La Cour administrative d’Appel de Lyon a annulé hier en partie, le permis de construire d’une ferme éolienne projetée sur la Commune de Freycenet la Tour ( Haute Loire). La cour rejetant de nombreux arguments des réquérants, s’est appuyée sur deux points principaux. Deux constructions encore habitables sont situées dans un rayon inférieur à 500 mètres de deux des huit machines projetées. L’étude d’impact sonore n’avait pas été réalisée pour ces habitations et la prise en compte du risque d’accident provoqué par le bris de pale n’avait pas non plus retenu.
L’histoire est la suivante. Le 19 novembre 2004, le Préfet de la Haute Loire accorde à SIIF Energies France des permis pour la construction de cinq éoliennes sur le territoire de Freycenet-la-Tour et trois sur celui de Moudeyres.Des particuliers,la SARL Le Pré Bossu, et l’association Oustaou Vellavi, de Vals Près Le Puy (Haute Loire) engagent une action auprès du Tribunal administratif de Clermont Ferrand pour obtenir l’annulation des permis. Le tribunal rejette ces demandes le 19 septembre 2006. MaisFrançois Lecoustre, le particulier, la SARL et OUSTAOU VELLAVI attaquentl’arrêt devant la Cour de Lyon.
Dossier complexe. Les magistrats se sont rendus sur place en mai 2007. Ils ont donc pu analyser de près le dossier, et repousser plusieurs arguments des requérants. Pour la cour, il n’est pas démontré que le public n’a pas été suffisamment informé. L’étude d’impact pour les bâtiment situés à plus de 500 mètres a été réalisée. Deux mille trois cent cinquante personnes ont bien été consultées lors de l’enquête publique.Le fait que la puissance des éoliennes en construction serait légèrement supérieure à celle prévue est sans incidence sur la régularité de la procédure.
Pas d’atteinte à l’environnement
La Cour ne retient pas le fait que les permis ont été attribués à SIIF, à laquelle s’est substitué EDF en reprenant la société. Les juges estiment que l’opération ne peut être assimilée à une opération d’urbanisation mitant le paysage. La cour écarte aussi des arguments d’ordre écologique. Pour elle, il ne ressort pas du dossier que la présence d’éoliennes aurait des effets néfastes sur la ZNIEFF ( Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Floristique et Faunistique) de type 2 et la zone Natura 2000 dans lesquelles elles sont prévues. L’implantation d’éoliennes ne modifierait pas les écoulements d’eau, n’aurait pas de conséquences sur les prairies hygrophiles et tourbeuses, ni sur l’étang de Barthes. De même, les éoliennes n’auraient pas d’impact sur l’avifaune.
A moins de 400 mètres des éoliennes
En revanche, la Cour a retenu deux points essentiels à ses yeux. Elle note que l’étude sonore n’a pas inclus certaines constructions : « Il apparaît que l’exposition aux nuisances sonores des bâtiments distants de moins de 500 m de ces éoliennes n’a fait l’objet d’aucune analyse ; que l’environnement sonore de la ferme d’Ussel, qui a toujours vocation à l’habitation, n’a ainsi pas été examiné alors que les éoliennes n° 2 et n° 3 en sont éloignées de moins de 400 m ; que par suite, en tant qu’elle porte sur les éoliennes n° 2 et n° 3, l’étude d’impact, qui ne satisfait pas aux conditions posées par les dispositions réglementaires précitées, est entachée d’irrégularité”.
Risque de bris de pales
Le cour retient ensuite « que compte tenu des risques d’accident, même limités, présentés par les éoliennes, en particulier de rupture du mât et de détachement de tout ou partie de la pale, il n’apparaît pas avec certitude que la distance d’éloignement minimale d’environ 200 mètres des constructions existantes préconisée par une étude récente sur laquelle se fonde la société défenderesse pour justifier son projet serait en soi suffisante pour assurer la sécurité des personnes ou des biens ».
Or, « il ressort (… …)qu’à une distance d’environ 285 m de l’éolienne n°3, en contrebas, se trouve la ferme d’Ussel qui, étant aménagée, a conservé sa vocation d’habitation. Compte tenu des risques d’accident décrits ci-dessus, qu’ils comportent un danger pour les personnes ou pour les biens, l’emplacement retenu pour l’installation d’une machine de l’importance de ces éoliennes ne permet pas, du fait de sa proximité avec le bâtiment ci-dessus et de la topographie des lieux avoisinants, alors même que cette construction ne serait pas sous les vents dominants, de satisfaire aux exigences de sécurité publique“.
Au final, les juges ont estimé que le permis de construire ne pouvait être annulé dans son ensemble, mais pouvait être découpé. Les éoliennes n° 2 et n° 3 sont des ouvrages distincts des trois autres éoliennes dont la construction a été autorisée Les dispositions de ce permis applicables aux dites éoliennes sont divisibles des autres dispositions de ce même permis.
Paysage :
Le Préfet n’a pas fait d’erreur.
La Cour, dans son jugement, a examiné l’aspect paysager de la demande d’annulation des réquérants. Or, les magistrats ont estimé que le Préfet de Haute Loire n’avait pas fait d’erreur. Les juges ont rappelé l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme: « Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales.»
Or, le site d’implantation suit un axe s’étirant sur environ 3 km dans le sens nord ouest- sud est, sur le plateau du Mezenc, à une altitude moyenne de 1 200 m. Il s’inscrit dans un paysage largement ouvert et de très grande qualité. Le nord se caractérise notamment par la présence des monts du Mounier et de la Tortue, qui culminent respectivement à 1 407 m et 1 327 m, et des monts du Meygal, dont le Testavoyre, qui culmine à 1 436 m. Le sud s’ouvre sur le plateau du Mezenc, comprenant en particulier le Mont d’Alambre et le massif du Mezenc, situé à environ 8 km et culmine à près de 1 750 m.
Incontestablement , admettent les juges, la présence d’éoliennes modifiera l’aspect de ces paysages. Toutefois, « les distances et la topographie des lieux combinées avec une géographie largement ouverte atténuent la perception des éoliennes dans ces paysages ou depuis ces derniers, qu’ils soient proches ou plus lointains, comme le Mont du Mezenc». « Il n’apparaît pas en outre que le site serait directement visible depuis des monuments historiques classés ou inscrits, notamment l’église de Freycenet-la-Tour ou la ferme « Perrel».
Dans ces conditions, « eu égard à la disposition ainsi qu’au nombre limité des éoliennes en litige et, compte tenu du projet de parc éolien à Saint Front, Champclause et Montusclat, l’appréciation à laquelle s’est livré le préfet de la Haute-Loire pour accorder les permis contestés n’est pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, entachée d’une erreur »