Des recherches menées au sein de l’EPFL apportent une meilleure compréhension des risques sismiques associés aux forages de grande profondeur qui utilisent la stimulation hydraulique. Voici un article tiré d’un texte de Rebecca Mosimann, du service communication de l’Ecole suisse.
Alors que les besoins d’énergies non fossiles sont de plus en plus clairement exprimés, sécuriser l’extraction de l’énergie géothermique de grande profondeur est devenu une priorité. Le professeur associé Brice Lecampion et son équipe du laboratoire de géo-énergie et de la Chaire gaznat (GEL) de l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne spécialisés dans la modélisation des comportements des sous-sols s’intéressent à la géothermie, en particulier aux conséquences des interactions des écoulements de fluide dans les failles des roches.Les risques liés à cette technologie ont été évoqués lors de recherches sur les gaz de schistes, mais aussi lors d’incidents ou d’accident lors de recherches de gisement géothermiques à grande profondeur, notamment en Alsace, mais aussi dans le fossé rhénan.
La dernière découverte de l’équipe de GEL, publiée dans le journal Proceedings of the Royal Society A apporte de nouvelles notamment une meilleure compréhension des mécanismes physiques sous-jacents qui déclenchent les tremblements de terre pendant et après les opérations géothermiques.
En Suisse comme ailleurs, certains sites pilotes de géothermie de grande profondeur (entre 4 et 6 kilomètres sous la surface) provoquent des tensions au sein de la population locale en raison desrisques sismiques associés et de potentielles pollutions des sous-sols. Le dernier exemple en date est le projet de Haute-Sorne dans le canton du Jura qui divise ses habitantes et habitants. Mais en France, en Alsace, des projets sont bloqués comme à Oberhausbergen en raison d’une opposition locale qui s’appuie sur un incident survenu à Bâle il y a plusieurs années.
Le rôle de la stimulation hydraulique
Les forages de moyenne profondeur ont lieu dans des sols perméables où l’eau circule facilement. A une plus grande profondeur, les sols deviennent généralement plus imperméables. La technologie utilisée dans ce genre de cas est appelée la « stimulation hydraulique », ou fracturation hydraulique. En sous-sol, existent déjà de nombreuses fissures naturelles qui sont autant de chemins pour laisser passer l’eau. Soit les ingénieurs stimulent les fissures existantes par injections de fluide, soit ils en créent afin d’augmenter la perméabilité des sols. Le risque majeur de la stimulation est de déclencher des tremblements de terre. C’est ce qui s’est passé, par exemple, en 2006, lors d’un projet pilote à Bâle. Les opérations d’injection de fluide ont provoqué un séisme d’une magnitude de 3 et par conséquent l’abandon du projet.
Les mécanismes liés aux risques sismiques
Le risque sismique associé est particulièrement problématique, car il peut se produire pendant la stimulation hydraulique, mais également bien plus tard. «Nous nous sommes concentrés sur ces microséismes qui arrivent dans un deuxième temps, entre quelques jours à quelques mois après l’arrêt des injections», explique Alexis Sáez, co-auteur de l’article et chercheur au GEL au sein de la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC). «Notre recherche met en lumière un nouveau mécanisme physique responsable du déclenchement de ces tremblements de terre différés». Les scientifiques ont développé un modèle numérique en trois dimensions et mené des analyses techniques complètes qui expliquent la manière dont la fracture réagit aux injections de fluides. Ils ont décrit de manière particulièrement détaillée comment les fractures continuent à se déformer après la fin de l’injection, et comment ce processus de déformation retardé peut favoriser le déclenchement d’un tremblement de terre.
«Notre modèle fournit des indications et de nouvelles méthodes de calcul qui peuvent être intégrées dans des stratégies plus générales qui visent à atténuer le risque sismique associé à ces opérations », explique Alexis Sáez. « Actuellement, il est très difficile de prédire le déclenchement des tremblements de terre provoqués par les injections – les ingénieurs s’appuient principalement sur des approches statistiques, comme ils le font pour les tremblements de terre naturels. Nos recherches permettent de mieux comprendre les forces physiques en jeu. C’est un pas en avant vers la mise en œuvre d’approches fondées sur la physique pour gérer le risque sismique inhérent à ces opérations et, en fin de compte, pour libérer le grand potentiel de l’énergie géothermique. Avec pour but de faciliter la décarbonisation de notre système énergétique », conclut le chercheur.