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L’hydroélectricité, une filière stratégique pour notre réindustrialisation

La crise du coronavirus met en lumière la vulnérabilité économique et sociétale qu’engendre une mondialisation non maîtrisée. Ce qui vaut pour le matériel sanitaire vaut aussi pour les équipements électriques, dont ceux de l’hydroélectricité. Une réaction s’impose avant qu’une nouvelle fois notre pays soit victime d’un manque d’anticipation. – Collectif d’experts Hydro21(1)

Depuis qu’elle a été frappée par la pandémie, la France peine à s’approvisionner en matériels médicaux répondant à ses besoins. On découvre combien, pour un secteur stratégique comme la santé, il est important de garder les compétences et les moyens de fournir à temps les produits de première nécessité. Insister plus sur ce constat largement partagé est inutile. D’où la remise au premier plan de la relance en France d’une industrie trop abandonnée aux jeux du marché financier depuis plusieurs décennies, avec pour conséquence une réduction continue d’effectifs et de compétences. Reconquérir notre industrie, c’est, en outre, renforcer l’Europe.

Un secteur stratégique

L’électricité est indéniablement stratégique. Les hôpitaux en dépendent ainsi que de nombreuses activités économiques ou individuelles. Imaginons un instant ce que serait une vie ponctuée de coupures fréquentes et d’appels à des générateurs diesel individuels pour pallier la défaillance du réseau. Inimaginable ? Pourtant de nombreux pays du Sud subissent ces conditions. Même aux États-Unis, les vendeurs de générateurs ou de batteries électriques incitent les plus fortunés à s’équiper en prévision des défaillances du réseau électrique. Voulons-nous emprunter cette voie ? Évidemment, non, pour des raisons de sécurité, de bien-être et d’équité. Non encore, au vu du rôle attendu de l’électricité pour lutter contre le réchauffement climatique, notamment en France avec un taux d’émission de CO2 par kWh parmi les plus bas au monde. Mais le pire est-il impossible ?

Défis d’un réseau alimenté par des sources intermittentes

L’État a décidé dans sa Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) qui vient d’être publiée de ramener la production nucléaire à 50 % et de la compléter par des productions éolienne et solaire qui sont des énergies intermittentes qu’il faut gérer.

[…]

Des moyens pilotables sont nécessaires pour la sécurité du réseau électrique, fait crucial que les stratégies énergétiques française et européenne ne peuvent ignorer.

Une réponse à l’enjeu de flexibilité et de stockage

Quand on recherche des moyens flexibles pour augmenter la robustesse du réseau, l’hydroélectricité occupe une place de choix. Avec 25,4 GW de puissance installée en France, elle peut ajuster sa puissance nominale à la demande plus rapidement que la plupart des énergies pilotables. Elle offre le premier moyen de stockage de l’électricité, de loin le plus vaste et au meilleur rendement, grâce aux stations de pompage STEP et aux réserves des barrages. Selon toute vraisemblance, à l’horizon de 2050, les STEP représenteront la moitié de cette capacité de stockage grâce à leur maturité, leur durée de vie et leur faible coût au kWh.

En outre, l’hydroélectricité a le taux de retour énergétique (rapport de l’énergie produite à celle dépensée pour le cycle de vie de l’installation) le plus élevé, offrant ainsi une utilisation optimale de l’énergie. Aux dires du GIEC, elle est aussi, de tous les moyens de production, la moins émettrice de gaz à effet de serre au cours du cycle de vie, bel atout contre le réchauffement climatique.

L’hydroélectricité est donc une filière stratégique pour la réussite de la transition énergétique en France, en Europe et dans le monde.

Construire de telles installations va devenir une nécessité, or la France et Auvergne-Rhône-Alpes en ont le savoir-faire

Barrage de Livet, vue de la retenue à la cote maxi ©Hydro21

La France est le premier producteur d’hydroélectricité de l’UE. La région Auvergne-Rhône-Alpes y contribue pour près de la moitié en regroupant un ensemble de compétences, de savoir-faire et de réalisations uniques. Elle réunit la force et la diversité d’acteurs de l’université, des laboratoires de recherche, des ingénieries et industries et forme des milliers de prestataires. Son rôle dans le renforcement de la robustesse du secteur électrique est évident.

[…]

L’hydroélectricité est une technique mature et innovante qui s’adapte au mieux aux besoins de son époque. Ainsi l’Union Européenne attend de l’hydroélectricité qu’elle contribue à l’intégration des énergies solaire et éolienne. Dans ce but, un large programme d’appels d’offres sera lancé par la Commission dans le cadre du forum HYDROPOWER EUROPE.

Le triptyque enseignement, recherche et industrie, né à Grenoble avec la houille blanche, assure à la région un formidable atout à l’innovation et au développement industriel. En répondant aux appels d’offre de l’Europe, en préparant la transition énergétique garante de l’avenir de l’humanité, il est source de développement industriel et créateur d’emplois ancrés dans les territoires.

Viser plus loin et plus fort

En créant Hydro21 il y a 20 ans, les acteurs régionaux ont fait preuve d’une innovation organisationnelle qui réunit industriels, PME et donneurs d’ordres. Ainsi, les rencontres scientifiques FocusHydro et les salons BusinessHydro apportent chaque année l’occasion de tisser et d’entretenir les liens entre les acteurs. Mais en réponse aux nouveaux enjeux, il faut viser plus loin et plus fort !

  • Unifier la profession et travailler en réseau sur l’ensemble de la chaine de valeurs pour s’adapter au plus vite aux besoins de la société
  • Travailler à une stratégie industrielle de l’hydroélectricité intégrant toutes les dimensions nécessaires à sa réussite : compétences, atouts industriels, apports à la transition énergétique et à l’exportation
  • Créer des groupes de travail autour de verrous technologiques, environnementaux, juridiques ou financiers
  • Dialoguer avec l’Union Européenne pour soutenir le « Green Deal », l’emploi, l’industrie et la recherche
  • Rechercher les solutions nouvelles de la transition énergétique avec les décideurs politiques à l’échelle de la région
  • Valoriser nos atouts et soutenir notre offre dans les appels d’offres à l’export au sein de réseaux nationaux et européens en s’appuyant sur les fonds français ou européens

C’est à quoi doit répondre l’organisation fédérative et pérenne des acteurs que ce texte appelle de ses vœux.

Lire la Tribune dans son intégralité

  1. Collectif d’experts signataire de cette tribune : Bernard Brusa-Pasqué (Ex CNR, Consultant) Marc Fontecave (Professeur au Collège de France) Maryse François (ex GE, Consultante) Jean-Jacques Fry (Hydropower Europe) Dominique Grand (Gire(2)) Pierre Holveck (ex Artelia) Christian Le Brun (Gire) Jean-Marie Martin-Amouroux (Encyclopédie de l’Energie) Jean-Philippe Reiller (ex Erema, société H4e) Roland Vidil (Hydro 21)
  2. Gire : Groupe pour une information rationnelle sur l’énergie
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