La série d’incidents ouverte le 7 juillet à l’usine SOCATRI ( Bollène) par le rejet accidentel dans l’environnement d’effluents contenant de l’uranium a provoqué une légitime réaction sociale et une mobilisation médiatique normale.
Il y a longtemps que l’industrie nucléaire ne s’était pas retrouvée sur le grill. Les débats agitent habituellement « anti » et « pro », dans des controverses qui s’ouvrent de plus en plus vers la société, sans toutefois toucher en profondeur le citoyen lambda. Ayant une conscience encore vague de la crise énergétique, ce dernier paraît surtout vouloir du carburant pour son auto, du courant pour sa maison.
La série de trois incidents ( Socatri, puis une canalisation endommagé à FBFC Romans et l’irradiation de salariés à la Centrale de Saint Alban) a ravivé le débat en mettant en position les acteurs dans une configuration nouvelle.
L’irradiation très légère de 15 salariés d’entreprise de la Centrale de Saint-Alban ( Isère) n’a pas fait bougé les médias. L’incident n’étant pas sorti de l’enceinte du Centre de production d’énergie Nucléaire, EDF a eu beau jeu après les deux incidents qui avaient frappé des filiales d’AREVA, de jouer une transparence maximale.
C’est AREVA qui étant en première ligne pendant dix jours, comme grand groupe privé tenant les deux bouts de la chaine nucléaire, des mines d’uranium nigériennes jusqu’à l’usine de retraitement de la Hague en passant par la fabrication de combustible en Isère-Drôme.
Attentions croisées
Le groupe a été pris sous les attentions croisées de l’opinion locale, des médias, des Préfets de Drôme et de Vaucluse, de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, du tout neuf Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN), du monde associatif, CRII-RAD et Réseau Sortir du Nucléaire, des élus locaux et régionaux , comme Hélène Blanchard, vice-présidente de la Région Rhône-Alpes en charge de l’Environnement et de la Prévention des Risques.
Ce regain de vigilance aigüe est justifié dans une période de crise où l’énergie nucléaire parée de propreté carbone entre autres, voit s’ouvrir éclore ici et là des marchés. L’exigence de propreté totale est normale. Propreté radiologique, propreté sociale, propreté d’une communication rapide et précise.
La CRIIRAD a joué son rôle d’aiguillon, en même temps qu’un Etat régalien prompt à exiger des mesures, à protéger les populations, avec une marge dé sécurité apte à rassurer les populations. La crise a vu entrer au devant de la scène, l’Autorité de Sûreté Nucléaire, dans son rôle d’autorité administrative indépendante, d’autant moins facile à accuser de collusion avec le lobby nucléaire qu’elle joue rigoureusement le rôle que lui donne la loi sur la Transparence et la Sécurité Nucléaire ( TSN) de 2006.
Tous les acteurs ont été là, y compris le « Parlement du nucléaire » qu’est le Haut Comité réuni en quelques jours à la demande d’un Ministre de l’Ecologie soucieux de se monter inflexible. On peut regretter l’insuffisance d’information sur la radioactivité des effluents et la question demeure de la liberté d’accès d’une association comme la CRII RAD à des sites, pour y réaliser ses propres mesures.
Sans faille
Le message envoyé nucléaire est clair. Ceux qui sont convaincus de l’utilité du nucléaire exigent normalement qu’il soit sans faille. Les opposants , partisans d’un débat énergétique et d’une rupture radicale, ne lui feront pas de cadeau.
Tout cela est nécessaire car le nucléaire du vingt et unième siècle en France ne fonctionnera pas comme le nucléaire de « papa » au dernier quart du vingtième. L’énergie fournie par une entreprise publique est livrée sur un marché où l’Etat ne tient plus toutes les commandes. Le secteur nucléaire suit de plus en plus une fonctionnement à l’anglo-saxonne, de flexibilité, où l’Etat encadre, ou une autorité indépendante joue le gendarme, où un Haut Comité débat et auditionne, mais où les entreprises délèguent et sous traitent dans une logique financière et juridique où le savoir faire industriel n’est plus concentré entre les mêmes mains. Les syndicats comme la CFDT ont depuis longtemps attiré l’attention contre un fonctionnement qui n’est pas durable.
L’enjeu du contrôle social est d’autant plus grand en Rhône-Alpes, première région nucléaire au monde que la “vocation” atomique de notre région n’est pas terminée. Surtout du côté de Tricastin. AREVA y construit une nouvelle usine d’enrichissement d’uranium Georges Besse, pour produire la matière première de combustible. C’est à Tricastin que Gaz de France Suez projette un réacteur EPR que sa puissance financière ( et un feu vert présidentiel sur le principe d’un second réacteur) lui permet d’envisager. L’essentiel, c’est donc que le contrôle social dure plus que le temps d’un rejet.
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