Isabelle Delannoy, ingénieure agronome, diplômée de l’ISARA, école d’ingénieurs agronomes à Lyon, développe le modèle d’une économie d’accès, et non d’appropriation, dans laquelle les producteurs restent maitres des produits, et ainsi mieux à même de les collecter, de les ré-employer, de les réparer, de les recycler.
Depuis deux siècles, le développement des sociétés humaines a reposé sur des activités d’extraction des matières premières du sous sol. Les sociétés, la société occidentale la toute première, suivie par d’autres ont extrait toujours davantage de métaux (fer, cuivre, métaux rares) et toujours davantage d’énergie fossiles (charbon, pétrole, gaz) .
Or, rappelle Isabelle Delannoy, si l’humanité croit à un rythme toujours important et potentiellement indéfiniment, les ressources sont limitées par la taille du globe, comme l’ont rappelé en 1972 les auteurs du rapport Meadows. Cette contradiction remet en cause la croissance, et lui impose des limites.
Isabelle Delannoy évoque plusieurs solutions permettant de pallier cette limite des ressources. Le recours à des énergies renouvelables est une solution qui a elle-même des limites, en raison de l’utilisation qu’elle suppose de métaux rares. Ni la voiture électrique, ni l’éolien, ni le numérique ne sont des solutions. De nombreuses solutions en effet notamment peuvent provoquer des effets rebond. En effet , dès qu’une solution » écologique » est trouvée, plus économique en énergie ou en matériaux, la consommation devenue « vertueuse » et promise et vendue comme telle, bondit.
Il faut donc repenser différemment le fonctionnement global. Il convient tout d’abord d’asseoir le développement dans son entier sur des ressources renouvelables, issues du vivant, notamment par exemple de l’agriculture, écrit Isabelle Delannoy, ingénieur agronome de formation. Potentiellement, la bio-économie peut supporter la société symbiotique.
Privilégier l’économie d’usage à l’économie d’appropriation
Il faut ensuite développer des modèles économiques positifs au regard des ressources. Il faut privilégier ainsi, l’économie d’accès, et la préférer à l’économie de l’appropriation. Dans cette dernière, les biens devenus propriété de l’utilisateur sont très difficiles à récupérer, pour être recyclés.
L’économie d’accès suppose que les biens demeurent la propriété des producteurs, qui les mettent à disposition des consommateurs, moyennant une location. Les biens sont ainsi conservés dans un cycle maitrisé par le producteur, plus à même de les récupérer, de réemployer, de reconditionner. Cette boucle permet aussi de mettre en place une éco -onception modulaire, l’innovation pouvant être introduite progressivement dans les objets, sans que ces derniers soient condamnées à devenir des déchets.
Les progrès du numérique, de la fabrication additive, de matériaux composites permettent de répartir la production de biens, au plus près du consommateur et des lieux de production des matières premières. Ces dernières n’ont plus à être extraites dans des conditions sociales et environnementales inadmissibles à l’autre bout de la planète, au prix de l’exploitation d’enfants, de trafics et de guerre des ressources.
Ce fonctionnement suppose la mise en place d’une économie de collaboration, la production de communs, des biens, des actifs qui ne sont pas détenus d’une manière privée, mais co-produits et partagés.
L’Economie symbiotique, Regénérer la planète, l’économie, la société, Isabelle Delannoy, 374 pages, collection Bal, Actes Sud éditeur