Les carottes de glace constituent la seule archive disponible pour reconstruire avec précision la composition de l’atmosphère dans le passé, notamment les teneurs en gaz à effet de serre comme le méthane. Il s’agit du second gaz à effet de serre d’origine humaine après le gaz carbonique. Les teneurs en méthane ont augmenté de plus de 150 % au cours des dernières 200 années, en relation avec les émissions anthropiques (agriculture, exploitation du gaz naturel, …).
Des indices complémentaires
S’appuyant sur l’analyse de deux forages profonds réalisés en Antarctique, certains scientifiques impliqués dans le consortium européen EPICA(1) ont cherché à mieux comprendre les variations naturelles du méthane atmosphérique dans le temps. C’est en analysant les gaz piégés dans les carottes de glace que ces spécialistes ont obtenu la toute première évolution détaillée du rapport isotopique carbone 13/carbone 12 du carbone constituant la molécule de méthane, et ce durant l’ensemble de la dernière transition climatique qui a eu lieu entre -18 000 (période glaciaire) et -11 500 (début de l’Holocène (2)). Ces informations complémentaires permettent d’expliquer l’origine de la variabilité naturelle du méthane.
En combinant différentes données désormais à leur disposition avec un modèle simple de l’atmosphère, les chercheurs sont parvenus à identifier les processus responsables du doublement de la concentration en méthane atmosphérique lors de la dernière transition glaciaire interglaciaire.
Les zones humides responsables
Première conclusion, près de la moitié de cette augmentation résulte d’un accroissement substantiel des émissions de méthane à partir des régions marécageuses tropicales. De plus, leurs analyses mettent en évidence que les émissions de méthane, cette fois à partir des marécages et des tourbières boréales (hautes latitudes de l’hémisphère nord), étaient quasi inexistantes en conditions glaciaires. Celles-ci ont commencé à peser seulement au cours de la transition climatique.
Enfin, de manière surprenante, les feux de végétation, responsables aujourd’hui d’environ 20% des émissions naturelles de méthane, n’ont pas produit, lors de ce changement majeur, de variations significatives des teneurs en méthane dans l’atmosphère.
De prime importance, ces résultats soulignent le rôle des zones marécageuses continentales en tant que sources de méthane, aussi bien en milieu tropical qu’en milieu boréal.
Publiés dans la revue Nature le 17 avril 2008, ces résultats permettent de mieux cerner les mécanismes pouvant amplifier dans le futur les émissions naturelles de méthane, un gaz à effet de serre hautement incriminé dans le réchauffement climatique.
Isabelle Touchard
(1) Coordonné par la Fondation européenne pour la science (ESF), le projet EPICA ou “European Project for Ice Coring in Antarctica” a obtenu le soutien financier des 10 pays européens participants, dont la France (EPICA est notamment soutenu par différents programmes de l’Institut polaire français Paul-Emile Victor et de l’INSU-CNRS, par le CEA et par un projet ANR), ainsi que de l’Union européenne.
(2) Période chaude qui a coïncidé avec la sédentarisation humaine. L’holocène est la période la plus récente du quaternaire.