La conférence sur la gestion des effluents non domestiques organisée par le Graie et la FNCCR en octobre a permis aux collectivités de faire remonter leurs inquiétudes quant au projet de décret « socle commun », qui pourrait menacer la valorisation agronomique des boues de stations d’assainissement, principalement réalisée par épandage.
Le Graie et la FNCCR ont organisé les 18 et 19 octobre à Lyon leur douzième conférence sur la gestion des effluents non domestiques (END) qui a rassemblé 150 personnes, majoritairement originaires de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, mais aussi de Bourgogne-Franche-Comté, du bassin méditerranéen, de Paris et d’ailleurs. Ces journées ont été l’occasion d’évoquer les inquiétudes persistantes autour du projet de décret ‟socle commun”.
Issu de la loi anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020, ce futur décret vise à mettre sur un pied d’égalité toutes les matières fertilisantes et supports de culture (MFSC), en fixant des critères de qualité agronomique et d’innocuité, « afin de s’assurer que leur mise sur le marché et leur utilisation ne portent pas atteinte à la santé et à l’environnement ».
Ce texte est très important pour les professionnels de l’assainissement puisqu’environ 70 % des boues d’épuration produites en France sont épandues… Mais inversement, les boues ne représentent que 3 % des matières fertilisantes d’origine résiduaire, d’où la crainte d’un texte dans lequel l’assainissement pèserait peu et qui ne tiendrait pas compte des spécificités de cette filière.
Comme souligné par Franco Novelli (FNCCR), ce projet de décret suscite de vives inquiétudes de la part des collectivités. Suivant l’avis de l’Anses, il pourrait en effet abaisser sensiblement les seuils d’innocuité de certains paramètres, comme par exemple la teneur maximale en cadmium qui pourrait passer de 5 à 1 mg/kg de matière sèche, rendant non conformes une partie importante des boues d’épuration. Il pourrait aussi introduire de nouveaux paramètres de contrôle, comme le chrome hexavalent, ou imposer des bioessais, pour lesquels on ne dispose pas du recul suffisant.
Améliorer la qualité des boues
Enfin, les collectivités craignent de manquer de temps pour s’adapter, si le délai d’application est trop contraint. Il leur faudra en effet améliorer la qualité des boues, trouver des filières de traitement alternatives pour celles qui seraient non conformes, ce qui nécessite du temps, des changements de pratiques et éventuellement des investisements et une adaptation des budgets. Le Ministère semble avoir entendu au moins en partie ces inquiétudes, puisque le texte qui devait paraître et s’appliquer dès le 1er juillet 2021 est toujours en préparation.
Dans tous les cas, ce décret et la possible révision de la directive européenne sur les boues d’épuration impliquent nécessairement une montée en gamme des boues, sous peine de devoir les incinérer et voir partir en fumée des milliers de tonnes de nutriments fertilisants, alors que les ressources minières de phosphore se raréfient. Une montée en gamme qui passera avant tout par une réduction des pollutions à la source, notamment sur les rejets non domestiques.
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