Les États membres ayant édulcoré les mesures initialement prévues visant à protéger les abeilles, le Parlement demande à la Commission de revoir sa copie.
Le projet de proposition de la Commission européenne examiné le 23 octobre par le Parlement européen avait pour objectif d’introduire dans le droit européen les orientations proposées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) en 2013 afin de réduire l’utilisation de pesticides nuisibles aux abeilles. L’Efsa avait proposé que les pesticides soient testés pour protéger les abeilles à la fois contre une exposition aiguë et chronique. Les pesticides ne seraient restés disponibles sur le marché qu’en cas de réussite de ces nouveaux tests.
Toutefois, la plupart des États membres de l’UE se sont opposés à ces dispositions, forçant la Commission à trouver un compromis pour ne conserver que les dispositions qui protègent les abeilles contre une exposition aiguë. « Il est totalement inacceptable que les États membres s’opposent à la mise en œuvre complète des orientations de l’Efsa de 2013 », indique la résolution du Parlement adoptée mercredi. Le projet « introduit uniquement des modifications (…) concernant la toxicité aiguë à l’encontre des abeilles mais demeure silencieux sur la toxicité chronique, tout comme sur la toxicité à l’encontre des bourdons et des abeilles solitaires ». Par ailleurs, le texte de la Commission « ne reflète pas les dernières évolutions des connaissances scientifiques et techniques » et « ne changerait pas le niveau de protection » déjà en place, affirme le texte.
La Commission n’a pas pleinement utilisé ses pouvoirs
Les députés soulignent également que la Commission européenne n’aurait pas dû faire de concession et qu’elle aurait dû utiliser pleinement ses pouvoirs, les 16 États membres faisant obstacle à l’application des critères de protection ne formant pas une majorité qualifiée. La résolution appelle donc la Commission à présenter une nouvelle législation fondée sur les dernières connaissances scientifiques et techniques.
Le Parlement a bloqué la proposition de la Commission en adoptant la résolution à la majorité absolue, avec 533 voix pour, 67 contre et 100 abstentions. La Commission européenne devra donc présenter une nouvelle proposition.
Les députés ont rappelé que, d’après la Commission elle-même, on constate « un déclin spectaculaire de la présence et de la diversité de toutes sortes d’insectes pollinisateurs sauvages européens, y compris les abeilles sauvages, les syrphes, les papillons et les mites. Un grand nombre d’espèces de pollinisateurs ont disparu ou sont menacées d’extinction. »
Plus des trois quarts des espèces dépendent au moins en partie de la pollinisation animale
Rien que dans l’UE, environ 84 % des espèces cultivées et 78 % des espèces de fleurs sauvages dépendent au moins en partie de la pollinisation animale. On estime que 15 milliards d’euros de la production agricole annuelle de l’UE peuvent être directement attribués aux insectes pollinisateurs.
« En nous opposant à des critères d’évaluation bien trop faibles relatifs à la dangerosité des pesticides pour les abeilles, nous avons voulu poser une question simple : sommes-nous sérieux à propos de la protection de l’environnement ? Sommes-nous sérieux à propos de la protection du vivant ? Sommes-nous sérieux avec le Green Deal ? Le résultat est très clair : grâce à notre mobilisation, une très large majorité du Parlement européen n’a pas voulu d’une législation au rabais pour la protection des abeilles. Nous demandons désormais à la Commission de revoir sa copie et de nous présenter une législation qui écarte les pesticides les plus dangereux pour les pollinisateurs », a déclaré Pascal Canfin (Renew Europe, FR), président de la commission de l’environnement.