Science sans confiance n’est que ruine de l’expertise, par Marcel KUNTZ

En 1987 la National Academy of Science des Etats-Unis considérait que les organismes modifiés par “ingénierie de l’ADN” ne présentent pas de danger spécifique et que les risques sont de même nature que ceux associés à d’autres techniques génétiques.
Aujourd’hui, après 16 ans de commercialisation de plantes “génétiquement modifiées”, aucune donnée validée de terrain ne permet d’affirmer que la consommation d’OGM a des effets délétères sur la santé.
Entre ces deux dates, des législations imposant une autorisation de mise sur le marché, conditionnée entre autres par une évaluation des risques ont été implémentées. La plus grande confusion régnant sur cette question, il est nécessaire de préciser certaines notions.

Analyse des risques : chacun son métier

L’analyse des risques comporte différentes étapes.
La première étape est l’évaluation scientifique des risques, dans laquelle les décideurs politiques n’ont pas vocation à s’ingérer. L’étape suivante est la gestion des risques une fois ceux-ci identifiés, qui est, elle, de la responsabilité des pouvoirs publics.
Autre composante, la communication sur les risques est définie comme une communication sur l’existence, la gravité et l’acceptabilité des risques entre les différentes parties prenantes. Une telle démarche, où les rôles sont clairement définis, est la meilleure non seulement pour répondre aux exigences sociétales de la maîtrise des risques, mais aussi pour être comprise par le plus grand nombre de nos concitoyens.
Malheureusement, et c’est source de confusions, la démarche peut s’inverser parce que les décideurs politiques vont donner la priorité à la communication, en choisissant une gestion des risques en fonction de cette communication, en interférant quelques fois avec l’évaluation des risques pour qu’elle apparaisse justifier leur gestion.

L’évaluation des risques : une démarche scientifique normalisé

L’évaluation des risques liés aux OGM se déroule cas par cas (en distinguant les lignées de plantes) et de manière comparative : les propriétés d’une lignée transgénique sont comparées à une lignée de référence considérée comme sûre. Cette dernière est la lignée “conventionnelle” la plus proche génétiquement et qui a été cultivée dans les mêmes conditions.
Une autre démarche comparative est utilisée, en amont de l’évaluation des risques, pour sélectionner cette lignée transgénique du laboratoire jusqu’au champ : pour un caractère transféré (transgène) donné, des dizaines de lignées sont générées et seule celle qui est – en tout point observable – similaire à une lignée de référence ira éventuellement au stade pré-commercial. Ces aspects de la biologie des plantes sont souvent oubliés dans le débat sur les OGM, alors qu’une plante “normale ” (dont tous les mécanismes intimes apparaissent intacts) a fort peu de chance d’être “anormale” du point de vue de sa sécurité sanitaire (de produire une nouvelle substance toxique). Les Etats-Unis s’en tiennent d’ailleurs à ce stade de l’évaluation des risques.
Il faut préciser ici une autre notion : l’évaluation des risques est normalisée et se déroule étape après étape. Ainsi, l’agence européenne EFSA explique qu’il est nécessaire de franchir un pas suivant, c’est-à-dire des tests toxicologiques sur animaux, uniquement s’il existe de vrais indices de suspicion après les étapes antérieures de caractérisation de la plante. Cependant, “précautionnisme” oblige, l’EFSA demande systématiquement des études de nourrissages d’animaux. De manière similaire, des études à plus long terme, ou sur la reproduction, ne sont justifiées que si une suspicion subsiste après l’étape précédente.

Créer la confiance ou entretenir les doutes

Le manque de confiance des citoyens et la capacité de propagation des doutes dans la société par certains médias et d’autres acteurs vont entraîner l’évaluation des risques dans une escalade sans fin dans le but de “lever des doutes”; doutes précisément entretenus par le fait d’avoir “structuré” la perception d’un risque par une action publique qui donne l’impression de reculer sous la pression des événements médiatisés.
Une autre source de doutes est l’implication des industriels dans la production des données de l’évaluation des risques. Avec des collègues, nous avons ainsi choisi de mettre en lumière, par des articles de synthèse bibliographique, les contributions de la recherche publique de différents pays.
Aucune des 44 publications décrivant des comparaisons de “profilage à grande échelle”  d’OGM avec des lignées de référence, ni aucune des 12 études de nourrissage à long terme d’animaux, ni aucune des 12 études sur plusieurs générations d’animaux, ne conclut à un risque sanitaire.
En conclusion, des protocoles, fruits d’une réflexion internationale approfondie, permettent de définir raisonnablement la sécurité sanitaire des OGM, même s’il n’est jamais possible de prouver un risque zéro. La vraie question, sociétale, reste celle de la confiance ; question qui dépasse le cas des OGM.
Marcel Kuntz
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