Une opération mondiale de lutte contre les infractions liées aux trafics illégaux d’espèces sauvages et de bois, coordonnée depuis Lyon par Interpol et l’Organisation mondiale des douanes (OMD), a permis de démanteler des réseaux criminels et de procéder à des centaines d’arrestations dans le monde entier.

Sous le nom de code Thunder 2021, cette opération d’un mois (du 1^er au 31 octobre) a mobilisé les douanes, la police, les cellules de renseignement financier et les services chargés de l’application des lois sur la faune et la flore sauvages et la foresterie de 118 pays, soit le plus grand nombre de pays participants depuis le lancement de cette opération annuelle en 2017.

Des milliers de voitures, camions et cargos soupçonnés de transporter des espèces animales et du bois protégés ont été fouillés sur des points de contrôle dans le monde entier, souvent avec des chiens renifleurs spécialisés et des scanners à rayons X.

Les fouilles ciblaient les spécimens inscrits sur la liste de la Cites faisant l’objet d’un commerce illégal, qu’il s’agisse de bois, de grands félins, primates, reptiles ou encore d’oiseaux vivants, ainsi que les produits dérivés tels que les vêtements, les produits de beauté, les denrées alimentaires, les médicaments traditionnels et l’artisanat.

La Cites est la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, un accord international visant à garantir que le commerce des animaux et des plantes sauvages ne menace pas leur survie. Le commerce réalisé en violation de la Cites est illégal.

La criminalité environnementale a un impact direct sur le changement climatique, nuit aux moyens de subsistance de millions de personnes, entraîne des migrations forcées et peut déclencher la propagation de virus de l’animal à l’homme (zoonoses).

Cibler les réseaux criminels

Bien que les résultats ne soient pas encore définitifs, l’opération Thunder 2021 a permis jusqu’à présent de réaliser plus de 1 000 saisies et d’identifier quelque 300 suspects, ce qui a donné lieu à l’échelle mondiale à des arrestations et à des enquêtes liées au commerce, à la transformation, à l’exportation et à l’importation illicites d’espèces sauvages et de produits forestiers inscrits à la Cites. D’autres arrestations et poursuites sont prévues à l’échelle mondiale au fur et à mesure que les enquêtes progressent.

« Les réseaux de criminalité organisée génèrent chaque année des milliards de dollars de profits illicites, au détriment de notre environnement et avec pour conséquences de la fraude, de la corruption et de la violence, a déclaré le secrétaire général d’Interpol, Jürgen Stock. Nous assistons à la mondialisation continue de la criminalité, ce qui signifie que seule une réponse internationale peut être efficace, comme le démontre cette dernière opération Thunder. Chacun de nos 195 pays membres a un rôle à jouer dans la lutte contre cette menace, que ce soit directement ou dans le cadre des enquêtes de suivi ».

Le total des saisies mondiales signalées à ce jour comprend :

• 478 kg de pièces d’ivoire et 487 kg de produits dérivés de l’ivoire.
• 75 parties de grands félins, 29 grands félins vivants
• 856 kg d’écailles de pangolin
• 531 tortues de mer et tortues terrestres
• 171 oiseaux
• 336 reptiles
• 4 843 kg de produits marins, dont des coraux
• 75 320 kg de bois, dont 313 m³ de bois de rose
• 1,4 million d’articles dérivés de plantes

« Les criminels se livrant au trafic d’espèces menacées d’extinction empruntent les mêmes itinéraires que pour le trafic d’autres marchandises illicites, les frontières constituent de ce fait des emplacements stratégiques pour les douanes en vue de l’interceptiondles produits inscrits à la Cites faisant l’objet d’un commerce illégal, souligne le Secrétaire général de l’OMD, Kunio Mikuriya. Les opérations transfrontalières à grande échelle telles que l’opération Thunder 2021 illustrent les avantages et l’impact de la coopération mondiale en matière d’application de la loi pour dissuader la criminalité liée aux espèces sauvages, mettre ses auteurs derrière les barreaux et sensibiliser le public à ses effets dévastateurs ».

Principales saisies

Parmi les principales saisies effectuées, les autorités sud-africaines ont saisi 460 kg d’ormeaux destinés à la Chine à la frontière avec le Mozambique. Ces mollusques sont à un niveau critique en raison de la surexploitation. Les autorités du Myanmar ont quant à elles effectué 13 saisies dans l’ensemble du pays, pour un total de 68 tonnes d’espèces de bois dur soumises à des restrictions et menacées. De leur côté, les autorités polonaises ont intercepté 29 cargaisons de caviar illégal, dont un lot évalué à 10 000 dollars US, alors que le commerce international de toutes les espèces d’esturgeons est réglementé par la Cites. Dans le cadre de l’une des plus importantes saisies de produits végétaux de l’opération, les forces frontalières britanniques de Felixstowe ont pour leur part saisi dans un conteneur maritime 1,3 million de comprimés contenant la plante Saussurea Costus inscrite à la Cites. La Guardia Civil espagnole a saisi plus de 250 articles protégés par la Cites pour une valeur de 250 000 euros, dont des tortues, des perroquets, des marchandises à base d’ivoire et du bois. Les autorités nicaraguayennes ont saisi 657 m³ de bois de rose à destination de la Chine et les autorités de Hong Kong (Chine) ont saisi 3,2 tonnes de bois de santal rouge en provenance des Émirats Arabes Unis. Enfin, les autorités néerlandaises ont intercepté 145 serpents et autres reptiles dans des bagages à l’aéroport international de Schiphol, ainsi que 454 oiseaux vivants, principalement des oiseaux chanteurs africains.

L’opération a aussi permis aux autorités mexicaines d’arrêter trois ressortissants chinois qui faisaient passer en fraude des vessies de Totoaba, des concombres de mer et du corail, ainsi que de la méthamphétamine et de l’argent liquide, démontrant ainsi le lien entre la criminalité liée à la faune sauvage et celle liée à la drogue.

Les tendances identifiées jusqu’à présent sont les suivantes

• l’augmentation des transferts d’argent illégaux pour blanchir les produits de la criminalité liée aux espèces sauvages et au bois,
• l’utilisation de plateformes en ligne pour faciliter le trafic transfrontalier,
• l’augmentation de la fraude aux documents commerciaux et douaniers pour l’exportation, le transit et l’importation,
• l’existence de liens avec d’autres formes graves de criminalité, comme en Namibie, où ont été signalés 14 cas de criminalité liée aux espèces sauvages et au commerce illégal de produits pharmaceutiques, de denrées alimentaires et de pièces détachées de véhicules.

Pour Ivonne Higuero, ssecrétaire générale de la Cites, « le volume des saisies effectuées au cours de l’opération Thunder 2021 prouve la gravité de la menace que représente la criminalité organisée transnationale pour les espèces sauvages et les écosystèmes dans les pays d’aire de répartition, de transit et de destination. Le succès de l’opération contribue fortement à la vision stratégique des Parties à la Cites, et renforce le fait que nous devons travailler ensemble, en combinant différentes compétences, mandats et ressources pour réduire les menaces qui pèsent sur les espèces sauvages et vivre en harmonie avec la nature ».

Des opérations de terrain fondées sur le renseignement

La police et les douanes ont échangé des renseignements sur le trafic d’espèces sauvages et de bois avant l’opération, ce qui a permis aux agents de terrain de cibler des points névralgiques du trafic pendant la phase tactique, en mettant l’accent sur les points de passage des frontières terrestres, maritimes et aéroportuaires ainsi que sur les parcs naturels. Des criminels connus, notamment des fugitifs faisant l’objet d’une notice rouge Interpol, ont été identifiés en amont des opérations, ainsi que des entreprises utilisées pour faciliter la criminalité liée aux espèces sauvages et au bois.

Depuis leur première édition en 2017, les opérations Thunder ont donné lieu à quelque 8 000 saisies d’espèces sauvages et forestières protégées et à l’arrestation de plus de 3 000 délinquants. Coordonnées conjointement par l’OMD et Interpol, avec le soutien du Secrétariat de la Cites et du Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC), ces opérations sont financées par le service des partenariats internationaux de la Commission européenne et le ministère britannique de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales (Defra).

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