Le dernier rapport de la Cour des Comptes sur les Lignes à Grande Vitesse évoque peu le projet Lyon Turin. La Cour estime que le projet présenté jusqu’à présent n’a pas de justification économique et financière. La liaison Lyon-Turin ne peut avancer qu’avec un changement de format adapté aux besoins régionaux. Il faut notamment renoncer à la desserte directe de Chambéry.
Le projet Lyon Turin comporte plusieurs parties. Il comprend une ligne mixte voyageurs-fret entre Saint-Jean-de-Maurienne et la frontière franco-italienne avec une partie du tunnel de base . Sur cette partie, la Cour se ne prononce pas. Cette portion du projet fait l’objet d’un accord international entre la France et l’Italie, et les quelque 8 milliards du tunnel de base devraient être financés à hauteur de 40% par l’Europe.
Pour la France le financement serait d’environ 220 millions par an, sur une dizaine d’années. Le tunnel de la Croix Rousse à Lyon a couté environ la même somme, plus de 200 millions. Il est possible que le tunnel de base, même s’il avance plus lentement que prévu, soit achevé avant 2030.
La liaison Lyon Turin s’inscrit dans un programme de RFF qui comprend plusieurs infrastructures, a rappelé l’Aurorité environnementale dans son avis rendu en 2011 008045-01_avis-delibere_ae
Il y a d’abord le Contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL), dans sa partie nord entre Ambérieu et la gare de triage de Sibelin.
Le programme comprend un terminal d’autoroute ferroviaire, à l’est de Lyon, sur le secteur autour de l’aéroport de Lyon-Saint- Exupéry, à Grenay.
Un phasage compliqué et onéreux
Le projet comprend des accès français entre Lyon et le tunnel de base. C’est là que le dossier se complique.
Les accès comprennent trois infrastructures nouvelles:
– une nouvelle ligne à grande vitesse (LGV), dédiée au trafic de voyageurs entre Lyon-Saint-Exupéry et le Sillon alpin.
-Le projet comprend une nouvelle ligne fret entre Lyon et le Sillon alpin (noeud de Laissaud, à proximité de Montmélian, au débouché d’un nouveau tunnel sous Chartreuse), au gabarit d’autoroute ferroviaire (AF), avec des secteurs en jumelage avec la LGV.
– Une ligne mixte voyageurs-fret entre le Sillon alpin (noeud de Laissaud) et Saint-Jean-de-Maurienne, avec de nouveaux tunnels de Belledonne et du Glandon.
Un phasage compliqué et onéreux
Le projet comporte deux étapes. Il prévoit d’abord la réalisation d’une ligne mixte fret-voyageurs entre Lyon et Chambéry avec un raccordement à la gare de Lyon-Saint-Exupéry et au contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL), une ligne mixte de Grenay (Isère) à Avressieux (Savoie).
De là le projet comporte une ligne passant dans un tunnel mixte bi-tube sous les massifs de Dullin et l’Epine et un raccordement à la ligne existante au nord de Chambéry, et des aménagements sur les lignes existantes à Montmélian. Le coût en est estimé à 4,145 milliards d’euros aux conditions économiques de janvier 20097 ;
Il faudrait ensuite réaliser un nouvel itinéraire fret au grand gabarit entre Avressieux et Saint-Jean-de-Maurienne. Il faudrait réaliser des tunnels sous Chartreuse, sous Belledonne et sous le Glandon. Il faudrait réaliser un raccordement à la ligne existante Grenoble-Montmélian au noeud de Laissaud, et la connexion à la partie internationale à Saint-Jean-de-Maurienne. Le coût est estimé à 2,952 milliards d’euros aux conditions économiques de janvier 2009.
Une troisième étape comprendrait un second tube pour les tunnels de Chartreuse, de Belledonne et du Glandon. Une quatrième étape « à très long terme comprendrai la création d’une nouvelle ligne à grande vitesse dédiée aux voyageurs. Le second tube sera indispensable pour respecter les normes européennes de sécurité si l’itinéraire en tunnel est dédié plus tard à une utilisation mixte.
Le phasage est compliqué et l’addition des tunnels onéreuse.
Il semble judicieux de renoncer à la ligne passant par Chambéry via les tunnels sous l’Epine et Dullin. Cette économie réduirait l’impact environnemental et financier.
Cette solution plus économique, est soutenue intellectuellement par des élus de tous bords, de droite comme de gauche. Mais à gauche, on ne veut pas encore mettre en cause une option historique défendue par Louis Besson, ancien maire de Chambéry, ancien ministre de l’Equipement et du Logement. Le fait que Louis Besson s’éloigne des sphères du pouvoirs en Savoie peut débloquer la situation.
A droite, on ne polémique pas. On donne la priorité au financement par la France de sa part du tunnel de base. Mais des accès français redimensionnés, raisonnables sur le plan financier, adaptés aux besoins, en termes de vitesse, de desserte régionale, pourraient être soutenus.
Comme les tunnels suisses, la liaison Transalpine ne pourra aboutir que si elle sort du schéma français de la grande vitesse, pour miser sur la mixité fret-voyageurs et sur des performances suffisantes.
1) Le corridor pan-européen V (routier et ferroviaire) Kiev-Lisbonne auquel l’étude d’impact se réfère a été identifié comme une priorité communautaire lors de plusieurs conférences des ministres européens des transports (Crète, 1994 ; Helsinki, 1997). Cette terminologie a récemment évolué, avec la proposition de la Commission européenne, datant du 19 octobre 2011, d’un nouveau « réseau central de transport » de l’Union européenne. La liaison Lyon-Turin est désormais identifiée comme un des maillons du « corridor méditerranéen », qui comprend également, entre autres maillons, Valence-Barcelone-Perpignan-Montpellier et Milan-Trieste-Ljubljana.