Les sociétés sont de plus en plus complexes, et de plus en plus difficiles à piloter. Comment organiser le pouvoir pour que l’intérêt général soit bien la priorité et pour que tous les citoyens participe aux choix ? La première des huit controverses organisées par la Région Rhône-Alpes proposait d’aborder ce mardi 1er juillet, lors d’une rencontre organisée à l’Université Lyon 3 Jean Moulin, le thème « démocratie participative : mythe ou réalité ?”
François Auguste, vice-président du Conseil régional délégué à la démocratie participative a posé le débat. Il a parlé de la « crise profonde de la représentation politique, mais aussi syndicale, et associative» Il a expliqué que pour lui, la démocratie participative n’était « ni un contrepouvoir, ni une alternative ou un substitut de la démocratie représentative mais la participation des citoyens au politique, du local au mondial. C’est le partage du pouvoir»
Plusieurs démarches
Loïc Blondiaux, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille, a tracé plusieurs types de démocratie participative. « Il y a une vision manageriale, qui consiste à écouter pour mieux faire accepter des décisions. Il y a une vision pédagogique, qui consiste à éduquer. Il y a une vision politique, qui vise à promouvoir une plus grande égalité dans une société inégalitaire, et il y a une vision émancipatrice. Il existe deux projets, une démarche qui vise à renforcer la démocratie qui vit mal si les citoyens ne s’engagent pas, un autre projet qui consiste à mettre en place une démocratie délibérative, pour obtenir des décisions plus acceptées, plus rationnelles comme le propose Jurgen Habermas» a expliqué le chercheur.
Pas seulement l’élection
Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France, et à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales ( EHESS) a évoqué lui, l’apparition de l’idée de “participatory democracy”, aux Etats-Unis dans les années cinquante, en réaction au fonctionnement routinier d’un système partagé entre deux partis dominants. La démocratie participative réintroduit le citoyen dans la décision.
« Cela conduit à redéfinir la démocratie. Il n’y a pas que l’élection, il y a beaucoup d’autres moments. La démocratie aujourd’hui se complique, se décentralise, a un besoin d’expression, de réaction à ce que fait le pouvoir» explique Pierre Rosanvallon.
Par ailleurs, l’idéal d’identification du citoyen avec celui qui le représente ne peut plus fonctionner, et une distance s’est instaurée, le citoyen exprimant une demande de contrôle, de prise de parole, de vigilance.
Eviter certains écueils
Une démocratie participative doit veiller à ne pas se heurter à certains écueils. Pierre Rosanvallon met en garde contre les « superparticipants », des quasi-permanents de la participation qui risquent de reproduire les défauts dénoncés de la démocratie représentative.
Loïc Blondiaux, tout en soulignant l’intérêt de démarches participatives en Amérique du Sud, souligne que ces démarches sont souvent très « encadrées » et inspirées d’en haut.
Pierre Rosanvallon incite à être vigilant contre ceux qui au nom de la démocratie, se présentent comme le peuple et veulent balayer la « racaille parlementaire ». La démocratie participative peut aussi mener au totalitarisme…
Des techniques à améliorer
La rencontre a permis aux deux intervenants, pas forcément en opposition, d’expliquer qu’existent déjà des outils de démocratie participative : conseils de quartiers, Commission Nationale du Débat public, enquêtes publiques. D’autres techniques peuvent être mises en œuvre , revigorées, perfectionnées, simplement appliquées, inventées: conférence de citoyens, budgets participatifs, référendum d’initiative locale, sans aller jusqu’à des jurys « jugeant » les élus. On peut même imaginer des groupes de citoyens tirés au sort, invités à s’investir dans l’étude d’une question, la préparation d’une décision. L’idée a été évoquée d’une commission du débat public régionale.
La démocratie, représentative, délibérative, participative, suppose un échange d’informations entre « pouvoirs » et citoyens. La rencontre a souligné d’une part le besoin de prise de parole, d’autre part le besoin d’explication. Le rôle de la presse a été souligné, en regrettant la régression de son rôle, et la recherche de nouveaux médias. La question du rôle d’Internet est posée : comment faire circuler l’information, permettre l’expression sans créer de simples vagues d’audience ou d’opinion. Pierre Rosanvallon, a estimé, ce fut quasiment la conclusion, que la démocratie vis certes une participation de tous au pouvoir, elle vise aussi à créer un monde commun »
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