Posséder un odorat développé n’est pas inné, mais cette capacité peut être développée par l’entrainement. C’est ce que montrent Jane Plailly, Jean-Pierre Royet chercheurs au laboratoire Neurosciences Sensorielles Comportement Cognition (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) et Chantal Delon-Martin, chercheur à l’Institut des Neurosciences de Grenoble (Inserm/Université Joseph Fourier).
L’imagerie mentale olfactive est un exercice beaucoup plus difficile que l’imagerie mentale visuelle ou auditive. La majorité des individus estime ne pas pouvoir imaginer des odeurs alors que des parfumeurs, experts en olfaction habitués à sentir, évaluer et créer des odeurs, soutiennent être capables de sentir une odeur alors même que cette odeur est absente.
Pour expliquer le phénomène les chercheurs ont comparé en Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRMf) l’organisation spatiale des activations cérébrales chez des professionnels expérimentés et chez des étudiants en formation. Ils ont étudié des étudiants de l’école de parfumerie de Versailles (ISIPCA) et des parfumeurs professionnels, une population rare ( 500 professionnels dans le monde et 120 à l’échelle de la France et de la Suisse).
Placés dans un scanner, les sujets devaient imaginer mentalement l’odeur de substances odorantes dont le nom chimique apparaissait à l’écran. Les résultats montrent que l’imagerie mentale olfactive active le cortex olfactif primaire (cortex piriforme) chez les experts des deux groupes, une zone cérébrale d’ordinaire stimulée lors de la perception. Ceci prouve que des aires semblables sont activées pendant la perception mais aussi pendant l’imagination d’odeurs. L’imagerie mentale olfactive procède donc de la même façon que l’imagerie mentale visuelle ou auditive, par réactivation d’images olfactives via un processus cognitif interne. Le cerveau qui génère cette sensation et non en réponse à une odeur. Ces travaux sont publiés le 8 mars 2011 sur le site de la revue Human Brain Mapping.
L’expérience fournit un autre enseignement. Chez les parfumeurs, l’entraînement olfactif intensif influence le niveau d’activation du réseau neuronal impliqué dans l’imagerie mentale des odeurs. Or, plus le niveau d’expertise est grand, plus l’activité des régions olfactives et mnésiques (hippocampe) diminue. Ainsi, quand le cerveau est entraîné, la « communication » au niveau neuronal se fait beaucoup mieux, de façon plus rapide et efficace, et le message est plus spécifique, entraînant une réduction de l’activation. Ce résultat démontre que l’imagerie mentale olfactive se développe avec l’apprentissage au quotidien et ne dépend pas d’une faculté innée.
Dans cette étude, les parfumeurs étaient capables d’imaginer les odeurs rapidement, voire instantanément, tandis que les étudiants présentaient certaines difficultés et devaient concentrer davantage leur attention. En réactivant facilement des représentations mnésiques d’odeurs, les parfumeurs peuvent à loisir comparer et combiner mentalement les senteurs dans le but de créer de nouvelles fragrances. Ces résultats démontrent l’extraordinaire capacité de notre cerveau à s’adapter à la demande environnementale et à se réorganiser avec l’expérience.