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Pierre Athanaze: il faut laisser des territoires pour une nature totalement libre

L’idée de naturalité se développe depuis quelques années en France. C’est une idée qui existe depuis longtemps dans d’autres pays ?



L’idée d’une nature capable de donner toute sa diversité est très présente depuis longtemps dans dans la culture anglo-saxonne, avec des personnes comme Aldo Léopold, Henri Thoreau, et John Muir, l’un des fondateurs du premier parc national, qui avait emmené le président Franklin Roosevelt camper pendant plusieurs jours dans le Parc de Yosemite.


On retrouve aussi depuis des décennies l’idée qu’il faut laisser la nature libre dans plusieurs pays d’Europe centrale.


Dans les Tatras, en Slovaquie, même pendant le stalinisme, il y a avait des forêts qui n’étaient pas exploitées mais qui étaient laissées en libre évolution. Ceaucescu était un dictateur terrible, mais la politique n’a pas consisté à exploiter toute la forêt et la Roumanie possède des forêts naturelles extraordinaires. En Slovénie aussi il y a des milieux naturels, comme en Pologne



Comment faire dans des pays où l’homme a tout transformé ?


Le but n’est pas de revenir à la forêt primaire, celle qui n’a jamais été touchée par l’homme, une forêt qui existe dans de très rares endroits. L’idée est de restituer à la nature des espaces où elle puisse s’exprimer, retrouver sa vitalité, produire une grande diversité.


Une telle expérience a été lancée a grande échelle en Allemagne dans un parc qui se trouve dans la continuité du parc de Sumava, en République Tchèque. L’idée a été mise en œuvre il y a plus d’une trentaine d’années. Elle a été gérée de manières différentes dans les deux pays à l’occasion d’une crise pendant laquelle les scolytes, des insectes qui s’attaquent aux bois, se sont énormément développés. En Bavière, les responsables ont décidé de ne rien faire, et le problème s’est régulé de lui-même. En République Tchèque, ils ont essayé de réagir, puis ils ont décidé de ne plus intervenir.




Quels sont les avantages liés au retour de certains secteurs à la naturalité ?


Cela revient d’abord moins cher que l’intervention à tout prix qui peut ne pas être supportable financièrement par la collectivité. La naturalité est aussi intéressante sur le plan scientifique car elle permet d’étudier comment la nature reprend le dessus et retrouve ses équilibres. Et à une époque où on qualifie beaucoup de choses de « durable », il va de soit que la libre évolution est la méthode de gestion la plus durable qui soit, et de toute façon celle qui est la plus adaptée au site en question. La diversité biologique qui s’y développera sera celle qui est réellement adapté à ces milieux et non un modèle imposé à des biotopes plus ou moins artificialisés.



La naturalité est-elle bien accueillie en France ?



C’est une idée très nouvelle en France, qui encore mal comprise. Elle est perçue comme une récession, un retour en arrière, alors que c’est un concept très riche. L’habitude est prise d’intervenir à tout prix, y compris pour maintenir ou »produire » de la biodiversité comme certains produisent des céréales ou du bois. Certains gestionnaires d’Espaces Naturels n’imaginent pas un milieu naturel où on n’intervient pas par des mesures environnementales, en faisant paître des moutons ou des vaches, en coupant des arbres pour qu’une forêt ne progresse pas, pour protéger des tourbières. Or il existe aussi une régulation de bien des milieux par les évolutions climatiques, par le niveau des eaux, comme pour les tourbières des Hauts de Chaume par exemple.


La France s’était engagée auprès de l’Union Européenne à créer plusieurs grandes réserves intégrales. Une réserve a été confirmée à Chizé, dans l’Ouest, mais elle existait déjà comme un grand enclos pour étudier plusieurs espèces. Depuis plus d’un an, on attend la simple signature du préfet de la Drôme pour que celle du Vercors, 2000 hectares qui sont propriété de l’Etat, soit enfin classée en Réserve Biologique Intégrale. Il y en a une en projet en milieu méditerranéen, dans le Massif des Maures. Pour le moment il y a très peu de réserves biologiques intégrales, il y en a quelques unes dans les Alpes. Il y a aussi dans le parc régional des Vosges du Nord, une expérience qui consiste à laisser la nature reprendre ses droits dans divers milieux qui avait été anthropisés, et qui depuis quelques années sont laissés en libre évolution. Les premiers résultats sont surprenants et très prometteur. La Nature a une capacité à se régénéré qui surprend même les plus optimistes d’entre nous…


Comment faire et vos idées commencent-elles à intéresser ?



Elles heurtent des gestionnaires comme les responsables de l’Office National des Forêts, des responsables de communes forestières, des propriétaires privés, qui tous veulent par exemple aller chercher des gros bois en montagne. C’est vrai, on a aussi besoin de bois pour l’énergie, mais il y a quand même des secteurs en montagne, où l’exploitation coûte trop cher pour la collectivité, impose trop d’investissements. Certains secteurs qui pourraient être laissés à la nature pour permettre de concentrer des moyens sur certains secteurs. L’économie, tout autant que l’écologie s’y retrouverait.



L’association Forêt Sauvages a-t-elle des projets ?


L’idée de naturalité intéresse. Nous pensions être seuls, mais lorsque nous avons lancé naturalité nous nous sommes rendus compte que beaucoup de personnes pensaient comme nous, souvent des personnes proches des territoires. L’idée avance. Nous avons même un projet qui permettrait d’acquérir de 200 à 300 hectares de forêts dans un secteur de très ancienne déprise agricole du Massif Central. C’est un projet que nous menons d’une manière privée, car pour le moment, l’administration n’est pas prête mais nous sommes en train de convaincre des entreprises privées avec lesquels nous démarrons des partenariats.


Recueilli par Michel Deprost


michel.deprost@enviscope.com




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