Le Registre REMERA est en cessation de paiement?
Emmanuelle AMAR: Le registre REMERA des malformations Rhône Alpes est une association qui abrite un des quatre registres français métropolitains sur les malformations congénitales. On peut dire en effet que nous sommes en état de cessation de paiement car nous n’avons pas reçu une bonne partie des financements attendus pour 2009.
Le registre Remera n’est plus en mesure de payer les salaires et charges du personnel alors même que des subventions publiques sont votées mais ne seront versées, au mieux, qu’en janvier 2010. Certaines tutelles expliquent qu’il leur est impossible d’accélérer le processus de versement, sachant qu’entre le mandatement par les services financiers et le virement par le Trésorier Payeur Général, au moins 4 semaines sont nécessaires. Ce délai irréductible n’est pas supportable. L’Institut National de Veille Sanitaire, sollicité, ne semble pas être en mesure de répondre à l’urgence de la situation.
Les banques elles-mêmes n’ont plus confiance dans le versement de subventions publiques ?
Les subventions ne sont versées, au plus tôt et par le biais d’un acompte de 50%, qu’à la fin du premier semestre de fonctionnement de l’année en cours. Aussi, sans fonds de roulement, le registre doit recourir à des emprunts dits « Dailly », qui permettent de faire fonctionner le registre jusqu’aux versements des premiers acomptes de subvention. Jusqu’à la fin 2008, notre banque acceptait d’avancer les soldes de subvention pour permettre la poursuite des activités du registre du second semestre jusqu’au versement, au cours du 1er trimestre de l’année suivante, du solde de la subvention de l’année précédente. Or les banques refusent désormais d’avancer ces soldes, en raison « d’une politique de subventions publiques devenue aléatoire ». Et en effet, plusieurs organismes publics (InVS, Inserm et Conseil Regional de Rhône Alpes) ont réduit le versement du solde de leurs subventions l’an passé, obligeant ainsi le registre a rembourser des emprunts réalisés au vu des conventions signées mais pourtant non honorées par les financeurs.
Le budget de REMERA n’est pourtant pas considérable, vous fonctionnez d’une manière très économique.
REMERA se compose d’une équipe de six salariés pour un budget annuel de 228 000 euros. Le financement est assuré par des subventions publiques : Conseil Régional de Rhône Alpes, Institut de Veille Sanitaire (InVS), Institut National de la santé et de la Recherche Médicale (Inserm), Conseil Général de l’Isère, Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (Afssaps). En répondant aux attentes des pouvoirs publics qui, dès le 1er février 1986, ont créé par arrêté le Comité National des Registres (CNR), les activités de Remera s’inscrivent dans une mission de service public. Le registre a obtenu sa qualification par le CNR en janvier 2009).
L’importance de la surveillance des malformations ?
Dans les pays développés, les malformations congénitales sont responsables de 20 à 25% de la mortalité périnatale totale. Elles représentent en France la première cause de mortalité périnatale. Les enfants porteurs de malformations représentent 3 à 4% des naissances vivantes et les déficiences sévères qui en résultent concernent plus de 8 enfants pour mille. Ces pathologies nécessitent des soins lourds et douloureux, le plus souvent tout au long de la vie. Le coût humain, social et financier de ces malformations est supporté par les familles et par la collectivité.
Certaines malformations ont une origine identifiable : elles peuvent être génétiques, ou liées à des tératogènes (expositions à des médicaments, des radiations, des toxiques de l’environnement, des agents infectieux). Elles peuvent être liées aux interactions complexes entre les gènes et l’environnement. On estime ainsi à environ 40%, la proportion des malformations congénitales qui pourraient être prévenues
par des mesures de santé publique. Mais la cause de ces malformations reste inexpliquée pour plus de 50% d’entre elles, d’où l’importance de la recherche, notamment sur les facteurs environnementaux auxquelles les futures mères peuvent être exposées au début de leur grossesse.
L’influence de l’environnement elle-même a été reconnue ?
L’influence de l’environnement sur la santé a été reconnue par la Charte de l’environnement adoptée par l’Assemblée Nationale le 1er juin 2004. Parmi les actions préconisées par le Plan National Santé et Environnement (PNSE) se trouvent les trois points suivants : renforcer la protection des enfants et des femmes enceintes, mobiliser et développer le potentiel de recherche et d’expertise, améliorer les dispositifs de veille, de surveillance et d’alerte.
L’intérêt pour le lien entre environnement et malformations est pourtant capital ?
Les ateliers du Grenelle de l’environnement ont appelé au développement du domaine de la santé environnementale. Ainsi, en juin 2009, un second PNSE Plan National Santé Environnement a été finalisé en vue de décliner les engagements de ce Grenelle.
Quels résultats vos recherches ont-elles déjà permis d’affirmer ?
C’est d’ailleurs grâce à l’analyse des données du registre en Rhône Alpes qu’a été mis en évidence, au début des années 1980, l’effet tératogène du Valproate de Sodium, un médicament traitant l’épilepsie. Par la suite, une étude conjointe avec l’Inserm a pu montrer le rôle des dioxines et des métaux lourds, émis par les incinérateurs d’ordures ménagères, pouvant expliquer l’augmentation des malformations urinaires constatée en Rhône Alpes. Une étude est actuellement en projet pour mesurer l’impact des résidus des pesticides sur les grossesses en Rhône Alpes.
Vous vous interrogez sur la position des autorités sanitaires nationales ?
Une interrogation subsiste sur la réelle volonté des autorités sanitaires nationales de voir la région Rhône Alpes conserver le seul outil de mesure de la santé néonatale d’une population qui soit en capacité d’évaluer l’impact sanitaire de l’environnement, d’identifier de nouveaux risques pour les foetus et de fournir les informations nécessaires à leur prévention.
Recueilli par Michel Deprost michel.deprost@enviscope.com