Pour Nicolas Imbert, directeur de l’association Green Cross International, la pandémie résulte de la non prise en compte par les sociétés humaines des rapports entre l’environnement et l’Homme. Pour lui, la recherche de la santé et du bien-être est une priorité sociale, qui doit sous-tendre une nouvelle forme de développement, fortement ancré dans les territoires.
De quoi l’épidémie du coronavirus est-elle le symptôme ?
Cette crise montre que nos sociétés développées ont perdu le contact avec une vision globale de la santé, et du bien-être, qui sont pourtant au fondement de l’action de l’Organisation Mondiale de la Santé, et même de l’Union européenne, dans l’article 3 de son Traité.
Nos civilisations ont totalement perturbé l’environnement naturel de l’humanité. C’est le cas dans le domaine du climat, on le voit depuis avec des événements de plus en plus extrêmes. C’est le cas avec la biodiversité, et la destruction de milieux de plus en plus nombreux, avec la déforestation qui se poursuit pour mettre en place une agriculture intensive. C’est le cas avec l’agriculture elle-même, avec l’élevage, avec les pollutions, notamment atmosphérique dont le lien est établi avec diverses maladies, avec les allergies.
Pourquoi ne tenons-nous pas suffisamment compte de l’environnement ?
Notre approche de la santé a été trop dominée par une approche médicale qui a tendu souvent à n’avoir qu’une démarche de remédiation, pour réparer ce qui était endommagé, sans s’interroger toujours sur les raisons des pathologies. Nos sociétés ont perdu ce qu’on appelle une approche holistique de la santé, qui reste encore celle de plusieurs culture, par exemple dans le Pacifique, chez lesquelles l’équilibre avec la nature, avec l’environnement local est pris en compte.
Comment changer de démarche ?
Au-delà de la gestion actuelle de l’épidémie, des urgences, il faut accélérer la mise en place d’une autre approche, celle qui fait du bien-être et de la santé un objectif global dès le départ, et non pas le résultat essentiel de techniques de réparation. Le concept de santé globale doit être largement compris et diffusé. Pour le moment, il est resté dans des cercles restreints de spécialistes, et n’a pas été expliqué en direction de décideurs publics.
Notez que l’approche de la santé globale avait été développée au temps du Programme Millénaire 3 pour le Gand Lyon et au niveau de la région Auvergne Rhône-Alpes, pendant le mandat de Jean-Jack Queyranne.
Cette reconstruction suppose de changer notre organisation ?
L’organisation de la santé au niveau privilégié de l’Etat, ou même de l’Europe n’est pas adaptée, elle est trop centralisée. La santé dot être appréhendée au niveau territorial, par les communautés, comme d’autres dossiers tels que l’énergie, le changement climatique, l’environnement, la biodiversité.
C’est à ce niveau qu’il faut construire la résilience ?
Il faut avoir une vision positive de la résilience, une vision anticipatrice, et non pas simplement en vue de remédiation. La résilience est un concept ancien, qui a été développé concrètement au Texas, une région soumise à de forts aléas, climatiques notamment, et où depuis 150 ans, dans les collectivités, elle est prise en compte par la gouvernance. C’est au niveau des territoires que cette résilience doit être construite.
Notre constat global devant la situation actuelle est largement partagé par des responsables économiques, par des spécialistes du secteur de l’assurance, mais pas assez par des responsables politiques.
Propos recueillis par Michel Deprost.
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