Le Pirée a été une île de 4 800 à 3 400 avant Jésus Christ, près de 4 500 ans avant la construction du Parthénon. C’est ce qu’a établi une équipe franco-grecque (1) dirigée par Jean-Philippe Goiran, chercheur CNRS au laboratoire « Archéorient – Environnements et sociétés de l’Orient ancien » (CNRS/Université Lyon 2) en étudiant les sédiments prélevés dans les environs du Pirée. ces travaux menés avec des collègues des universités d’Athènes, de Paris 1 et de Paris Ouest sont publiés dans la revue Geology du mois de juin 2011.
Au Ier siècle après Jésus Christ déjà, le géographe grec Strabon avait émis l’hypothèse que le Pirée avait été une île. Située à environ 7 km au sud-ouest d’Athènes, cette vaste colline rocheuse a abrité les trois ports antiques de la capitale grecque : Zea, Mounichia et Cantharos. Au cours du Ve siècle avant Jésus Christ, le Pirée était relié à Athènes par une route protégée de murailles garantissant la sécurité du passage.
Jusqu’à présent, aucune étude archéologique n’avait été menée pour vérifier l’hypothèse de Strabon. Pour éprouver l’« intuition » du géographe antique, les chercheurs ont effectué une dizaine de carottages géologiques, sur plus de 20 mètres de profondeur, dans l’actuelle plaine du Céphise située entre Le Pirée et Athènes. Ils ont comparé ces carottages aux archives textuelles. Chaque couche sédimentaire a été datée via la technique du carbone 14 ce qui a permis d’établir quatre grandes étapes au cours de l’évolution des paysages côtiers dans la région du Pirée.
Première phase, entre 6 700 et 5 500 avant J.-C., le niveau marin de la Méditerranée était alors bien plus bas qu’aujourd’hui : la colline du Pirée était rattachée au continent.
Entre 4 800 et 3 400 avant J.C., le niveau marin s’élève et le Pirée devient une ile.
A partir de 2 800 avant J.C., la vitesse de montée du niveau marin commence à ralentir et des sédiments sont apportés massivement par les cours d’eau voisins. Ce double phénomène provoque une accumulation de sédiments au niveau de la plaine du Céphise. Un paysage lagunaire s’est alors mis en place.
En fin, au Ve siècle avant J.C. les lagunes subsistaient. Pour construire les Longs Murs de la voie reliant le Pirée à Athènes, les ingénieurs ont comblé ces zones marécageuses.
Comment expliquer l’intuition de Strabon, qui vécut 3 500 ans après que le Pirée fut une île ? Première hypothèse, il s’est appuyé sur les écrits de ses prédécesseurs. Autre possibilité, il a réalisé une analyse du paysage côtier lors de son passage à Athènes au Ier siècle après J.-C. A l’époque, le rocher du Pirée émergeait autour d’une plaine littorale encore marécageuse. Enfin, Strabon s’est peut-être appuyé sur ces deux raisonnements pour supposer que la mer devait être présente entre Athènes et le Pirée à une époque plus ancienne.
(1) Ce travail a impliqué en France les trois laboratoires suivants : l’Unité « Archéorient – Environnements et sociétés de l’Orient ancien » (CNRS/Université Lyon 2), l’Unité « Archéologies et sciences de l’Antiquité » (CNRS/Universités Paris 1 et Paris Ouest/ministère de la Culture et de la communication) et le Centre de recherche de géographie comparée des Suds et des Nords (Université Paris Ouest – Nanterre La Défense).