Invités de la conférence Mardi des Ingénieurs et Scientifiques/Enviscope, sur le principe de précaution, Christophe Savonnet et Thibault Soleilhac, avocats spécialisés en droit de l’environnement ont présenté le rôle et les limites du principe constitutionnel.
Ancré sur les réflexions du philosophe allemand Hans Jonas, sur des textes européens, annoncé par la loi Barnier, le principe de précaution est la pierre angulaire des débats sur l’environnement.
L’article 5 de la Charte de Environnement décrit les obligations auxquelles sont soumises les autorités publiques. Ces autorités, rappelle Thibault Soleilhac, englobent l’Etat, les collectivités, des établissements et des entreprises publics, mais le secteur privé n’échappe pas à des obligations. Les porteurs de projets privés doivent informer les autorités publiques de risques graves et irréversibles portés à l’environnement.
Incertitude des connaissances
L’article 5 de la charte de l’environnement pose des problèmes juridiques nouveaux. Avant le principe de précaution, il n’y avait de responsabilité qu’en cas de dommage avéré, expliqué au besoin par des experts.
L’obligation constitutionnelle s’impose avant l’action, avant les projets. Cette obligation faite aux autorités de mettre en place des précautions crée toute une série d’obstacles. Le droit se fonde traditionnellement sur des certitudes, des faits établis, des risques connus. Il prend en charge des notions de prévention qui s’appliquent à des risques connus, quantifiables dans leur survenue comme dans leurs conséquences.
Dommage grave et irréversible
Le principe de précaution s’applique lui à des dommages « graves et irréversibles à l’environnement” hypothétiques.
Il s’agit d’abord de s’interroger sur les notions de gravité et d’irréversibilité. En cas de catastrophe ponctuelle, même gravissime, la nature fait souvent preuve d’une certaine résilience.
En revanche, les principales menaces qui pèsent sur l’environnement, sur les milieux naturels sont des menaces graves pour certaines irréversibles, dont il est difficile d’attribuer la responsabilité à une autorité ou un auteur particulier.
Incertitudes sur les risques et les précautions
L’article cinq de la Charte de l’Environnement sert de cadre aux lois, aux autorisations, aux projets portés par l’Etat.
Mais les incertitudes scientifiques, sur les risques et sur les précautions à prendre sont telles que l’interdiction peut devenir la règle d’autorité qui cherchent autant à protéger l‘environnement qu’à se protéger elles-mêmes.
Impossible pourtant d’en finir avec le principe de précaution, utile , indispensable même à condition d’en respecter l’esprit et la lettre.
Pas d’inaction
Le principe de précaution n’est pas un principe d’inaction. Il indique au contraire comment les autorités doivent agir. Le principe de précaution doit être non seulement conservé, appliqué, mais rendu effectif.
Il ne peut-être appliqué qu’avec un surcroit d’information de la part des autorités, qui doivent répondre aux interrogations, aux doutes, aux demandes sociales. Pour Thibault SOLEILHAC, les débats sur l’environnement, les mobilisations, les manifestations, les actions, sont le signe que des décisions inquiètent, suscitent le désaccord, le refus.
Ces situations montrent que le droit, qui doit réguler les relations sociales, est encore incomplet, et n’offre pas encore assez de solutions pour assurer l’information, le dialogique le compromis, la négociation. Des lacunes à combler.