Dans l’Union Européenne, les transports sont responsables de 27% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Des émissions qui, selon l’Agence européenne pour l’environnement ont progressé de 26% depuis 1990, tandis que celles dues à la production d’énergie, à l’industrie et aux ménages diminuaient de 7 à 14%. Les transports sont donc la raison principale pour laquelle les objectifs de réduction des émissions de GES ne sont pas atteints. En effet,93% de ces émissions dues aux transports étant générées par les véhicules automobiles (dont 60% par le trafic passagers et 40% par le transport de marchandises), les objectifs climatiques ne pourront être atteints que si le kilométrage effectué par ces véhicules est réduit dans sa totalité et si le trafic restant génère un minimum d’émissions. Le transport de passagers doit être transféré vers les transports publics et le vélo, celui de marchandises doit davantage s’effectuer en train et en bateau.
La CIPRA procède à un audit climatique
Pourtant, toutes les mesures visant à atteindre les objectifs climatiques ne sont pas judicieuses. Des conséquences indésirables aux plans écologique, social et économique peuvent survenir. Toutes les mesures doivent donc être soumises à un audit de durabilité. Il serait fatal, pour l’espace alpin, que s’ajoutent aux conséquences du changement climatique les répercussions négatives des mesures de lutte contre le changement climatique.
La mobilité électrique par exemple ne constitue une alternative écologique au système de propulsion conventionnel que si l’électricité est produite à partir d’énergies renouvelables. La pression imposée au développement de l’industrie hydroélectrique pourrait s’en trouver fortement accrue. L’extension des forêts d’éoliennes et la création de parcs photovoltaïques peuvent elles aussi déboucher sur de graves conflits avec la protection du paysage et de la nature, le tourisme, l’agriculture, la sylviculture et la chasse. La mobilité électrique doit donc être intégrée dans un système énergétique d’ensemble intelligent afin d’éviter toute destruction d’espaces naturels et paysagers.
Les agro-carburants sont tout sauf une solution au changement climatique : ils conduisent à une intensification de l’agriculture et de la sylviculture non respectueuse de l’environnement, peuvent contribuer au renchérissement des denrées alimentaires et menacent la biodiversité dans les zones de production agricole. L’augmentation de la part des agro-carburants concernerait surtout l’espace alpin si le bois venait à être davantage utilisé comme matière première. Dans ce cas, une intensification de la sylviculture et la transformation en forêts de pâturages moins rentables seraient à craindre.
Accroitre le coût de la circulation automobile
En revanche, il est particulièrement efficace d’accroître le coût de la circulation automobile à l’aide de taxes, de droits de péage ou encore de redevances. Cela permet de réduire les kilométrages effectués car les usagers de la route optent pour d’autres moyens de transport, choisissent des destinations plus proches ou renoncent tout simplement à certains trajets. Un conflit d’intérêt se fait cependant jour ici : les localités de la périphérie deviennent encore plus difficiles à atteindre, et entreprises et particuliers pourraient déserter certaines régions des Alpes. L’objectif d’un développement géographique équilibré est en contradiction avec les objectifs de la politique climatique en matière de transports.
Une solution à ce conflit pourrait résider dans une compensation sociale et géographique prenant la forme d’un forfait de mobilité au profit des régions périphériques, dans le développement d’offres alternatives de transports publics, mais aussi dans le renforcement économique de ces régions. Les recettes supplémentaires générées par le renchérissement du trafic automobile doivent être affectées à la desserte publique et au développement des régions périphériques. Toutes les mesures financières qui contribuent avant tout à rendre plus efficace la gestion du trafic sont en tout cas à juger de manière positive.
Redevance sur les poids lourds
Il convient par exemple de citer à cet égard la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) mise en place en Suisse, comme le prouve son examen à l’issue de sa 5ème année : le kilométrage effectué par des poids lourds a été réduit de 6,5%, les émissions de CO2 de 6%. Sans la RPLP, il aurait fallu s’attendre à une augmentation de 23 %.
En ce qui concerne la diminution des émissions de gaz à effet de serre dans l’espace alpin à proprement parler, le trafic de transit est moins pertinent que la circulation « du fait des locaux ». En effet, la part du trafic de transit dans la circulation des poids lourds dans les Alpes n’est que de 10 à 15 %. La restriction du trafic de marchandises par exemple par le biais d’une bourse de transit alpin, un instrument permettant de limiter le transport de marchandises par la route à travers les Alpes grâce à la mise aux enchères et à la négociation de droits de transit, pourrait toutefois constituer un levier intéressant. Réussir à transférer vers le rail les longs trajets y compris en dehors de l’espace alpin marquerait une grande avancée en matière de réduction des gaz à effet de serre.
Helmut Hiess
Banque de données contenant des actions climatiques exemplaires :
http://www.cipra.org/de/cc.alps/ergebnisse/good-practice
L’intégralité du compact CIPRA consacré à la mobilité face au changement climatique peut être téléchargée depuis http://www.cipra.org/fr/cc.alps/resultats/compacts.
Le programme cc.alps en bref
Le projet « cc.alps – changement climatique : penser plus loin que le bout de son nez ! » est porté par la Commission internationale pour la protection des Alpes – CIPRA – et financé par la Fondation MAVA pour la nature. Avec ce projet, la CIPRA contribue à ce que les actions climatiques engagées dans l’espace alpin respectent le principe du développement durable.
Dans le cadre de cc.alps, 11 compacts sont en cours d’élaboration sur les thèmes de l’énergie, la construction de logements, la protection de la nature, les risques naturels, l’autarcie énergétique des régions, le tourisme, l’aménagement du territoire, les transports, l’agriculture, la sylviculture et l’eau. Ils seront eux aussi prochainement disponibles sur www.cipra.org/cc.alps.