Une étude de l’EPFL et de Institut pour l’étude de la neige et des avalanches constate une hausse régulière de la température des cours d’eau en Suisse. Cette élévation des températures menace les écosystèmes. Elle génère une potentielle limitation de l’utilisation de leurs eaux dans l’industrie nucléaire et hydroélectrique.
Pendant longtemps, la fonte des neiges et des glaciers a limité le réchauffement des ruisseaux suisses qui pouvaient conserver toute l’année une température relativement basse, notamment au printemps et en été. Cet équilibre est depuis plusieurs années malmené par de brutales hausses de températures estivales. En 2018, il a été nécessaire de déplacer des poissons dans des ruisseaux de plus haute altitude afin de leur éviter une mort certaine par surchauffe, manque d’eau et propagation de maladies.
Le Laboratoire de sciences cryosphériques (CRYOS) de l’EPFL, le WSL Institut pour l’étude de la neige et des avalanches SLF, l’UNIL l’UNIBE et le centre Crealp ont réalisé une étude qui vient de paraître dans la revue Hydrology and Earth System Sciences. Les chercheurs ont analysé l’évolution de la température et du débit des rivières dans toute la Suisse depuis 1979. Ils se sont appuyés sur un réseau de 33 stations de mesure et depuis 1999 de 52 stations de mesure. Ils ont constaté une hausse moyenne de 0,33 degré par décennie depuis 1980, et de 0,37 degré par décennie ces 20 dernières années.
Presque aussi vite que la réchauffement de l’air
L’étude s’inscrit dans un projet de recherche financé par l’Office fédéral de l’environnement, Hydro-CH2018, qui vise à combler les lacunes sur les impacts du changement climatique sur les ressources en eau de la Suisse. «Les cours d’eau en Suisse se réchauffent à une vitesse égale à 95% à celle du réchauffement de l’air, c’est l’une des surprises de notre étude. Nous pensions jusqu’ici que la fonte des neiges et des glaciers et le passage des eaux dans les lacs compensaient la hausse des températures de l’atmosphère générale en plaine. Ce n’est plus le cas.», précise Adrien Michel, doctorant au Laboratoire CRYOS et premier auteur de la recherche. «»
Les chercheurs ont aussi constaté une baisse du débit d’eau de -3% ces 40 dernières années en moyenne et de -10% ces 20 dernières années. Si la tendance se poursuit, l’augmentation des températures des cours d’eau sera durant l’été. Le volume d’eau sera moins important , surtout lorsque le réservoir d’eau que représentent les glaciers sera vidé.
Effet de seuil
Pour Adrien Michel il faudra tenir compte de ces paramètres, autant dans les prévisions météorologiques que dans les stratégies d’adaptation aux changements climatiques, surtout pour la faune et la flore. «Les gens pensent souvent qu’un ou deux degrés ne changent rien. En réalité, ces écosystèmes ne sont pas suffisamment résilients pour franchir certains seuils de températures plusieurs fois par année, en particulier durant l’été. Les hausses globales de températures, allant jusqu’à 2 degrés l’hiver et 4 degrés l’été, mettent tout l’écosystème sous stress.
Les centrales nucléaires suisses sont impactées par la hausse des températures des cours d’eau. En 2018 la centrale de Mühleberg avait dû réduire sa production durant l’été afin de se conformer aux prescriptions légales, car la température de l’Aar qui la refroidit était déjà trop chaude. La centrale nucléaire a été arrêtée l’année suivante le 20 décembre 2019. La centrale avait été exploitée pendant 47 ans, toujours par la société BKW FMB Energie SA (FMB).
Références :
Adrien Michel, Tristan Brauchli, Michael Lehning, Bettina Schaefli and Hendrik Huwald, “Stream temperature and discharge evolution in Switzerland over the last 50 years: annual and seasonal behaviour”, Hydrology and Earth System Sciences, 10 January 2020.