Le réchauffement climatique, l’assèchement de l’air, provoque la fermeture des pores par lesquels les arbres absorbent du carbone. Une recherche menée sur les écosystèmes forestiers à l’EPFL. L’une d’elles a démontré l’importance des effets sur les arbres de la modification de l’humidité relative de l’air due à la hausse des températures. Le texte ci-dessous est réécrit à partir de l’article communiqué par Sarah Perrin, de l’EPFL .
La mortalité des arbres est en augmentation exponentielle, constate Charlotte Grossiord qui dirige le Laboratoire d’écologie végétale (PERL) de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, spécialisé dans l’étude fonctionnement des écosystèmes forestiers et leurs réponses aux changements climatiques. L’une des recherches de cette experte récemment publiée dans le Journal of Applied Ecology, a montré comment la modification du taux d’humidité relatif de l’air due au réchauffement perturbe la transpiration des arbres, mettant beaucoup espèces en danger.
Les forêts recouvrent encore environ 4 milliards d’hectares ( 40 millions de kilomètres carrés) dans le monde, soit près de 31 % de la surface terrestre. Pour sensibiliser sur les rôles essentiels des écosystèmes forestiers et sur la nécessité de les protéger l’Organisation des Nations Unies (ONU) a instauré en 2012, une journée Internationale des Forêts. Cette année, le thème de la Journée est celui de l’importance des forêts pour la santé des êtres vivants. Les forêts sont une source alimentaire vitale pour près d’un milliard de personnes et pour d’innombrables animaux. Les forêts, peu denses en population, servent de barrière naturelle dans la transmission des maladies entre la faune et les êtres humains. Des milliers de plantes y ont une valeur thérapeutique et sont – ou pourraient être à l’avenir – à la base de médicaments, ou d’autres molécules bio-sourcées.
Les surfaces boisées jouent un rôle central dans la lutte contre le changement climatique car on estime qu’elles capturent et contiennent plus de la moitié du carbone émit mondialement dans les sols et la végétation. Elles sont des filtres naturels dans le cycle de l’eau.
Selon l’ONU, dix millions d’hectares, 100 000 kilomètres carrés de forêts, disparaissent chaque année à cause de la déforestation et environ 35 millions sont ravagés par des insectes forestiers. Selon le Global Forest Watch 119 millions d’hectares sont partis en fumée au niveau mondial sur les 20 premières années du 21 ème siècle suite à des incendies de plus en plus fréquents et violents. En plus de ces pertes en superficie, c’est l’état des forêts existantes qui inquiète.
À rude épreuve
« Conséquence directe de sécheresses de plus en plus fréquentes et intenses et d’une augmentation chronique des températures, le mauvais état de santé de nombreux arbres est bien visible », souligne Charlotte Grossiord. Ces conditions entraînent par exemple le jaunissement prématuré des feuilles et l’assèchement des branches ainsi plus vulnérables aux infestations d’insectes. En Europe prolifèrent les les scolytes, qui prolifèrent. Les arbres sont aussi davantage colonisés par des champignons. La spécialiste et son équipe étudient ces phénomènes notamment sur un site de 1.2 hectare, en Valais. Les études comparent l’état des arbres subissant les sécheresses avec celui d’arbres irrigués depuis plus de 20 ans.
L’observation des effets de la modification de l’humidité relative de l’air, engendrée par la hausse des températures est très importante, Cette modification cause des sécheresses atmosphériques qui impactent la transpiration et température des végétaux, et à terme leurs conditions de survie. Plus les températures augmentent, plus l’air peut stocker de l’eau sous forme de vapeur. Or, les sécheresses successives entraînent au contraire une diminution de la quantité d’eau au sein de l’écosystème. L’écart entre ce que l’air pourrait contenir et ce qu’il contient bel et bien, le « déficit de pression de vapeur » tend à augmenter. Ces conditions ressemblent plus à celles des déserts que de forêts tropicales ce qui entraine la dégradation rapide de l’état de nombreux arbres.
La diversité fait la force des forêts
En effet, pour se protéger de la chaleur et des sécheresses, les plantes ferment leurs stomates, minuscules pores présents sur les feuilles permettant les échanges avec l’air, et l’absorption du CO2 dont la plante se nourrit. La capacité de pompage du carbone est réduite, mais l’arbre n’est aussi plus capable de transporter de l’eau dans sa canopée. Il se fragilise, et finit par mourir. « L’exemple de la canicule inédite qui a frappé l’ouest des Etats-Unis et du Canada en été 2021, où des températures ont frôlé les 50 degrés, était parlant : on a pu voir des arbres brunir entièrement en quelques heures à peine. Quand il fait trop chaud, les arbres ne font plus de photosynthèse. Il ne pratique plus que la respiration, c’est-à-dire qu’il rejette du CO2 dans l’atmosphère. »
L’impact de ces processus varie selon les espèces. Les hêtres sont condamnés à disparaître ou à migrer vers le Nord. Les chênes, en revanche, font beaucoup mieux face aux conditions chaudes et sèches. « D’où l’importance de la diversité des essences et de leurs interactions au sein d’une même forêt. Or, les plantations en monoculture sont beaucoup plus vulnérables, car en cas d’aléa météorologique ou de présence de parasites, tous les individus sont similairement touchés.
L’Europe et la Suisse sont touchées, mais il est difficile de quantifier ces phénomènes à l’échelle globale, faute de données. On remarque toutefois que les forêts deviennent globalement plus jeunes, en raison de plantations industrielles – d’eucalyptus par exemple – mais aussi à cause d’événements météorologiques extrêmes, qui éliminent d’abord les vieux arbres, plus sensibles, qui ont la plus grande capacité à stocker du CO2.
Migration assistée
Pour Charlotte Grossiord, aucune action ne sera efficace sans, avant tout, cesser la déforestation, sans prendre soin des forêts et sans réduire nos émissions de carbone, source du problème. « On ne peut pas compter sur la végétation, ni même sur la plantation de nouveaux arbres, pour absorber tout le CO2 que nous allons encore émettre si nous continuons sur cette lancée, car cette capacité va diminuer avec l’évolution des conditions climatiques. De plus, replanter ne remplacera jamais les forêts naturelles, qui sont des écosystèmes complexes, constitués sur des centaines voire milliers d’années. »
Elle se dit toutefois favorable à l’étude d’actions de migration assistée, consistant à importer des espèces résistantes et plus habituées à la chaleur. « Car si, dans 30 ans, les essences formant la canopée actuelle disparaissent sans que d’autres soient remontées du Sud, nous risquons tout simplement de ne plus avoir de forêts. Mais cela doit bien sûr être fait de façon réfléchie et en privilégiant la variété ».
Des arbres pour améliorer le bien-être sur le campus
Pour adapter les espaces extérieurs aux changements climatiques, enrichir la biodiversité et d’augmenter le confort de la communauté EPFL, plusieurs centaines d’arbres et arbustes ont été plantés cet hiver.
Avec ses bâtiments iconiques qui ont poussé sur le campus d’Ecublens au fil des ans, l’EPFL s’est progressivement éloignée de la nature, un sentiment renforcé par la construction en cours et à venir de nouveaux édifices, comme l’ensemble dédié à la RTS à l’est ou l’Advanced Sciences Building (ASB) prévu à l’ouest. Cette densification est aujourd’hui accompagnée d’une réflexion et d’actions concrètes pour ramener du végétal sur les espaces libres. Ce mouvement fait partie des ambitions de la Stratégie Climat et Durabilité de l’EPFL, dont l’un des objectifs est de s’approcher d’un indice de 30% de canopée d’ici 2030.
Entre février et mars 2023, pas moins de 200 arbres de trente essences différentes, 450 arbustes et 30 fruitiers ont été plantés sur le campus sous la direction du groupe Espaces extérieurs de l’unité Durabilité à la Vice-présidence pour la transformation responsable (VPT). Ces plantations s’ajoutent aux 82 arbres en pot déjà installés sur le campus, courant 2022, dans le cadre du projet Campus Piéton, et qui seront plantés ultérieurement, une fois les travaux achevés dans le périmètre concerné. En 2019, pour les 50 ans de l’EPFL, une première série de cinquante arbres avaient en outre déjà fait leur apparition.