Un modèle du fonctionnement global
Un inventaire pour le canton de Genève répertoriant quelque 240 000 arbres dits «isolés», qui ne font pas partie d’une forêt, à l’exemple des arbres des rues et des parcs du domaine public. L’inventaire représente environ 25% des arbres du canton, comprend leur localisation, leur espèce, ainsi que divers paramètres physiologiques, dont la largeur et la hauteur de leur tronc et le diamètre de leur canopée. «Avec autant de données, il était possible de créer des cartes basées sur la «surface de feuilles totale» des arbres et donc, d’estimer leur capacité à filtrer les particules fines», détaille l’ingénieur. En parallèle de cette caractéristique écologique des arbres, Donato Kofel s’intéresse à un autre phénomène: leur contribution à la formation et au dépôt d’ozone, polluant nocif pour la santé et l’environnement.
Les arbres émettent en effet naturellement des Composés organiques volatils biologiques (COVB) dont la production dépend de plusieurs facteurs: l’espèce, la température, l’humidité, la lumière ou d’autres formes de stress, telles que les blessures physiques. Ces COVB peuvent former de l’ozone en réagissant photo-chimiquement avec des composés atmosphériques oxydants émis par des activités humaines. Donato Kofel a pu estimer le potentiel de formation d’ozone des émissions des arbres: «Découvrir que, sous certaines conditions, les arbres n’avaient pas qu’un effet bénéfique sur la qualité de l’air m’a beaucoup intéressé et surpris», note le diplômé.
L’étudiant a donc étudié une vaste littérature axée sur les 51 espèces d’arbres les plus courantes du canton de Genève, afin de leur attribuer des facteurs d’émissions de COVB par heure. Certaines variétés de chêne, le genre le plus répandu dans les rues et parcs du canton, ont des facteurs d’émission de COVB parmi les plus élevés, donc, un haut potentiel de formation d’ozone. Avec une étudiante de l’EPFL, Romana Paganini, et le collaborateur scientifique Ilann Bourgeois, Donato Kofel intègre l’inventaire des arbres isolés dans un modèle en source libre , i-Tree Eco, pour estimer la quantité de particules fines et d’ozone filtrée par les arbres chaque année, afin de souligner l’effet positif des arbres urbains.
Un quart de particules fines filtrées
Les résultats montrent que les arbres des villes du canton permettraient de retirer au maximum 25% des particules fines émises par les activités humaines dans le canton en 2014, selon le cadastre des émissions romand (CADERO). Une autre carte montre que ces arbres auraient un potentiel de formation d’ozone environ dix fois plus élevé que leur capacité à capter l’ozone de l’atmosphère. Enfin, les arbres possèdent un taux d’émissions de COVB d’environ 130 tonnes, ce qui correspond à environ 18% des composés organiques volatils annuels du trafic routier. Les résultats montrent que les activités humaines émettent suffisamment d’oxydes d’azote pour que les réactions chimiques qui entraînent la formation d’ozone se produisent. En d’autres termes, il est possible de réduire l’ozone causée par les arbres en réduisant les émissions humaines d’oxydes d’azote, qui entrent aussi en réaction avec les COVB.
Le bilan des arbres sur la qualité de l’air est donc mitigé, lorsque la combinaison avec les émissions anthropiques peut entraîner une pollution atmosphérique supplémentaire. Donato Kofel suggère une étude plus approfondie : «Ces estimations ont des incertitudes que je m’efforce actuellement d’éliminer. Nous n’avons pas non plus pris en compte le potentiel de formation de particules à partir des COVB.» Le diplômé ajoute encore: «À ce stade, mon travail permet de voir que les arbres pourraient jouer un rôle important pour la qualité de l’air en ville, mais qu’ils ne sont pas une solution miracle dans toutes les conditions. Pour moi, le problème de la pollution de l’air doit être traité à la source, avec le trafic routier et d’autres sources d’émissions.» L’ingénieur précise qu’une fois qu’il aura affiné ses chiffres, ses cartes pourront aider les urbanistes à identifier les espèces les plus adaptées aux espaces publics pour contribuer à améliorer la qualité de l’air dans les quartiers urbains les plus exposés à la pollution.
Transmettre son travail aux autorités compétentes du canton de Genève a beaucoup motivé l’étudiant qui a eu l’occasion de présenter ses résultats et sa méthodologie à deux reprises au Service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants de l’Office cantonal de l’environnement. Le diplômé prépare également une publication scientifique sur la base de son projet de master.