Pour Elisabeth Le Gac, secrétaire générale de l’Union régionale interprofessionnelle CFDT ( Confédération française démocratique du Travail) Auvergne-Rhône-Alpes , les syndicats de salariés ont toute leur place dans l’élaboration des stratégies pour l’énergie, l’industrie, la mobilité et l’aménagement du territoire.
Alors que de nombreuses associations sont très actives dans la sphère de l’environnement sans avoir souvent une vision globale, sans avoir en particulier de vision économique et sociale, les syndicats ne sont-ils pas trop peu audibles sur les dossiers de l’environnement et de l’énergie ?
Elisabeth Le Gac: Les syndicats, en particulier la CFDT sont très investis et parfois en priorité, et c’est normal, sur le champ social, en particulier dans une période ou les formes de travail évoluent rapidement dans tous les secteurs professionnels, quelle que soit la taille de l’entreprise, et quelque soient les formes d’emplois. Nous sommes présents dans tous les secteurs économiques en Auvergne Rhône Alpes, (l’énergie, la chimie, le transport, l’industrie en général, de même que dans les secteurs tertiaires, touristiques et le bâtiment) mais nous n’avons pas forcément eu les moyens notamment humains d’une présence active dans ces domaines, au niveau des médias, donc nous manquons de visibilité sur nos actions.
Quelles sont les positions de la CFDT dans le secteur énergétique ?
Le solaire a été victime d’un phénomène de bulle, auquel il fallait mettre fin et mais l’Etat ou le Conseil régional ont manqué de réflexion industrielle. Or les syndicats ont des propositions à faire sur le plan industriel. Pour les énergies renouvelables, la CFDT est évidemment favorable à leur développement , surtout dans la mesure où ces énergies entrainent des filières industrielle et donc un développement économique.
Nous voyons bien l’intérêt des investisseurs, de grands groupes comme d’investisseurs de plus petite taille, pour ces énergies, pour l’éolien comme pour le solaire, mais ces investisseurs ne cherchent qu’à produire de ‘l’électricité et à la vendre. C’est un point positif mais insuffisant car ils ne s’intéressent pas à l’amont à la dimension industrielle, c’est pourquoi nos entreprises du secteur solaire ne sont pas développées, malgré l’existence de l’Institut national de l’Energie solaire. Certes la concurrence asiatique est rude pour le solaire photovoltaïque, mais les coopérations techniques et industrielles ont manqué au niveau national comme au niveau européen. C’est le cas aussi pour le solaire thermique développé par Clipsol qui a failli fermer, a été racheté par ENGIE, dont on peut s’interroger sur sa volonté de développer le solaire thermique. Le solaire photovoltaïque lancé par Bosch, a été finalement repris par une entreprise italienne. Photowatt a été repris par EDF, et dispose d’un potentiel, mais tous ces industriels se sont pas capables de mettre en place des coopérations et les acheteurs recourent majoritairement à des panneaux fabriqués en Chine ou en Turquie.
Quelles énergies développer en Auvergne Rhône-Alpes ?
La CFDT a une réflexion nuancée vis-à-vis du nucléaire qui comprend des risques sécurité en étant une énergie non carbonée, un secteur dans lequel nous avons des organisations, et nous proposons que cette filière puisse représenter encore 60% du mix électrique en 2030.
Il faut développer l’énergie hydraulique, qui représente plus de 40% de la production de l’énergie hydroélectrique de France. C’est la première énergie renouvelable qui a une capacité de modulation. La question énergétique est essentielle, y compris pour l’industrie c’est le cas par exemple de l’aluminium et de la production en Maurienne, à partir d’une énergie non carbonée.
Le secteur de la chimie est souvent fortement critiqué par les associations mais les syndicats y sont implantés
Elisabeth Le Gac : Pour le secteur de la chimie, Auvergne Rhône alpes est la première région française. La CFDT est implantée dans ces entreprises, et nos adhérents comme les salariés ne peuvent être considérés comme participant à ces activités d’une manière irresponsable. Les travailleurs sont non seulement les premiers exposés, mais aussi ils participent d’une manière responsable à la mise au point de produits. Le secteur de l’industrie chimique est fondamental pour notre région avec comme clé de voute la raffinerie de Feyzin, est c’est un secteur dans lequel les entreprises sont justement très étroitement imbriquées, les productions ou le sous produits des unes, étant utilisés par d’autres. Le secteur de la chimie évolue vers ce qu’on appelle la chimie verte, c’est évidemment ce que la CFDT soutient.
Pour ce qui est de l’agrochimie, il faut reconnaitre la nécessité d’un changement du monde agricole, qui doit moins recourir à des molécules qui peuvent être dangereuses et développer davantage l’agriculture biologique ou au moins raisonnée.
La CFDT a-t-elle une analyse sur le développement de certaines nouvelles technologies.
Pour les nanotechnologies, par exemple, on peut dire que le débat a été préempté d’une manière anormale par des opposants systématiques, qui ont empêché la débat national aille jusqu’au au bout. Nous nous retrouvons donc aujourd’hui avec des technologies qui se développent sans cadre suffisant sur le plan réglementaire et sans que la société ait pu débattre, ce qui peut exposer des salariés, comme des consommateurs à des substances qui n’ont pas été suffisamment évaluées. La CFDT porte des réflexions sociales et sociétales et agit dans les entreprises sur les questions de santé pour les travailleurs.
L’avenir de la production est dans l’écologie industrielle ?
Les activités de production, l’industrie, sont essentielles. Nous devons aller plus loin dans le développement d’une écologie industrielle, qui fasse que les entreprises entretiennent entre elles des liens, au niveau de besoins de matières premières, de produits, de sous produits. Il faut aussi penser l’aménagement de territoire, pour que chaque territoire puisse se développer, en fonction de ses potentialités. Nous devons travailler à des CV de sites, voire de territoire.
D’où une certaine conception de l’aménagement du territoire ?
Nous ne croyons pas du tout à la théorie du ruissellement selon la quelle la richesse s’écoulerait mécaniquement des métropoles vers les autres territoires. La richesse de la Métropole de Lyon ne bénéficie pas forcément loin de là à tous les autres territoires. Nous pensons qu’il faut une vision de l’aménagement des territoires et de leur égalité ce qui veut dire d’égalité entre les habitants de ces territoires.
D’où la position de la CFDT sur le futur Schéma régional aménagement de développement durable et d’égalité des territoires, SRADDET , que est en cours d’élaboration et sera adopté par la Région en 2019. Nous entendons bien être consultés par la Région comme s’y est engagé Laurent Wauquiez, lors d’une rencontre commune récente avec les organisations syndicales .
Les territoires peuvent s’appuyer sur la production d’énergie renouvelables. Il est nécessaire de faire évoluer la mobilité, avec des moyens comme le co-voiturage, l’autopartage. Il faut aussi faire évoluer les lieux de travail à l’aide des technologies numériques. Le numérique prend de plus en plus d’importance dans toutes les activités. Le travail à distance est donc possible. Mais le télétravail ne peut se réduire , loin de là, au travail à domicile qui pose toutes sortes de problèmes.
Il faut au contraire créer des lieux de co-travail, décentralisés, où les travailleurs ont à leur disposition des outils , où se créent les liens d’un collectif de travail. C’est pourquoi nous avons des liens avec l’association la Cordée qui développe ce type de lieux dans la région, des lieux qui doivent être inclus dans les réflexions sur le développement régional.