Vous êtes engagée en tant que Députée européenne sur les enjeux de la radioprotection?
Michèle RIVASI: Une partie des enjeux sur la radioprotection se joue au niveau européen. Mais nous rencontrons des difficultés quand nous voulons aborder ces questions. La Traité EURATOM signé à l’époque du Traité de Rome, est rattaché au Traité de Lisbonne qui a façonné le fonctionnement actuel de l’Union européenne. Or, le traité Euratom comporte plusieurs textes qui nous empêchent d’avoir prise sur des questions de sécurité et sur les questions sanitaires et nous devons nous battre y compris face à la Commission.
Les polluants radioactifs ne sont pas pris en compte par la Commission comme d’autres polluants. C’est le cas de la pollution de l’eau par ces composants. C’est le cas du Tritium, un isotope de l’hydrogène rejeté dans le milieu naturel par les installations nucléaires. Sur ce point nous avons avec l’appui de la Commission Juridique du Parlement, montré à la Commission que nous avions raison et que ces polluants doivent être pris en compte comme le sont des polluants chimiques
Vous avez du aussi batailler sur la distinction entre éléments radioactifs naturels et radioéléments artificiels?
La réglementation en matière de radioprotection prend souvent en compte le cumul, pour aboutir à des doses totales prises en considération pour leurs effets sur la santé. Or, pour nous, il est important de faire la distinction entre radioéléments naturels et radioéléments artificiels.
Il y a certes des radioéléments naturels présents dans l’environnement, qui ont un effet délère, c’est le cas du radon. Mais ces éléments peuvent être traités, en changeant le mode d’alimentation en eau. Lorsqu’il s’agit de radioéléments artificiels, il est plus difficile de maitriser leur diffusion et leurs effets. La aussi nous avons fait avancer les débats.
Quelle est votre position pour le tritium?
Le tritium est un isotope radioactif de l’hydrogène . Il est rejeté dans les milieux ambiants et il est retrouvé dans les eaux, ces eaux qui peuvent être utilisées pour des cultures. Ce tritium combiné avec des molécules présentes dans les végétaux, ‘est ce tritium organique qui pose problème car il peut être consommé dans les aliments provoquer des dégâts au niveau des acides aminés.
Quelle est l’attitude des institutions européennes par rapport aux questions de santé?
Plus généralement l’Europe montre encore beaucoup de blocages sur les questions de santé et d’environnent. Les institutions européennes doivent montrer beaucoup plus d’indépendance sur ces questions, d’indépendance vis à vis du politique, vis à vis des entreprises, vis à vis des Etats et vis à vis de l’Organisation Mondiale de la Santé.
Ce n’est pas parce que l’OMS donne un avis que les agences européennes doivent s’aligner. Les Agences européennes l’EFSA pour les produits alimentaires ou l’Agence Européenne du Médicament, doivent s’appuyer davantage sur les experts européens.
Dans quel sens faire évoluer la Commission et les Agences?
Cela pose la question de la prise en compte des avis des Agences, que la Commission ne suit pas parfois. Cela pose la question des conflits d’intérêt qui peuvent exister entre hauts fonctionnaires de certaines agences et le secteur privé. Les experts sont désignés par chaque Etat, mais on s’aperçoit qu’il ne ne déclarent pas les mêmes conflits d’intérêt dans leur pays d’origine et à l’Europe. Le contrôle de ces conflits d’intérêt n’est pas suffisant.
Il existe des conflits d’intérêts lors que des personnes sont en poste dans l’administration ou lorsqu’elles sont experts, mais il existe aussi des conflits lorsque des hauts fonctionnaires quittent leur poste et créent des entreprises, parfois avec des fonds européens, pour conseillers des entreprises dans le secteur où ils ont travaillé au sein de l’Europe. Ils utilisent leur connaissance des rouages et leurs contacts pour travailler sur des dossiers.
Ces situations sont connues, elles sont critiquables, et ne sont pas admises, mais aucune sanction n’est prévue. Ce n’est pas ainsi que l’Europe gagnera la confiance des citoyens.
Recueilli par michel.deprost@enviscope.com