Comment les espèces se sont-elles différenciées ? Quelles espèces ont disparu ? Des spécimens qu’on croyait appartenir à la même espèce n’appartiennent-ils pas à des espèces différentes ? Telle espèce protégée n’est-elle pas illicitement utilisée dans des préparations culinaires, des vêtements, des accessoires ?
Ces questions centrales pour la connaissance et le maintien de la biodiversité peuvent avoir des réponses grâce à des méthodes mises au point par les généticiens spécialisés en paléogénétique.
La paléogénétique est devenue une discipline à part entière. Et le laboratoire qui travaille à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon sur l’ADN ( acide désoxyribonucléique) ancien, va inaugurer dans quelques semaines la plate-forme PALGENE qui constituera l’équipement central capable d’accueillir des équipes désirant réaliser des travaux de paléogénétique.
Des animaux taxidermisés
aux momies
« L’origine de la paléogénétique remonte à une vingtaine d’années» explique Catherine Hänni, chercheuse au CNRS, dont la double formation de biologiste et d’archéologue a orienté les travaux vers le passé. « Les chercheurs se sont intéressés au début à l’ADN des animaux taxidermisés, puis aux momies. On a appris ensuite à extraire l’ADN ancien qui reste dans les os et dans les dents, et les applications de la paléogénétique se sont diversifiées, jusqu’à trouver des débouchés, et des brevets dans l’agro-alimentaire ou dans la lutte contre la fraude».
Aujourd’hui, la paléogénétique est une discipline établie. Ce qui paraissait marginal, est doté de méthodes spécifiques, d’un enseignement, attire des chercheurs, des laboratoires et amène des résultats considérables. Des résultats qui bousculent des certitudes établies ou répondent à des incertitudes.
Ours des cavernes et Esturgeon
« Nous nous intéressons à des taxons disparus, tels l’ours des cavernes ( par exemple ceux de la Balme à Colomb, dans le massif de Chartreuse), ou le Mégalocéros, ou même,, en collaboration avec une équipe de Montpellier à l’Esturgeon, en vue d’une possible réintroduction de ce poisson dans le Rhône, où il a disparu il y a une trentaine d’années».
Les paléogénéticiens se sont également intéressés à l’Homme de Néandertal pour mieux connaître son génome, donc son intimité génétique.
Revoir la biodiversité passée
La paléogénétique analyse les génomes de la biodiversité passée. Avant la paléogénétique, la détermination des espèces était réalisée par l’examen des ossements ou des dents, par une approche morphologique en calculant et comparant les caractéristiques des spécimens trouvés.
Ressemblance ne signifie pas non plus appartenance à la même espèce : c’est ce que les études de paléogénetique permettent d’élucider
« Nous avons étudié l’ADN d’Ours qui vivaient en Afrique du Nord, que l’on pensaient très proches des Ours européens. C’est du moins ce que croyaient les paléontologues. Or, nous nous sommes rendus compte que ces ours étaient très différents génétiquement. Avec leur disparition, c’est donc un pan de la biodiversité qui a disparu» explique Catherine Hänni. La paléogénétique aide ainsi à redessiner les contours entre certaines espèces, précisant les aires de répartition à travers le temps.
Stérilité extrême
Pour étudier l’ADN ancien, il faut des outils efficaces. Il faut éviter en particulier des pollutions par de l’ADN actuel. Il faut donc des salles isolées, très propres, en surpression, dont l’air est soigneusement filtré. C’est ce qui est en train d’être aménagé à l’Ecole Normale Supérieure de Science de Lyon. Les échantillons seront préparés, stockés, avant d’être exploités dans des conditions de stérilité extrêmes.
Les perspectives de la plate-forme PALGENE sont immenses, en direction du passé, mais aussi dans le présent. Les méthodes de paléogénétique permettent par exemple d’identifier avec quelques brins d’ADN les espèces animales utilisées pour réaliser le cuir des instruments de musique, un sac ou une ceinture., et démasquer l’utilisation d’espèces protégées. Par exemple, l’équipe de Paléogénétique a mis au point une puce à ADN permettant de déterminer la présence de l’ADN de 80 espèces parmi lesquelles des espèces répertoriées par la convention CITES (1)
1) La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, est connue par son sigle CITES ou encore comme la Convention de Washington, est un accord international entre Etats. Elle a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d’animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent.
http://www.ens-lyon.fr/web/nav/
http://www.planetegene.com/article/lhomme/paleogenetique/les-outils-de-la-paleogenetique
http://www.cites.org/fra/index.shtml