentation du bétail) , sur le mais grain et le mais porte-graine femelle. Par manque de données, pour le Mais doux et le mais porte-graine mâle l’AFSSA recommande de maintenir une distance de 3 km entre les ruches et les parcelles traitées. Compte tenu de la difficulté de mise en œuvre concrète de cette mesure et de son contrôle le gouvernement a choisi de ne pas autoriser cet usage . Michel Barnier, Ministre de l’agriculture et de la Pêche, a imposé la mise en place d’un suivi et d’une surveillance des ruchers portant sur 3 régions minimum, dont Rhône-Alpes.
Critiques des associations
Plusieurs associations ont critiqué les insuffisances de la procédure : absence de ruches de l’administration, la localisation tenue secrète des parcelles ensemencées de maïs traité au CRUISER. L’ information devait être fournie par les vendeurs de semences, mais ces derniers ignorent la localisation des parcelles semées . Les pouvoirs publics craignent des opérations commandos contre les cultures ” Cruiser”.
Des associations ont critiqué la méthode de prélèvement des poussières lors des semis. Les associations ont demandé au Ministère de l’Agriculture, après l’interdiction décidée en Allemagne, prendre la même mesure (1)
Qualité des semences enrobées
L’efficacité de la molécule étant prise en compte, il faut que toutes les opérations soient bien menées. Il faut que l’enrobage des semences soit bien effectué. Il faut que l’agriculteur dispose de graines bien enrobées et que les semis soient bien effectués. André Fougeroux, du service communication de SYNGENTA explique que l’entreprise a mis en place un contrôle sur la production de semences enrobées par des semenciers. Une norme française a été établie qui prévoit que les échantillons ne doivent pas contenir plus de 4 grammes de poussières contenant du produits actif pour 100 kilos de semences. Des prélèvements ont été réalisés. Quelques lots seulement ont été écartés.
Les semis ont eu lieu en France jusqu’au 15 mai. Ils ont concerné environ 200 000 hectares de maïs , essentiellement dans le grand sud Ouest. En Rhône-Alpes, des surfaces ont été emblavées en maïs dans la Drôme, l’Isère, le Rhône, l’Ain, et c’est dans ce dernier département que le Service Régional de Protection des Végétaux ( SRPV), de la Direction régionale de l’Agriculture, a mis en place un système de surveillance qu’Enviscope a évoqué par ailleurs.
1) Les associations qui ont demandé l’interdiction sont les suivantes:( Agir pour l’environnement – Les Amis de la Terre – MDRGF (Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures ) -Nature et Progrès Commission apicole de la confédération paysanne – – FNOSAD (Fédération Nationale des Organisations Apicoles Départementales) – SAPB (Syndicat des Apiculteurs Professionnels de Bretagne) – SAPCO (Syndicat des Apiculteurs Professionnels du Centre et de l ‘ Ouest) – SAPP (Syndicat des Apiculteurs Professionnels de Provence) – SAPRA (Syndicat des Apiculteurs Professionnels de Rhône -Alpes) –- SNA (Syndicat National d ‘ Apiculture) – UNAF (Union Nationale de l’Apiculture).
Pour en savoir plus:
Site du Ministère de l’Agriculture: www.agriculture.gouv.fr
Site de Syngenta: www.syngenta.fr
Site de l’AFSSA: http://www.afssa.fr/
Site de syndicats apicoles: www.unaf-apiculture.info ou http://www.spmf.fr/