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L’avenir est à la ville stationnaire

La croissance urbaine, l’étalement sont une impasse énergétique, écologique, mais aussi social. La Ville stationnaire,  de Philippe Bihouix, Sophie Jeantet, et Clémence De Selva explique dans un manifeste efficace, les raisons nécessaires d’un changement urgent de modèle d’aménagement du territoire.

L’ouvrage  » La ville stationnaire », invite radicalement à remettre en cause une vision de l’aménagement du territoire longtemps présentée et admise comme une évidence : les campagnes doivent se vider au bénéfice des villes, toujours et plus, avec un aveuglement qui ne supporte pas le questionnement.

Les auteurs, iconoclastes, partent de constats et de questions.  En France pourquoi les villes croissentelles ? Pourquoi construiton tant ? « . Il y a bien sûr , pour répondre à la croissance démographique, à l’évolution des modes de vie, des besoins de logements, d’équipements, de surfaces commerciales, etc.. Mais la  population n’est qu’en légère croissance – de l’ordre de 0,3 % par an. Le manque de logements, leur cherté dans les métropoles sans évidemment oublier Paris,, leur difficile accessibilité aux plus modestes, sont régulièrement déplorés, avec un sentiment ou l’impuissance se mêle au fatalisme. »

Pourtant, chaque année, pour chaque habitant supplémentaire sur le territoire de la Métropole, on met en chantier… plus de deux logements ! Ces cinq dernières années,  l’augmentation nette de la population a été d’environ 165 000 personnes par an ( solde naturel plus solde migratoire) , alors que l’augmentation moyenne du parc de logements a été double, environ 350 000 en moyenne.

On construit trop et pas au bon endroit

Si les nouveaux habitants avaient pu se loger et se “répartir” dans l’ensemble des villes et villages de France, il n’aurait fallu que deux ou trois logements par an dans chaque commune ( 35 000 communes en France). Il n’aurait probablement pas été nécessaire de construire du tout pour les accueillir dignement. On sait bien pour parcourir toutes les campagnes que des centaines de milliers de logements sont en train de se détériorer, tombent en ruine.

Des logements pour quoi faire?

Sur les 350 000 nouveaux logements mis en service chaque année,  un peu plus de 50 000 correspondent à des résidences secondaires ou de tourisme. Un peu moins de 50 000 viennent indirectement gonfler le stock des logements vacants. Ce taux de vacance des logements, actuellement d’environ 8,3 % a progressé de 30 % sur les quinze dernières années. Il permettrait de manière tout à fait théorique  de faire face à… quarante ans de croissance démographique

Le jugement est sans appel : «  La France en est arrivée à ce point d’absurdité, laisser tomber en ruine d’un côté,  investir et construire de l’autre : les injonctions de métropolisation, de compétitivité mondiale, d’attractivité et de compétition territoriale, nous ont conduit à l’absurdité. Et les  » solutions »  qui ont accompagné cette urbanisation à marche forcée ne sont que des leurres. La  technologisation numérique promise par les  » smarts city » ne régle rien.

Le modèle stationnaire à redecouvrir

À l’opposé de solutions techniques qui font consensus, la recherche d’une “vraie résilience” impliquerait un processus de réforme profonde des modes de vie, des institutions et de l’économie. Les auteurs évoquent le concept de stationnarité, au sens de John Stuart Mill (1806-1873), un des rares économistes classiques à avoir considéré l’état stationnaire atteignable et positif, une économie libérée de l’injonction
à la croissance, une économie de post-croissance, un état stable faisant suite à un “état progressif”.“

L’état stationnaire, de la population, de la richesse, de l’aménagement, ne sont pas synonymes de régression.  Le ré-aménagement du territoire, une meilleure répartition des populations, des services et des emplois, peuvent tout à fait répondre aux aspirations profondes d’un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens.

Les métropoles ne doivent plus attirer et grandir, mais elles doivent essaimer. Mais le mouvement tarde à venir. Les auteurs invoquent la puissance  publique qui selon eux à toutes les échelles devra favoriser, inciter et accompagner, par son exemplarité, son pouvoir d’entraînement, ses décisions et toutes les mesures possibles (réglementaires, fiscales, etc.), une nouvelle décentralisation, une redistribution progressive de la population et des activités économiques vers les villes moyennes, les bourgs, les villages et les campagnes .

C’est un voeu , mais sans doute un voeu pieu. Il faut bien constater, pour le déplorer, qu’au plus haut sommet de l’Etat parisien,  le modèle métropolitain est encore promu, sans réflexion d’ensemble. sans consultation, sans débats. La ville stationnaire aura du mal à naitre d’un Etat stationnaire…

michel.deprost@enviscope.com

La Ville stationnaire, de Philippe Bihouix, Sophie Jeantet, et Clémence De Selva, Domaine du possible octobre, 2022
14.00 x 19.00 cm 352 pages ISBN : 978-2-330-16873-5 Prix indicatif : 23.00€

Philippe Bihouix a aussi écrit:

  •  Quel futur pour les métaux ? Raréfaction des métaux : un nouveau défi pour la société, avec Benoît de Guillebon, EDP Sciences, 2010.
    -L’Âge des low tech. Vers une civilisation techniquement soutenable, Seuil, 2014 et Points, 2021.
    – Le Désastre de l’école numérique. Plaidoyer pour une école sans écrans, avec Karine Mauvilly, Seuil, 2016 et Points, 2021.
    – Le bonheur était pour demain. Les rêveries d’un ingénieur solitaire, Seuil, 2019 et Points.

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